Cinq minutes passèrent avant que je prenne le chemin de l'ascenseur en titubant. J'étais ivre de tristesse, le sentiment de gâchis, de culpabilité me donnait le vertige. Je resterais coupée en deux à vie. L'Iris de Pierre. L'Iris de Gabriel. Deux hommes, deux amours. Je rirais au nez de quiconque me dirait que l'on ne peut aimer deux personnes à la fois. Si, c'était tout à fait possible. Sauf qu'on n'aimait pas de la même façon. Avec Pierre, c'était un amour routinier, rassurant. Avec Gabriel, un amour explosif, sur le fil, un amour en terre inconnue. Ses lèvres n'avaient pas déclenché le sentiment de sécurité que ma procuraient celle de Pierre. Elles m'avaient fait vibrer comme j'ignorais que ce fût possible, et j'y avais à peine goûté.
Elle souhaite se retrouver seule dans un endroit retiré d'Irlande. Elle laisse son ami Félix gérer seul son café littéraire "Les gens heureux" à Paris.
Avec lui, j'apprenais à ne pas parler pour ne rien dire
Je réalisai que je préférais la compagnie de personnes cabossées par la vie. Ça me remuait, ça me donnait un coup de fouet.
Dehors, il faisait sombre, il pleuvait, et des rafales de vent s'abattaient sur moi. Jusqu'au bout, je subirais le climat irlandais, il me manquerait.
Sans quitter la porte des yeux, j’avais reculé de quelques pas avant de m’enfuir précipitamment dans les couloirs de l’hôpital. J’avais refusé de voir ma fille morte. Je n’avais voulu me souvenir que de son sourire, de ses boucles blondes emmêlées qui virevoltaient autour de son visage, de ses yeux pétillants de malice, le matin même quand elle était partie avec son père. Aujourd’hui, comme depuis un an, le silence régnait en maître dans notre appartement. Plus de musique, plus de rires, plus de conversations sans fin.
J'étais simplement capable de profiter de petits bonheurs simples. C'était déjà ça, c'était déjà mieux.
Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux. Et depuis un an, je me répétais tous les jours que j'aurais préféré mourir avec eux. Mais mon cœur battait obstinément. Et me maintenait en vie. Pour mon plus grand malheur.
J'avais oublié à quel point les Parisiens faisaient la gueule en permanence. Un stage de chaleur humaine irlandaise devrait être obligatoire au programme scolaire? Je pensais ça, mais je savais pertinemment que, dans moins de deux jours, j'aurais le même visage blafard et peu avenant qu'eux.
J'étais simplement capable de profiter de petits bonheurs simples.