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sur 5950 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un prix Goncourt bien mérité selon moi, un roman que j'ai dévoré, la boule au ventre, impressionnée par le talent de l'auteur à décrire une réalité sociale sans fard - qui n'est pas sans évoquer les romans de Zola. Même noirceur, même difficulté pour les adolescents à s'extirper de la zone, impossibilité d'accéder à un avenir meilleur que celui des parents. Englués dans une époque qui n'a pas grand-chose à offrir, sur fond de chômage et de dépression (dans tous les sens du terme), Anthony et Hacine ont les mêmes aspirations : pouvoir eux-aussi consommer, ne pas être seulement spectateurs, se faire une place au soleil, ne pas être des laissés pour compte d'une société qui met tout en oeuvre pour reproduire les inégalités. Ils n'ont pas vraiment les codes pour réussir leur scolarité ; issus de milieux modestes, avec des parents qui font de leur mieux mais qui ne connaissent pas les règles du jeu, qui sont dépassés – les deux adolescents, très en conflit au début du roman, semblent avoir déjà renoncé à l'aube de leur vie.
La description de la petite communauté de l'Est de la France au centre du roman est particulièrement réussie : petite bourgeoisie qui vit repliée sur elle-même, ambition des élus de redynamiser un territoire éreinté par la fermeture des usines, ouvriers au chômage à la difficile reconversion, montée des extrêmes, alcoolisme, familles aux liens délités – tout y est, on est totalement en prise avec l'actualité (à la fois, les romans du XIXème ne décrivent rien d'autre). Cette peinture sociale pourrait être caricaturale, dans sa dimension déterministe notamment, mais l'auteur apporte suffisamment de nuances pour qu'elle soit crédible. J'ai particulièrement apprécié tous les passages concernant la scolarité et la poursuite d'études des adolescents : il y a ceux qui très rapidement sont écartés, ceux qui pensent qu'ils jouent égal car ils appartiennent à la même catégorie sociale (ils se fourvoient néanmoins) et ceux qui sont programmés pour réussir. On ne découvre rien ici, on connait ces processus , pour autant la façon dont ils se dévoilent à Stef est bien amenée, la prise de conscience de la jeune fille est violente. Pour autant, elle ne questionnera pas le système et mettra tout en oeuvre pour entrer elle aussi dans la course.
L'adolescence et ses émois sont également abordés, sans pudeur et dans toute sa complexité. de 1992 à 1998, Anthony cherchera à séduire Stef, qui n'est pas de son milieu. Elle va tour à tour le rejeter et accéder à son désir, plus par jeu que par sentiment réel. Les jeunes couples se font et se défont, leurs aventures entraînant leur lot de plaisirs mais également de déceptions, lent et difficile apprentissage des relations humaines.
Les personnages sont tous douloureux dans leur quête de reconnaissance, d'un avenir plus ensoleillé, d'un quotidien moins laborieux. Tous cherchent des solutions pour s'extirper de la misère : en faisant couple et famille très jeune, en subissant un emploi peu gratifiant et encore moins rémunéré, en dealant… Las, à la fin, la même impuissance à faire bouger les lignes. La pauvreté et l'exclusion comme seul horizon, l'ascenseur social ne fonctionne, tout cela n'est pas contextuel mais bien structurel.
Un roman intelligent, construit habilement, un style alerte. Un excellent moment de lecture qui, cependant, ne met pas beaucoup de baume au coeur.
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Quel est le point commun entre Rouillé, Idier et Mathieu ?
Vous avez le temps de lire cette deuxième phrase pour trouver la réponse !
Alors, on sèche ? On jette l'encre ? (ça, c'est pour la seiche…)
Les neurones s'activent, mais oui, bravo !
En effet, ils s'appellent tous trois Nicolas.
Coïncidence troublante, je les ai découverts à la suite.
Je viens de lire « Timika », j'ai abandonné « Dans la tanière du tigre », et je vous propose celui-là, un prix Goncourt trouvé dans une boîte à livres, curieuse pioche !
Comment un roman primé peut-il atterrir là ? Il sort de ses « gonds, court » à sa perte. S'est-il dit « Je m'en vais », il ne faut « Pas pleurer ». Cherchez « L'anomalie ».
Cette année-là, 2018, il y avait le choix entre quatre textes très différents, mais qui réhabilitent tous l'imaginaire. Quatre textes inégaux mais écrits avec application, tous clean, sans surprise, en un mot "goncourisables".
En récompensant Nicolas Mathieu, l'académie Goncourt renoue avec le récit romanesque, la chronique, la fresque grand public, qui donne une leçon d'histoire, délaissant les formes brèves, mais avec juste ce qu'il faut de tape-à-l'oeil, pas trop, pour qu'à la lecture, on se sente flatté par le style.
Un roman fouillé, épais, ah la vache , 400 pages, on en a pour son argent.
Mais ce vote ressemble aussi à un choix par défaut, élu au quatrième tour, comme si le jury prenait acte que le Goncourt n'est au fond que du dopant pour libraires, et qu'il serait absurde d'en espérer un chef-d'oeuvre.
« Au-revoir là-haut », il faut « Vivre vite » et ne pas rester « A l'ombre des jeunes filles en fleurs ».
Filon guère original des ados désoeuvrés, où sont donc passés « Les souffrances du jeune Werther » et « Le grand Meaulnes » ?
Des gosses perdus qui cherchent des raisons de vivre dans un monde hostile et corrompu, ça me fait penser à « L'attrape-coeurs » et à « Malataverne », des romans du milieu du vingtième siècle, avant l'industrialisation à outrance et les crises pétrolières.
Après, il y a eu « Les clochards célestes », analyse négative de la société américaine. Négatif, « Moins que zéro », on arrive dans les années quatre-vingts, où trouver un sens à l'existence ?
Goethe, Alain-Fournier, Salinger, Clavel, Kérouac, Ellis, la littérature a fourni matière à analyser l'adolescence.
Et là, maintenant, en 2023, se profile « Les dragons » de Jérôme Colin, juste après le « Fief » de David Lopez. il y a tant à lire sur ce thème !
Alors, que dire de « Leurs enfants après eux » ?
Dans ce long livre, on retrouve les scènes types attendues: le boutonneux qui reluque les seins des filles, la soirée où on se fait ièch mais faut bien picoler, les parents bornés, la castagne, les mobylettes et les scènes de baise.
Nicolas Mathieu place ses personnages dans la France périphérique, près de Thionvile, à Heillange, à des années-lumière des bobos rive gauche. Tout le monde a bossé chez Metalor, mais les hauts fourneaux, c'est plus ce que c'était. C'est plutôt les bas fourreaux, là où y a d'la gaine, y a pas d'plaisir.
Ils s'appellent Anthony, Hacine, Stéphanie, ils ont quinze ans, ils vivent chez leurs vieux à Heillange, ils ont leur C.A.P. d'délinquant, ils sont pas des nuls, ont une gueule d'ange.
Et on les suit, 1992, 94, 96 et 98, quatre étés entre leurs quatorze et vingt ans.
Leurs maladresses et leur désoeuvrement nous sautent au visage. Ils sont attachiants à défaut d'être bien éduqués.

« L'éducation est un grand mot, on peut le mettre dans des livres et des circulaires. En réalité, tout le monde fait ce qu'il peut. Qu'on se saigne ou qu'on s'en foute, le résultat recèle toujours sa part de mystère ».

Et la différence de culture n'arrange pas les choses.
Origine musulmane et trafic de coke, faut-il mettre la charia avant la beuh ?
L'impossibilité de sortir du déterminisme socio-culturel aboutit à la délinquance et à la violence. Dans les formules de phrases autant que dans les actes gratuits.

« Il ne reste plus d'idiots dans les villages, mais chaque café conserve son épave attitrée, mi-poivrot, mi-Cotorep, occupée à boire du matin au soir, et jusqu'à la fin ».

Il y a quand-même de l'ironie, la jeune coiffeuse qui s'installe en face du vieux merlan.

« Elle proposait une carte de fidélité, des coupes à cinquante francs pour les enfants et un notable décolleté : on frisait la concurrence déloyale ».

J'voudrais pas vendre la mèche, mais elle est bien bonne…
Je m'agace cependant d'une copie un peu trop bien écrite, lisse à force de chercher la phrase ou la formule qui font mouche.
Plus encore, ici ou là, s'imposent des formulations lourdes, telle cette écriture faussement dialoguée, pour faire vrai :

« Eliott lui demanda c'était quoi le problème ».

Là réside la faiblesse de ce livre, qui se donne trop à lire comme un objet parfait, où tout semble mesuré pour flatter le lectorat, avec ce qu'il faut de distance, de vulgarité gratuite, un soupçon de politique, un rien de tendresse…
J'ai trouvé l'écriture trop froide, trop prévisible aussi, pour être vrai.
Il reste que Nicolas Mathieu fait autant oeuvre de sociologue que d'historien en décrivant par petites touches la France des années 1990.
Avec ce côté poétique qui surgit tout à la fin.

« Ces mêmes impressions de soirs d'été, l'ombre des bois, le vent sur son visage, l'exacte odeur de l'air, le grain de la route familier comme la peau d'une fille. Cette empreinte que la vallée avait laissée dans sa chair. L'effroyable douceur d'appartenir ».

« Allez, demain est un autre jour ».
Commenter  J’apprécie          2013
Un texte magnifique sur une période chaotique, errance d'une jeunesse entre espoir et désespoir. Je recommande de découvrir aussi la lecture musicale entre Nicolas Mathieu et Florent Marchet que j'ai eu le plaisir de savourer lors du festival littéraire à Marseille "Ho les beaux jours".
Juste sublime !
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Bien que ce livre m'eut déjà capté l'attention lors de sa sortie et surtout suite au prix Goncourt, le sujet ne semblait pas m'intéresser à ce moment.
C'est lors de sa sortie en format poche que je me décidais étant d'ailleurs dans un état d'esprit me permettant sans doute de l'apprécier pleinement.

Et ce fut le cas! Un formidable roman social où nous sommes plongés dans la vie d'adolescents des années 90, fils et filles d'ouvriers dont les usines ont fermé.
De nombreuses références à cette période crédibilisent l'ensemble d'une main de maître.

Nous suivons 6 années de la vie des personnages de leur 14 ans à leur 20 ans. Issus parfois de milieux différents mais tous originaires de cette ville sinistrée qui tarde à se reconstruire suite à sa désindustrialisation et qui les laisse grandir sans grands espoirs, sauf celui de vivre et de rêver à de meilleures destinés...
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Sur 4 étés (1992, 1994, 1996 et 1998), on suit les petites histoires d'une bande d'adolescents dans la petite ville d'Heillange, ville fantôme après la fermeture des hauts fourneaux. Ils ne sont pas tous issus du même milieu, certains sont fils d'ouvrier, d'autres d'immigrés, d'autres encore de petits bourgeois. Mais tous rêvent de foutre le camp. Ils ont plein de rêves en tête. Ils ne souhaitent pas subir la même vie que leurs parents. La vie étriquée de leurs parents ne leur fait pas envie. Ils veulent échapper à l'alcoolisme, au chômage, au peu de considération vis-à-vis des femmes, au racisme…
En attendant, ils chassent l'ennui autour du lac en matant les filles. La ville d'Heillange n'existe pas, l'auteur s'est inspiré des villes de Lorraine touchées par la crise de la sidérurgie. Malgré leurs beaux rêves d'adolescents, ils seront obligés de faire face à la réalité et se retrouveront pour la plupart dans des situations pas plus enviables que celles dans lesquelles se débattaient leurs parents.
La description de cette époque et de ce milieu est très réaliste. On suit avec plaisir le devenir de ces adolescents attachants malgré les conneries qu'ils ne pourront s'empêcher de faire.
Et on ne peut pas s'empêcher de ressentir un pincement au coeur quand on se rend compte que finalement la plupart de ces adolescents n'échappera pas à son milieu social…
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Dans les années 90, j'étais en quête d'identité capillaire, j'avais un appareil dentaire, et je connaissais mes premiers émois amoureux en regardant les chorégraphies endiablées des boyz band à la télé. La France n'était pas encore championne du monde mais heureusement, Dieu nous avait donné la foi. En allumant le poste de radio avec cassette auto-reverse, les plus grands étaient encore là : Kurt, Prince, George, Michael, Whitney et on était tellement bien comme ça…

« Leurs enfants après eux » n'est pas un livre qui raconte une histoire, mais qui fait plutôt le portrait d'une génération. Celle d'une jeunesse perdue quelque part dans l'est des années 90…

Il était donc une fois dans l'est, des jeunes sans rêves, qui s'ennuyaient et vivaient dans un bled paumé. Ils s'appellent Anthony, Hacine, Steph ou Clem. Tous rêvent de partir mais peu y arriveront. L'héritage familial est lourd à porter : les adultes ont vu leurs rêves s'envoler avec la désertion des industries, ceux issus de l'immigration sont usés par le travail, les parents n'ont aucun avenir à offrir à leurs enfants.

Dans cette France racontée avec talent par Nicolas Mathieu, l'ascenseur social est en panne et la porte des escaliers de secours est bloquée. C'est la France du Picon bière, d'Intervilles et de Johnny Halliday. C'est cette minorité silencieuse prisonnière d'une existence sans issue, coincée entre l'alcoolisme, la violence et la misère sexuelle.

Plus qu'un roman, il s'agit là d'un véritable essai sociologique sur un univers où la fatalité l'a emporté sur l'espoir. Pour ma part, j'ai trouvé le roman un peu long et j'ai été déçue par la fin que je pensais être un feu d'artifice. Pas un coup de coeur en ce qui me concerne mais je comprends qu'il ait pu susciter l'adhésion d'autant de lecteurs et qu'il ait reçu le Goncourt.
Lien : http://mademoisellechristell..
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Voilà un prix Goncourt que j'ai mis du temps à ouvrir alors que je l'avais gagné au format numérique dans le cadre d'un challenge Babelio. La raison est bête, je n'aime pas sa couverture qui me renvoie des ondes négatives bien que je sois incapable de dire pourquoi. Je l'avais dit, c'est bête.
Quand j'ai entendu Nicolas Mathieu intervenir récemment sur Arte pour présenter un autre de ses romans je l'ai trouvé très intéressant, convaincue qu'il fallait lire "Leurs enfants après eux". Je ne le regrette pas, comme quoi on peut se faire de fausse idée à partir de pas grand-chose.

J'ai bien aimé cette chronique adolescente sur fond de désindustrialisation dans l'est de la France, dans les années 1990.
Le roman commence sur une plage au bord du lac de Heillange et se termine au même endroit alors que six ans sont passés. le personnage centrale Anthony est un garçon de quatorze ans que l'on va retrouver à plusieurs étapes de sa vie, ainsi que ses proches ou ceux qu'il croise.
Les quatre parties du livre correspondent aux années paires de la décennie de 1992 à 1998 mais cette construction qui semble un peu rigide ne l'est pas vraiment d'autant plus que ces parties ont pour noms des titres de chansons qui marquent l'époque.
S'il n'y a pas encore les smartphones, les jeunes black blanc beur fument des pétards, picolent, découvrent le sexe, sont désabusés et confrontés à la violence.
Face à leur avenir, les filles semblent un peu plus dégourdies que les garçons sans idéaux. le temps d'un été, la coupe du monde de foot de 1998 va générer une euphorie collective éphémère pour un espoir de mieux vivre ensemble.

Nicolas Mathieu traduit une réalité sociale souvent méconnue, il sait parler du milieu ouvrier, souligner les travers de notre société tout en gardant le sens du romanesque.


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Dans "Leurs enfants après eux", Nicolas Mathieu tisse de l'incipit à l'excipit un fil conducteur soutenu et consistant.
Il peint une fresque sociale polychrome des années 90 dans un giron de la France des oubliés.
Où, tour à tour, s'exulte et se meurt l'espoir face à un avenir incertain que l'on soit fils de petit-bourgeois, d'immigré ou de prolétaire.

Anthony, le couz, Hacine, Steph, Clem et les autres, de 14 ans à 20 ans.
Non, ils ne seront pas comme leurs parents, victimes de la fermeture des hauts fourneaux, obligés d'enchaîner des petits boulots précaires, noyant leur peine et leur ennui dans l'alcool. Cet avenir avec un arrière-goût de médiocrité n'est pas fait pour eux. La rage de vivre mieux, un rêve que l'on touche du bout des doigts.

En attendant l'âge adulte, ils traversent l'adolescence et leurs parents avec eux, au son d'une B.O. typique de ces années là, avec l'insouciance, les premiers émois, les initiations dangereuses, et plus tard les prémisses d'une vie responsable, la fuite où la résignation.

Les descriptions des lieux et sentiments sont détaillés, précis, minutieux. Un vrai travail d'orfèvre.

Et pourtant, ce n'était pas gagné, je n'ai pas plongé d'emblée avec frénésie dans cette lecture, j'ai rapidement été lassée par l'histoire, traînant et retardant sa découverte, une rencontre assez rébarbative dans un premier temps. Pas d'atomes crochus. Des difficultés avec les transitions entres le langage soutenu et ce langage de jeunes "authentique", et une impression de successions de clichés disséminés ça et là.

Ce n'est qu'à l'amorce de la dernière partie où un déclic est arrivé, où mon esprit s'est ouvert, où les personnages me sont apparus sous un autre jour et où surtout la démarche de l'auteur m'a sauté aux yeux. Où j'ai compris toute la lucidité de l'auteur, la perspicacité de son récit, l'intelligence de son histoire.
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Ma compagne avait commencé "Leurs enfants après eux" mais elle a arrêté sa lecture, convaincue que cette histoire ne pouvait que mal finir. Cela m'a intrigué. Je m'y suis donc plongé à mon tour et me suis laissé accroché. Pour ma part, j'espérais que tout se passe bien pour les personnages, qu'ils parviennent à s'arracher à leur quotidien. Voilà justement où l'auteur excelle, dans cet équilibre entre le pire et le meilleur. Il transcende des vies banales et ternes, en mettant à nu les rêves qui les étayent et les dangers qui les guettent. Que peuvent bien espérer les laissés pour compte d'une région sinistrée économiquement ? Que peut-on attendre d'amours adolescentes illusoires, fracassées sur le mur des différences de classes sociales ? Que peut-il advenir de bon d'un stupide vol de moto par un gamin qui se prend pour un caïd des cités ? Ni le pire, ni le meilleur. L'auteur répond à ces questions à hauteur d'une réalité presque documentaire où chacun commet des erreurs et se débrouille du mieux qu'il peut. Sans céder au pathos (ma compagne avait tort de s'inquiéter !) ni à un optimisme béat (tant pis pour mes envies de happy end !). "Leurs enfants après eux" rend passionnant des parcours de l'entre deux, des destins moyens dont on accède à la densité. Dans les amours frustrées, il y a quand même de l'amour. Dans les rêves contrariés, il y a toujours l'expérience de l'espoir. Aucune vie n'est insignifiante, même si nos parents ne nous ont pas laissé de grand héritage, même si la société ne nous réserve pas un bel avenir. L'auteur joue les funambules sur les crêtes de la grisaille du Nord qui s'illumine soudain car les éclats du soleil y sont aussi forts et beaux qu'ailleurs.
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C'est l'histoire d'Anthony. Celle de Hacine et de Stéphanie aussi, de leur parents et de cette vallée tellement triste depuis que les hauts-fourneaux ont fermé. Un pays où les déterminismes de classe semblent encore plus puissants qu'ailleurs, où la reproduction sociale s'opère avec une méticulosité diabolique. Un pays où des politiciens idiots parlent de reconversion touristique faute de mieux, où les anciens du laminoir descendent aux enfer de boulots pourris en boulots pourris, où on picole pour oublier cette vie un peu épaisse.

A travers l'histoire de quelques ados, Nicolas Mathieu décrit avec minutie le naufrage d'une région. Au fond, ces 425 pages bien tassées expliquent, mieux que n'importe quelle étude universitaire, l'explosion des gilets jaunes. Il y a toujours un moment où on se rend compte qu'on nous a menti, qu'on est foutu. C'est fichtrement bien mené, écrit avec le souci du détail et une langue bien ancrée dans l'époque et le terroir. Il y a de la drogue, du sexe, des mobylettes et de la teinture bon marché, des espoirs un peu fous et des passions foudroyantes. Beaucoup de tristesse mais aussi ce petit je ne sais quoi qui fait que, si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie.
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