Après avoir raconté la rencontre de ses parents et le service militaire de son père dans "Les guerres silencieuses",
Jaime Martin retrace ici la vie de ses grands-parents, de leur engagement dans la guerre civile à leur (sur-)vie pendant la période franquiste. L'entrée en matière est formidable d'intensité, présageant un récit âpre et triste. La première partie, consacrée au déclenchement puis à la guerre civile, est très réussie. Elle montre bien l'arrière-plan politique de cette guerre, les forces en présence, et l'inexorable défaite des Républicains, incapable de rivaliser avec les franquistes appuyés par les troupes et les moyens militaires de l'Allemagne Nazie et de l'Italie fasciste. Comme à chaque lecture d'un ouvrage sur la guerre civile espagnole, le sentiment de gâchis, de désespoir et d'horreur domine. La citation de Camus, que
Jaime Martin met en exergue de l'un des chapitres, illustre bien cela : "C'est en Espagne que ma génération a appris que l'on peut avoir raison et être vaincu, que la force peut détruire l'âme et que, parfois, le courage n'obtient pas de récompense". La deuxième partie de la BD est consacrée à la vie rude du couple puis de la famille sous Franco, avec toujours le risque que leur engagement républicain leur soit reprocher, voire pire. le paradoxe de cette partie, c'est qu'à force de volonté pour survivre et avancer malgré les circonstances, c'est presque une success story à laquelle nous assistons. La menace latente ne serait pas là, les personnages n'auraient pas ce passé engagé, l'histoire serait peu intéressante.
Jaime Martin gère bien tout cela dans la construction de son récit. Toutefois, cette partie m'a moins plu. Ayant lu auparavant "Les guerres silencieuses", certains éléments m'étaient connus, la tension de certaines scènes s'en trouvait désamorcée. Malgré cela, cette BD reste un témoignage fort de la vie des Espagnols sous le franquisme, et mérite d'être lu en parallèle (et peut-être avant) "Les guerres silencieuses".