37 chapitres, 107 sous-chapitres, 720 pages, le tout imprimé en petite police : Éric Marchal est un auteur qui aime laisse courir la plume pour composer une belle épopée. Il faudra donc accepter de consacrer un certain temps à cette lecture pour l'apprécier.
Le roman s'étend sur les années 1863-1889 en proposant également quelques intermèdes qui se déroulent en 1918 alors que la Grande Guerre et la grippe espagnole sévissaient encore. Il s'intéresse aux progrès de la science et plus particulièrement aux avancées les plus spectaculaires. Pour cela il va croiser les destins des familles Eiffel et Delhorme ce qui permettra de mêler à une fiction inspirée certains épisodes historiques. Pour cette raison, il va être difficile de parler de roman historique.
Les aventures du clan Delhorme sont les plus intéressantes. Celles-ci se déroulent entre Grenade, le palais de l'Alhambra et
Paris. Chaque membre de la famille est intéressant à suivre : Clément le météorologue-aérostatier, Alicia la restauratrice et leurs enfants : l'énigmatique Nyssia, l'étrange Irving et Victoria. Il faudra encore penser à Javier,
Jezequel, Mateo, Kalia, les Pinilla et le sinistre Tête-de-rat. Bref, la galerie des personnages est tout aussi intéressante que les aventures qu'ils vivent que l'environnement.
Pour ce qui concerne
Gustave Eiffel, sa fille et ses principaux collaborateurs, les choses sont un peu différentes. Certes, il est intéressant de suivre leurs pérégrinations, mais elles passent au second plan. L'on ne peut que s'imaginer être spectateur des chantiers du pont Maria Pia, de la Statue de la liberté ou encore de la Tour mais celles-ci manquent d'exotisme. le premier chantier retient davantage l'attention et le second bénéficie de la visite d'un invité de marque. Seule la Tour semble délaissée au profit des intrigues secondaires.
Les hommages rendus ici sont nombreux. L'auteur vénère un certain nombre d'auteurs bien connus (Hugo,
Zola, Irving, Verne) et s'appuie sur une bibliographique impressionnante. Ce travail de précision se retrouve d'ailleurs dans son roman. Il honore également les visionnaires (Eiffel et Bartholdi) sans oublier les pionniers de la photographie, de la médecine moderne, de la science non professionnelle, de la météorologie, de l'aviation. Il évoque souvent l'Alhambra, ce qui fait de cette lecture un complément nécessaire à la visite de ce monument. Inversement l'envie de visite le monument viendra tout naturellement.
Malgré l'épaisseur du roman, il est assez surprenant de constater qu'il faudra composer avec des ellipses assez frustrantes. A plusieurs reprises, l'auteur nous laisse en plan n'expliquant pas le devenir de certains de ses personnages. le chantier de la Statue de la liberté donne l'impression d'avoir été sacrifié au profit de celui de la Tour, qui étrangement semble bénéficier de moins d'attentions que celui du pont Maria Pia.
Il n‘en demeure pas moins que ce roman est une grande réussite. Il est long certes, mais il est difficile de le laisser tomber pour passer à autre chose. Cette épopée ressemble à un feuilleton de l'été que l'on suit avec plaisir. S'il n'y a pas cette étincelle de génie que l'on retrouve dans
le soleil sous la soie,
Eric Marchal a toutefois composé ici une belle et grande odyssée de la science moderne.