Pas un livre en particulier, mais deux auteurs : John Irving et Boris Vian. Vian avait un style jouissif et foutraque et Irving irradie une énergie joyeuse au service de personnages décalés. Mon premier manuscrit ressemblait à un croisement hybride entre les deux. Puis Irving l`a emporté.
Aucun, quand un livre m`éblouit par ses qualités exceptionnelles, il me donne encore plus envie d`écrire. Je suis comme un amateur de tennis qui assiste à un match de Federer ou de Tsonga : j`ai envie de prendre une raquette et de jouer ! Le plaisir ressenti est le même quel que soit le niveau de son activité. D`ailleurs, à y penser, je crois que je vais me remettre au tennis !
Anna Karénine, trouvé dans la bibliothèque de mes parents. Il y avait des classiques français et russes, une édition avec des couvertures en cuir bordeaux très épais. C`était le premier de la rangée. J`avais hésité avec Carmen... je ne regrette pas.
Le Petit Prince. A chaque fois, j`y trouve un nouvel angle, une nouvelle facette, de nouvelles notes. J`aime le lire à voix haute. Il est comme une mélodie à la fois simple et complexe, une musique qui, une fois entendue, ne vous quitte plus. On ne lit pas assez à voix haute.
Aucun, il n`est pas trop tard !
Les Douze Chaises, de Ilf et Petrov . Un classique de la littérature russe, écrit en 1927, qui décrit avec un humour tout en finesse les travers de la société slave de l`époque, à partir d`une intrigue loufoque. C`est un ami qui connait bien la Russie qui me l`a fait découvrir.
« le petit chaperon rouge », surtout pour la fin... Plus sérieusement, j`ai l`impression que les réputations sont surfaites du vivant des auteurs et que le temps fait bien son œuvre en matière de tri.
Fétiche, non, mais je pense à « Nous ne sommes faits que de ceux que nous aimons et de rien d`autre ». J`aime beaucoup Christian Bobin et sa prose poétique à la musicalité et à la force exceptionnelles. Dans chacun de ses livres, on pourrait extraire des dizaines de citations prêtes à défier l`éternité ! « Celui qui est sans argent manque de tout. Celui qui est sans lecture manque du manque »...
Les cavaliers de Joseph Kessel, l`Afghanistan d`avant l`Afghanistan. Il faut toujours retourner dans le passé pour comprendre les situations présentes.
Je suis parti de l`idée de suivre la vie d`un chirurgien de campagne à une période où aucun des moyens fondamentaux de la chirurgie n`existait : pas d`anesthésiques, pas d`antibiotiques, pas de transfusions sanguines, aucune connaissance précise des mécanismes de fonctionnement des systèmes et des organes. Et je voulais installer le roman au moment où la chirurgie s`émancipe de la tutelle des médecins, où elle passe d`une simple pratique à l`exercice d`un art. Cette fin du XVIIème siècle se trouvait juste à la croisée des deux chemins.
A l`époque où je situe l`action, les chirurgiens sont encore considérés par les médecins comme des « valets », occupés à des tâches purement manuelles. Comme vous l`écrivez, ils sont chirurgiens et barbiers, et, le siècle précédent, ils étaient aussi perruquiers, avant que ceux-ci ne forment une corporation à part entière. Les médecins étudient dans des livres écrits en latin, langue que ne maîtrisent pas les chirurgiens. Cette barrière les empêche grandement d`étendre leurs connaissances. C`est aussi une période où les chirurgiens ont la possibilité, nouvelle, de pratiquer des autopsies sans avoir à craindre les foudres de l`église. de nombreux traités d`anatomie circulent, dont les planches, dessinées par des artistes, sont parfois de véritables chefs d`œuvre d`art et de précision. Les guerres ont, aussi, fait croître l`influence des chirurgiens face aux médecins, dont le savoir livresque n`avait que peu de place dans l`urgence des champs de bataille. Dans les campagnes, où les médecins et les pharmaciens sont souvent absents, les chirurgiens posent des diagnostics et, par la force des choses, font aussi office d`apothicaire et de soignant. Nous sommes à un moment charnière, l`Académie Royale de Chirurgie verra le jour en décembre 1731 en France, et leur influence ne cessera de grandir, aidé en cela par des opérations réussies sur des patients illustres, comme certains rois de France.
Toutes sont des cas réels. Et plus ils semblaient incroyables, plus je prenais plaisir à les intégrer ! En me plongeant dans les archives, je ne pensais pas trouver une telle richesse de compte-rendu opératoires ou de Mémoires de chirurgiens. Un élément fut essentiel dans ces recherches : la numérisation d`ouvrages anciens par de nombreuses bibliothèques et leur mise à disposition via Internet. Parmi elles, la BNF (Bibliothèque Nationale de France) et la BIUM (Bibliothèque Inter Universitaire de Médecine) de Paris, qui ont mis en téléchargement des archives de chirurgie, à commencer par les traités d`Ambroise Paré lui-même. Bien qu`il soit antérieur à cette période, Paré -qui vécut au XVIème siècle- était encore étudié et ses traitements utilisés cent cinquante ans plus tard. J`ai, de même, pu trouver sur le site de la BNF (gallica.fr) des ouvrages sur les accouchements, qui m`ont permis de décrire dans le détail la façon dont ceux-ci se déroulaient. Il y a encore une quinzaine d`années, cette masse de documentation n`était à disposition que dans les bibliothèques, sans possibilité de les emprunter, ce qui rendait leur consultation compliquée et aléatoire. Cette évolution est, pour moi, une des plus belles réalisations d`Internet, sinon la plus belle.
Encore une fois, ce furent des livres d`historiens du XVIIIème et du XIX ème siècle, dont la plupart étaient accessibles sur les sites des bibliothèques, ainsi que des thèses. Les archives de Nancy m`ont, elles, permis d`avoir accès à des documents manuscrits de l`époque, très précieux pour appuyer des détails de l`histoire. Dans la partie se situant à Versailles, j`ai eu recours à Saint-Simon et ses fameuses « Mémoires », ainsi qu`aux correspondances de membres de la cour, comme la Palatine (Élisabeth-Charlotte de Bavière, belle-sœur du roi, au style très croustillant !). Les gazettes de l`époque, comme La Gazette de France ou de Hollande, ainsi que les Chroniques de l`Oeil de Bœuf (qui sont postérieures), m`ont apporté des anecdotes -et parfois des rumeurs !- sur la vie de la cour.
Je me suis rendu compte, à la lecture des historiens, que leur vision d`une période de l`Histoire, et des personnages historiques, évoluait au cours des siècles. Ainsi, Léopold, le duc de Lorraine, fut encensé pendant une centaine d`année par ses biographes (tout comme il l`avait été, après sa mort, par Voltaire), avant que les compliments se nuancent, faisant état des points positifs de son règne sans éluder les points plus faibles. le recul nécessaire à l`objectivité demanderait donc un siècle de maturation !
Plus sérieusement, les ouvrages sur l`histoire des rues de Nancy m`ont aidé à comprendre la vie quotidienne de ses habitants et les événements ordinaires et extra-ordinaires qui s`y étaient produits, même si, parfois, les auteurs n`étaient pas d`accords entre eux sur des éléments précis. Ainsi, j`ai butté longtemps sur un décompte animalier particulier : le duc Léopold, lors de son retour au duché, fut accompagné d`une cour hétéroclite, exilés lorrains qui rentraient au pays, soldats Hongrois qui le suivaient, prisonniers de guerre turcs, une armada de chevaux et de mules, ainsi que quelques chameaux pris à l`ennemi. Sauf que le nombre des camélidés variait, selon les biographes, entre neuf et six cents ! J`ai fini par opter pour le premier chiffre après avoir vu plusieurs tableaux représentant ce cortège lors de son entrée dans Nancy : il y en avait effectivement neuf. Je trouve tous les détails aussi importants, voire essentiels, à la véracité d`une fresque que les faits historiques eux-mêmes. Ils sont la chair d`un corps dont l`Histoire serait le squelette.
A plusieurs titres ! Au moment où débute le roman, la Lorraine est encore sous la coupe de l`occupation française et le duché est exsangue après près de trente années de guerres. Puis le traité de Ryswick de 1697 rend ce petit état à son duc, Léopold, qui est né en Autriche et n`y a jamais mis les pieds. C`est le début d`une ère d`une prodigieuse richesse, pleine de rêves et d`espoirs pour un peuple qui, par dessus tout, ne désirait que la paix qui les avait fui depuis trop longtemps. Commence alors une période de reconstruction, foisonnante, idéaliste, frivole, que j`aime appeler la « parenthèse enchantée ». le duc n`aura de cesse de garder la neutralité de son état, face au Saint Empire Germanique et, surtout, face à la France de Louis XIV, qui n`a qu`une ambition : annexer par tous les moyens une Lorraine qui est telle un insecte sur la patte d`un lion, une enclave étrangère en terre française. le règne de Léopold, une trentaine d`années, fut riche en événements, et le duc se révéla, à travers ses qualités et ses défauts, un souverain d`une grande humanité et un personnage des plus attachants.
La seconde raison qui m`a attiré irrésistiblement vers la Lorraine est que, bien qu`étant lorrain moi-même, je ne connaissais que très mal cette époque. J`y ai appris tant de choses et je suis tombé sous le charme du côté romanesque de ce souverain qui a conduit les destinées du duché. le personnage principal, Nicolas Déruet, rencontre Léopold (qui n`a alors que seize ans et se trouve à la tête des armées lorraines) sur les champs de bataille, quelque part en Hongrie, et rentre avec lui pour reconstruire le duché. Il participera à la création de l`hôpital Saint-Charles, une ancienne maison de charité, et sera de ceux qui espéreront, avec le duc, un avenir radieux pour leur État redevenu indépendant. Cette période et ce lieu étaient le terreau idéal pour mettre en valeur tous ces personnages, ceux que j`ai imaginés et ceux qui ont réellement existé.
Cela a mis du temps avant de trouver mon rythme d`équilibre. J`écris les soirs, environ trois heures. Tous les soirs, car le plus important pour moi est la régularité. J`ai besoin de ne jamais m`éloigner de mon manuscrit, de ne pas subir de « coupure », même de quelques jours, afin de rester imprégné de l`histoire en permanence. Je débute un projet par une longue période de constitution et de lecture de la documentation, environ cinq mois pour Le soleil sous la soie. Puis je commence l`écriture, toujours dans la chronologie de l`histoire, tout en continuant de m`aider de la documentation au jour le jour, en fonction des besoins. Mon travail professionnel m`emmène dans un univers complètement différent (je m`occupe de nutrition dans un centre de R&D à Vittel) et le cloisonnement se fait naturellement. Chaque matin, au réveil, je réfléchis à ce que je vais avoir à écrire, puis je laisse mon inconscient faire le reste dans la journée et, les soirs, les idées sont en général claires sur le chemin à suivre.
Cela fait vingt ans que j`écris et certains manuscrits terminés ne sont jamais sortis des tiroirs. Il y en a qui y resteront, pour le bien de tout le monde (sourire) ! D`autres sont en attente d`être édités. Mais j`ai toujours envie de nouveauté et le prochain roman est en début de constitution. L`intrigue se met en place. Changement de période et de lieux, je lis en ce moment beaucoup de documents sur une période plus ancienne, voire très ancienne ! J`y découvre tellement d`informations intéressantes que j`ai très envie de partager. le début d`un projet est toujours un moment important : à la fois excitant et inquiétant, comme le départ d`un chemin de grande randonnée, quand la montagne qui vous nargue de sa hauteur semble inaccessible. Dans ce cas là, j`évite de regarder le sommet ! Chaque pas quotidien suffit à mon bonheur.
L'émission "Le coup de coeur des libraires est diffusée sur les Ondes de Sud Radio, chaque vendredi matin à 10h45. Valérie Expert vous donne rendez-vous avec votre libraire Gérard Collard pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! Bella Ciao de Raffaella Romagnolo aux éditions Albin Michel https://www.lagriffenoire.com/1097504-litterature-anglophone-bella-ciao.html Une soupe à la grenade de Marsha Mehran et Santiago Artozqui aux éditions Philippe Picquier https://www.lagriffenoire.com/1088417-litterature-anglophone-une-soupe-a-la-grenade.html Les grandes affaires des services secrets de Rémi Kauffer aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/1089726-essais-les-grandes-affaires-des-services-secrets.html le grand livre de la cuisine française: Recettes bourgeoises et populaires de Jean-François Piège aux éditions Hachette Pratique https://www.lagriffenoire.com/1065730-cuisine-le-grand-livre-de-la-cuisine-francaise---recettes-bourgeoises-et-populaires.html Fauves de Eric Mercier aux éditions De La Martinière https://www.lagriffenoire.com/1073259-romans-fauves.html Dans la peau de Buffet (Impressions) de Eric Mercier aux éditions Anfortas https://www.lagriffenoire.com/141397-romans-dans-la-peau-de-buffet.html L'Embuscade de Emilie Guillaumin aux éditions Harper Collins https://www.lagriffenoire.com/1089536-romans-l-embuscade---le-combat-d-une-femme-de-soldat-pour-decouvrir-la-verite.html le Crime de l'Odéon de Sylvain Larue aux éditions De Borée https://www.lagriffenoire.com/1056624-divers-polar-le-crime-de-l-odeon.html Les Écuries de Diomède de Sylvain Larue aux éditions De Borée https://www.lagriffenoire.com/1094412-romans-les-ecuries-de-diomede.html le soleil suivant, tome 1. Les filles du choeur de Eric Marchal aux éditions Anne Carrière https://www.lagriffenoire.com/1083942-romans-le-soleil-suivant--tome-1-les-filles-du-choeur.html le Soleil sous la soie de Éric Marchal, François Montagut aux éditions Pocket https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=21638&id_rubrique=39 Dictionnaire amoureux de Molière de Francis Huster aux éditions Plon https://www.lagriffenoire.com/1094180-theatre-dictionnaire-amoureux-de-moliere.html Les Cahiers d'Esther - tome 6 Histoires de mes 15 ans de Riad Sattouf aux édi
Bouvard et... (Gustave Flaubert)