C'est l'été les amis ! J'ai envie de mer, de soleil, d'îles, et pourquoi pas… de pirates !!! Il se passe un truc étrange dans mon esprit quand je pense « roman de piraterie » : je me figure que l'histoire va se passer du début à la fin sur des bateaux, entre gens qui ne font que naviguer, se battre, se voler. Eh bien non : c'est ce que j'ai découvert dans
l'île au trésor de
Stevenson, et c'est ce que je redécouvre ici avec
l'île des perroquets ; beaucoup de passages se déroulent à terre ou sur une île et l'histoire ne se compose pas uniquement de bagarres même si elle sont évidemment présentes.
.
En seulement 280 pages, c'est une grande et belle fresque assez complète que nous décrit Robert Magrit : pour nous présenter ses pirates dans leur contexte, il débute son histoire sur terre, où il nous montre comment un honnête homme, Antoine, en vient à devenir pirate. C'est lui qui nous contera cette fabuleuse histoire de flibuste. Son histoire part de loin et nous nous languissons de prendre la mer ; mais nous avons en contrepartie une vue d'ensemble de la vie de cet homme, et pas juste l'image fugace et potentiellement trompeuse d'un seul moment de sa vie ou aspect de sa personnalité. Bientôt, donc, et je vous laisse découvrir comment, il se retrouvera à bord d'un bateau pirate et nous initiera à sa nouvelle vie trépidante, à ses nouveaux collègues intrigants.
.
« En rompant avec les règles ordinaires du monde, nous avions prétendu ou espéré être libres, c'est à dire nous soustraire à des lois faites contre nous. Les uns avaient voulu échapper à la contrainte qui ne leur laissait aucun espoir de s'élever jamais au-dessus de leur condition. D'autres avaient voulu acquérir les richesses, se donner librement les plaisirs que l'égoïste loi des hommes refusait à leur naissance. D'autres, comme Brice ou moi, avaient fui une injuste condamnation. »
.
En échange d'une certaine forme de liberté - mais est-on jamais libre ? Il se pourrait qu'Antoine prenne conscience que la réponse est moins évidente que prévu - la vie de pirate est instable, et c'est peut-être là son plus grand charme : du fait des aventures qui peuvent bien ou mal tourner (combats en mer ou sur terre), de la météo, mais aussi de l'entente ou mésentente régnant au sein de l'équipage.
.
« C'est être libre que de n'obéir à aucun ordre humain, de ne tolérer des chefs qu'autant qu'ils se plient à la volonté commune ».
.
Si une femme sème la zizanie dans le coeur des hommes, si une stratégie ne fait pas l'unanimité, si le capitaine ne répartit pas les richesses de manière juste ou équitable… Il peut à tout moment lui être délivré la fameuse MARQUE NOIRE qui renversera l'équilibre et pourra aller du simple putsh à la vraie mutinerie. C'est une péripétie de ce genre qui amènera Antoine, Brice et quelques autres à être abandonnés sur une île déserte. C'est le moment qu'on adore tous : la pénétration dans ses forêts obscures, ses jungles moites et sauvages, les batailles avec les lianes, la chasse au sanglier, le rôti de singe et de perroquets - que d'exotisme, propice à une lecture estivale ! Mais après la poésie de quelques moments d'action épiques, comme l'apparition de lucioles prise pour une attaque feu ennemi, il faut s'abriter puis trouver comment partir d'ici !
.
« La nuit tropicale se berçait dans sa propre splendeur ; la mer écumait à peine. Un palmier enraciné presque à la limite des flots, tendait dans l'ombre ses feuilles frissonnant vers le large. Parfois, le cri mélancolique d'un toucan, s'élevant dans la forêt, éveillait les aboiement des singes. Les vers-à-feu promenaient parmi l'herbe leurs lentes lueurs d'étoiles tombées. On entendait les mangues lourdes s'écraser au sol en rendant un bruit mat. »
.
Mais ce ne serait une vraie histoire de pirates sans trésor à découvrir puis à conserver, sans belles dulcinées à rafler, sans prisonnier ni sans morts, sans mener la vie de gentilshommes terriens, etc… Robert Magrit explore tous les aspects de cette vie de pirates durs aux grands coeurs qu'il nous fait vivre, cette vie d'aventures que sa tournure de plume sublime, dans une nature lourde, envahissante et sensuelle, que seuls les marins en manque de caresses peuvent dépeindre…
.
« Nous rampions à travers la savane ; nos visages frôlaient ces immenses fleurs sans nom qui ouvrent en une nuit leurs corolles dont nul ne connaît la couleur, se fécondent de leur propre pistil et meurent au matin. Elles accrochaient aux poils rêches de nos faces des odeurs voluptueuse, étrangement humaines. »
.
Lecture estivale par excellence, pour vivre mille vie en une : celle d'un pirate des Caraïbes au 17ème siècle !