Ce qui ressemblait de prime abord à une BD « jeune », du fait des dessins, type dessins animés d'aujourd'hui, sens du rythme et colorisation compris, et d'une galerie de personnages plein d'humour, avec Julie Petit Clou, Alphonse son mignon petit frère gaffeur, sa mère coeur d'artichaut, s'avère, la lecture avançant, au contraire, une excellente BD à plusieurs niveaux de lecture.
Tout commence en mai 1855 par l'attaque d'un carrosse sur le pont de l'Alma, alors en voie d'achèvement. Les malfrats veulent faire pression sur la jolie jeune femme qui l'occupe. Mais les choses tournent mal, le chef des bandits meurt, et ses féroces comparses se vengent en tuant la donzelle.
Julie Petit Clou, dont la mère fait profession de diseuse d'avenir, voit en rêve le déroulé des évènements. Rien d'étonnant, c'est elle, et non sa mère, qui dispose d'un pouvoir de voyance.
L'enquête est sérieusement menée par la police impériale… à partir du moment qu'il est établi que la victime était l'amante de l'empereur
Napoléon III et que le cocher, lui aussi tué, était son cocher personnel. Julie Petit Clou se retrouve ainsi impliquée dans une affaire qui la dépasse, liée à un complot visant à éliminer l'Empereur.
Les scènes s'enchaînent, mêlant de l'action, pas mal d'humour, qui pourra être apprécié par toutes les générations, un peu de paranormal (Julie dialogue avec les esprits), et un contexte historique très bien retranscrit. La ville de Paris est sans dessus-dessous car elle accueille la deuxième exposition universelle. Étienne Willem accorde d'ailleurs au lecteur de magnifiques vues de ce que devait être à l'époque les bords de Seine en bas des Champs-Élysées. le scénariste
Jack Manini replace lui les oppositions de l'époque : bonapartistes contre républicains, partisans d'une Algérie aux seules mains des colons ou ceux, qui comme l'Empereur, envisagent les mêmes droits pour toute la population sur place. L'occasion de rappeler que Louis-Napoléon a été l'homme des contrastes. Élu par la République, ayant conservé le pouvoir par un coup d'État, qui a amené morts et déportations chez les Républicains, Empereur comme son oncle, mais soucieux d'égalité et de suffrage universel (tant que les suffrages lui revenaient)…
Chapeau au scénariste, pour cette présentation complète de l'époque et de ses enjeux. Chapeau au dessinateur pour avoir rendu cette histoire fluide, amusante et plaisante pour l'oeil.
Le tout est complété par une annexe où vous apprendrez tout sur l'exposition de 1855 : ses buts, sa localisation, ses halls d'exposition, son salon des artistes officiels (et les autres), et quelques unes des inventions de l'époque, dont une poupée qui parle, une trouvaille qui va inquiéter le petit Alphonse pour des raisons que je vous laisse découvrir.