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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Une chronique 2 en 1, à la croisée des parallèles :

Ce qui suit mêle deux ressentis : l'un issu du roman (1973), l'autre de la BD qui en est l'adaptation (2021). Lus d'affilée, Manchette en premier. Les deux médias se bonifient l'un l'autre, forment un tout plus grand que la somme de ses composants. La cohabitation montre de grandes richesses complémentaires, à l'image d'un semblable binôme couplant, dans le même temps, un roman et son film associé.

Présentation commune :

Paris. Au coeur des 70's.

Eugène Tarpon. La quarantaine imbibée d'alcool (Ricard et Whisky à satiété). Un éthylo-tabagique empuanti de l'odeur des Gauloises qu'il fume, chacune allumée au mégot de la précédente (les cendriers débordent). Un passé douloureux traine à ses basques, en tâche d'ombre, occultant tout espoir en l'avenir. C'est un ex-gendarme mobile mis à pied ou démissionnaire, c'est selon (on en saura la raison en cours de récit). Eugène Tarpon, un homme confronté au peu qui reste de lui-même, néanmoins plein d'humour et d'auto-dérision, introspectif, falot et gris muraille, à deux doigts de la marginalité financière. Un mari largué, jeté, divorcé, résigné. Un enfant prodige à deux doigts du retour au bercail. Il a laissé passer les cartes maitresses de l'ultime donne que lui a offert la vie. Il mène désormais une existence sans atout. Clap de (presque) fin ? Si ce n'est qu'un tendre visage féminin entrevu va le pousser à accepter l'improbable.

Eugène Tarpon. Détective privé comme à regret et à défaut, désespérément sans client car sans réelle expérience (il lui faudra un alter-ego, journaliste à la retraite mais toujours sur la brèche par ennui, pour l'aider à progresser dans une enquête qui ne le booste pas plu que çà).

Un personnage central à la ramasse, donc. Dans la dèche et la mouise, proche du décrochage résigné et fataliste. Un poissard en « Je narratif », mode anti-héros auto caricaturé « ON ». Une vie, boulet au pied l'entravant ; il s'y sent morveux et s'y mouche complaisamment. Un être fantomatique dépassé par tout ce qui l'entoure. Désabusé de tout, désabusé d'un rien ... Il va lui falloir de la ressource pour se dépêtrer du m******.

Un bureau d'agence miteux, au sixième sans ascenseur, un simple bristol punaisé à ses nom et fonction, pas de plaque dorée en bas d'immeuble … Quelqu'un frappe à sa porte. Une cliente … et, en brave type au grand coeur, il va accepter une affaire qui va lui causer bien des tracas.

La suite appartient au récit … Bienvenue en Polar-Land. Noire en sera la couleur.

Le roman :

Un peu déçu, je suis. Déconcerté serait terme plus adéquat. Je suis resté à l'écart du fond et de la forme. Distant et désorienté. Quelque chose d'inattendu et d'inhabituel, en gâte-plaisir, s'est intercalé entre le récit et moi. L'auteur m'était, pourtant, jusqu'à présent, une référence d'un genre auquel je suis très attaché, le néo-polar.

Alors quoi ? Peut-être n'était-ce pas, tout simplement, le bon moment ? Y'a des livres, comme çà, à ne chopper sur l'étagère que lorsqu'ils nous clignent vraiment de l'oeil. C'était le cas de la tentante BD en parution librairie toute récente, pas du roman qui ne m'avait pas encore donné son feu vert. Hors l'instant ad hoc, c'est râpé ; il me faudra une prochaine concordance favorable … pour le relire. Cabanes a su y faire, Manchette m'a laissé un tantinet sur voie de garage.

Je m'attendais tout simplement à autre chose … à du Manchette habituel, celui pur sucre, en chef de fil du néo-polar qu'il est. Il sait si bien s'y prendre qu'on en redemande à chaque fois. Tout en rapidité et concision, en flèches narratives fichées coeur de cible, en faits et gestes de ses héros désolidarisés de toute explication psychologique les concernant. Eh ben non : « Morgue pleine » impose d'emblée une autre facette du talent de l'auteur. Manchette, en éternel gourmand du polar noir US, rend ici un hommage marqué au genre. le néo-polar dont il est l'initiateur lui doit tant. Lui renvoyer l'ascenseur devient, ici, révérence et salut bas oblige. Il le fait dans l'urgence d'un porte-monnaie vide (payer les impôts affirme t'il en préface) et s'en sort bien (malgré tout). Il en reprend patiemment les formes archétypales, les clichés, borderline pastiche et parodie, tout sourire et franche jubilation perceptible. Manchette fait corps avec le modèle et court-circuite sa manière habituelle. Démarche logique : j'aurais dû m'en douter. Je n'ignorais rien du caractère atypique du roman dans la bibliographie de l'auteur, des objectifs qu'il ciblait. J'étais prévenu. La manière ne pouvait que différer.

Le "Je narratif" à l'oeuvre met le lecteur en empathie avec le héros. A l'ordinaire, Manchette s'en garde bien ; il ne nous montre son héros que par le petit bout de sa lorgnette. Comme à distance. Il n'explore, volontairement, qu'à minima la psychologie de ses personnages, ou du moins ne le fait qu'en rebonds de leurs faits et gestes. L'action masquant l'introspection, charge au lecteur d'assembler au mieux les pièces du puzzle.

L'humour fataliste et résigné gicle à chaque coin de phrases, l'aspect pastiche/parodie soft du polar noir US est réussi. Mais cela m'a éjecté du Manchette type, je n'y ai pas retrouvé mes marques. de plus, en écho aux intrigues touffues et alambiquées des maîtres du genre (Raymond Chandler et Cie), celle de « Morgue pleine » l'est tout autant, elle m'a perdu dans ses méandres.

En 1976, Manchette reviendra, avec « Que d'os !», vers le personnage d'Eugène Tapon. Une suite à ses aventures y sera donnée. Les intentions d'auteur y seront les mêmes. Me voilà prévenu. Je ne l'ai pas encore lu. Nul doute que mon ressenti, partant du bon pied, sera différent.

La BD :

Roman lu. Je reprends l'histoire, version BD, pour ce qu'elle est : un hommage au polar US d'antan. Ma désorientation première s'efface. Mon ressenti BD est tout autre. ... aux couleurs graphiques retrouvées des 70's.
A l'égal du roman, y mijotent certains marqueurs-type des 70's : la contre-culture, le gauchisme, le militantisme actif mais naïf de l'extrême-gauche … Via ses dessins, Cabanes montre plus que ne mentionne Manchette de ces années-là. Nostalgie. L'oeil se surprend à fouiller (par jeu) les vignettes, à la recherche des objets du quotidien de l'époque. Les pattes-d'eph, les pochettes de 33 tours (Miles Davis, Chet Baker), les unes de magazines (« Love Story », « Rock & Folk », « Pilote », « Lui »), les uniformes à képis, le formica des tables de cuisine, les voitures iconiques de l'époque (la deudeuche-camionnette, la 4L, la 3cv, le combi VW, la DS, l'Aronde, le tube-Citroën façon Louis la Brocante), l'exubérance psychédélique des tapisseries et des posters muraux (Jimi Hendrix), les motards sans casque, la clope à tous les becs ou presque, les paquets de gauloises cabossés/froissés/flétris, les postes fixes téléphoniques, les cabines-monnaie au coin des rues, le Ricard omniprésent, le design mobilier tout en laideur, Frank Zappa en imprimé t-shirt, la machine à écrire (ruban et ses feuilles carbone inclus). Ainsi se bâtit peu à peu un catalogue graphique, précis et jubilatoire, d'un quotidien suranné, celui d'une époque révolue.

En 2021, nombre de romans signés Manchette ont déjà été adapté en BDs. Tardi et Cabanes se partagent la plupart des titres en copiés/collés quasi constant des textes originaux (ultime hommage, me semble t'il). Leurs manières graphiques respectives sont différentes mais, toutes deux efficaces, enchantent. le premier use du contraste appuyé entre le noir et le blanc, de détails précis apportés au background, de la presque rondeur schématique des visages. Cabanes se fait volontairement imprécis, rapide, nerveux et vif, nuancé, coloré sans outrance, comme en demi-teintes. Les deux « racontent » Manchette ... que c'en est un vrai bonheur.

Manchette, Tardi, Cabanes … sacrée triplette.

Lien : https://laconvergenceparalle..
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Jean-Patrick Manchette (1942-1995) est un écrivain français, auteur de romans policiers, critique littéraire et de cinéma, scénariste et dialoguiste de cinéma, traducteur. Reconnu comme l'un des auteurs les plus marquants du polar français des années 1970-1980, il est également connu pour ses opinions d'extrême-gauche. Morgue pleine, paru en 1973, est le quatrième roman de Jean-Patrick Manchette.
Le détective Eugène Tarpon est un ancien gendarme qui a quitté le métier après une sombre affaire de manifestant tué. Son cabinet, dans le quartier des Halles, n'est pas des plus florissants loin de là, d'ailleurs il se prépare à plier bagages pour retourner vivre avec sa mère dans un petit village de province quand il reçoit la visite d'un ex-collègue reconverti dans la formation d'agents de sécurité pour les entreprises confrontées à mouvements sociaux, qui lui propose de le rejoindre pour encadrer des équipes de briseurs de grèves. Ecoeuré, Tarpon le met à la porte et commence à se saouler.
Il reçoit alors une seconde visite, un jeune musicien ayant ouvert une boîte de jazz et qui se trouve aux prises avec des racketteurs. Agacé par la naïveté du jeune homme, le détective l'expulse de son bureau et s'endort avant d'être réveillé par une très jolie jeune femme, « plutôt une minette comme ils disent », prétendant s'appeler Memphis Charles, venue lui réclamer son aide. Sa colocataire a été égorgée et elle refuse d'aller voir la police de peur d'être suspectée.
Tarpon mènera l'enquête contre son gré, aidé par un vieux journaliste à la retraite, Heymann. Comme le titre du polar l'indique, les cadavres vont commencer à pleuvoir. Ajoutons des tueurs américains, un commando merdique de barbus gauchistes et un producteur de films (« euh…suédois » pour employer la terminologie de l'époque) pour étayer cette glauque histoire de famille avec un vieux père maffieux revenu au pays pour connaître sa fille et un frère barjot sexuellement perturbé.
J'avais lu Manchette dans ma jeunesse, La position du tireur couché par exemple, et je n'avais pas du tout aimé, m'étonnant des louanges de la critique pour cet écrivain que je trouvais particulièrement ennuyeux à lire. Quarante ans plus tard, ce Morgue pleine m'ouvre les yeux comme une révélation.
Une intrigue qui tient la route, une vraie écriture et tous les ingrédients du polar certifié. le privé et le commissaire aux noms gratinés, Eugène Tarpon pour le premier et Coquelet pour le poulet ! Tout le bouquin ne manque pas d'humour d'ailleurs, que ce soient les situations ou les réflexions de l'Eugène, Manchette fait son Dashiell Hammett en y introduisant une touche de fantaisie ironique. Ironie à son encontre ou clin d'oeil au lecteur ?
Autre plaisir de lecture, le bouquin date de 1973 et ça se voit, dans les marques des voitures, dans des réflexions comme « Il ressemblait à Jean Tissier » ou plus certainement encore dans l'évocation des gauchistes anti-impérialistes.
Un bon polar, tout à fait dans la tradition à l'ancienne, comme on dit pour les baguettes de pain. Pour information, le roman a été adapté au cinéma sous le titre Polar par Jacques Bral en 1983 avec Jean-François Balmer dans le rôle d'Eugène Tarpon.
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Il se dégage de ce court polar une charme suranné qui a su toucher chez moi la corde sensible de la nostalgie.
Je devine le sourire des moins de cinquante ans qui seraient amenés à me lire. Je tiens à leur dire que je ne cherche pas à endosser le rôle de l'ancien pontifiant que l'insupportable Jean Gabin nous a resservit à l'identique tout au long de sa carrière.
Sans déclencher une guerre de générations je ne prends guère de risque en avançant que l'évocation d'une Simca 1000 ou le recours à une opératrice pour passer un coup de fil et mille autres détails relevants d'une époque pas si lointaine mais déjà largement révolue, éveilleront peu d'écho chez les plus jeunes.
Mais quelle agréable sensation de revisiter grâce à Manchette les décors de sa jeunesse.
L'intérêt du bouquin ne se limite pas à ça, l'intrigue sans être époustouflante est rondement menée, sans temps morts et avec un humour qui fait son age sans être ringard.
Un polar à l'ancienne et à l'américaine comme disait le facteur de Tati.
Très rafraîchissant.
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Je suis tombée par hasard sur ce roman policier qui traînait sur le coin d'une table. Je me suis dit "pourquoi pas?" et j'ai commencé la lecture.
L'histoire se passe à Paris, ville de tous les métiers, de tous les a priori et de toutes les conséquences possibles et imaginables. Tout commence par un détective privé en mal de travail. Puis le travail arrive et tout va de mal en pis. De la colère, de la haine, de la surprise, du racisme, de la violence, du sexisme et de multiples suppositions qui ne mènent pas à grand chose peuplent ce livre.
Le ton est suffisamment noir humoristique que pour m'accrocher en tant que lecteur, mais c'est tout.
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Manchette Jean-Patrick (1942-1995) – "Morgue pleine" – Gallimard / Folio-policier, 2012 (ISBN 978-2-07-040831-3)
– réédition du roman publié en 1973

Manchette mobilise dans ce roman ses thèmes de prédilection : l'enlèvement d'un personnage (si ce n'est deux), le groupuscule anarcho- maoïste qu'il prend soin de ridiculiser (cf pp. 110-122, 155), les situations absolument in-vraisemblables, une intrigue extrêmement embrouillée etc. Les personnages restent dans le registre archétypal, les situations violentes et sanguinolentes sont toujours aussi complaisamment décrites.
Bref, c'est du Manchette pur sucre.

Je ne sais ce qu'en penseront les générations n'ayant pas connu ces années post-soixante-huitardes, mais pour ce qui me concerne, moi qui – à l'époque de leur première parution – guettais la sortie du nouveau Manchette, me voilà plutôt déçu par ces re-lectures à quatre décennies de distance...

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ce fut un plaisir de lire un nouveau roman de Jean-Patrick Manchette. Dès les premières pages, on est plongé dans le bain et on se régale...
Lien : http://fromtheavenue.blogspo..
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