Les musiciens peuvent dire que Beethoven, compositeur, a hésité longtemps à introduire les voix dans la dernière partie de son œuvre, qu’il les a préparées a l’orchestre, et que cette hésitation elle-même, comme s'il s’excusait de violenter un genre, lui a donné le motif de toutes sortes de préliminaires dont l’art est merveilleux.
Chopin a été de ceux-là, comme pianiste et comme -compositeur, Mais gardons-nous de le desservir, comme on ne l’a que trop fait, en reportant sur son oeuvre la fausse poésie sentimentale et conventionnelle, qui ne s'est que trop aisément attachée a l’idée que certain romanesque se fait du poitrinaire. Schumann est mort fou et a lutté toute sa vie contre l'hallucination; mais sa musique n’était pas d’un fou. Chopin a lutté toute sa vie contre la tuberculose; mais sa musique n’a rien de la mollesse, du maniérisme, du laisser-aller larmoyant, macabre et faussement touchant que le fâcheux souvenir de Gilbert, de Chatterton ou du jeune malade de Millevoye pourrait suggérer a notre esprit.
La Messe en ré et la Neuvième sont, dans toute l'œuvre de Beethoven, les deux conflits de son génie avec l’Immensurable. Dans l'une il a dit Sa religion et dans l’autre Son rêve social. Le reste est musique, et la plus belle des musiques, mais ces deux monuments cyclopéens restent exceptionnels. Nous ne les appellerons pas des chefs-d’œuvre, tant qu’a ce mot s'attachera pour nous l’idée de perfection, qui est aussi restrictive que louangeuse: non, il n’y a pas la de perfection au vrai sens du mot, c’est-a-dire que ni la Messe en ré ni la Neuvième ne sauraient être entièrement parfaites, faites jusqu’à l'achèvement.