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J'étais sur le point d'entrer dans la douche quand la porte de la salle de bains s'ouvrit. La gêne s'empara de moi, il me voyait à nouveau nue dans la lumière crue du jour. La veille, nous avions pourtant fait l'amour furieusement et sans aucune pudeur, mais il nous fallait réapprivoiser la simplicité et la spontanéité du quotidien. Xavier était tout aussi mal à l'aise que moi. Un petit sourire naquit au coin de ses lèvres, alors que nous nous fixions, dérouté.
-Il faut que je me prépare aussi.
Je lui souris en guise de réponse. L'eau coulait sur moi, Xavier se rasait et nous échangions des regards intimidés à travers le miroir.
Il va très mal, il n'est pas dans son état normal...et je crois que tant qu'il n'aura pas parlé à votre femme ou qu'il ne l'aura pas vue, il ne remontera pas la pente.
Chaque jour qui passait l'éloigner de moi et moi de lui, je n'avais plus accès à ses pensées, à ses sentiments, je ne savais plus comment lui parler, je ne savais pas l'aider.
Ma vie était suspendue à ce médecin, aux paroles qu'il allait prononcer. Je le toisai pour lui signifier que j'étais prête.
Ce que je ressentais était incroyable de par son irréalité, son irresponsabilité et mon impuissance à combattre ce désir, cet appel vers lui.
Faire au mieux au milieu du pire.
Chacun de ses mots était une blessure qui serait impossible à cicatriser.
Une multitude de gens hauts en couleur s’occupait de moi et de tous les autres enfants, peu importait le lien de famille. C’était un monde merveilleux et illusoire. J’étais toujours revenue à la maison et à la galerie après ces semaines passées dans la communauté de maman, heureuse et rassurée par la stabilité et la constance de papa.
Grandir sans ma mère m’avait appris l’autonomie et l’indépendance. J’étais la petite femme de la maison ; très vite, j’avais géré avec plaisir l’intendance, je régnais sur mon monde. Et puis, maman n’était jamais loin, finalement. Elle nous écrivait régulièrement des lettres nous donnant et nous demandant des nouvelles. Elle glissait quelques photos de sa vie, nous en faisions autant.
Ces nuits-là, nous faisions l’amour étroitement serrés, animés d’une urgence lente, profonde. Le manque, la faim de nous appartenir nous emmenaient dans un autre monde, notre monde. Il fallait le recréer, nous réadapter, nous le réapproprier.