Sibylle s'est séparée de Benoît depuis longtemps, obtenu la garde de Samuel, son fils, et est partie vivre à Bordeaux. Seulement, Samuel, qui traverse la houleuse période de l'adolescence, va mal, écartelé entre un père qu'il voit peu et une mère qui, en dehors de son travail, passe son temps avachie dans le canapé, entre alcool et tabac. Quand Sibylle prend conscience de la chute de son fils, elle décide d'agir pour l'aider à remonter la pente. Alors, elle organise un voyage au Kirghizistan pour eux deux, un périple à cheval à travers les montagnes rudes pour reconstruire un lien et
continuer ensemble le chemin.
«
Continuer » est un roman de
Laurent Mauvignier publié à la rentrée littéraire 2016. Comme l'indique l'auteur dès le début, l'idée de ce roman lui est venue à la lecture d'un article du Monde, en août 2014. C'est un très beau roman qu'offre ici
Laurent Mauvignier, comme il en a le secret, une histoire poignante autour du lien entre une mère en détresse et son fils à la dérive, portée par un style unique.
Dans ce roman, l'auteur déploie deux trames en parallèle : celle d'un voyage, une chevauchée, vers l'avant et les autres, portée par le projet que conçoit Sibylle (le style se veut alors galopant, le maillage de phrases longues maintient le lecteur en apnée et l'entraîne dans la cavalcade) – celle d'un voyage intérieur, une plongée en soi, vers l'arrière, avec une certaine lenteur voire, peut-être, quelques longueurs. le temps de cette pérégrination est l'occasion pour Sibylle de coucher par écrit, dans un carnet, les rêves inassouvis de sa vie d'avant et la déchirure brutale qui a vu ceux-ci s'enfuir ; Sibylle qui est tendue vers un objectif unique : son fils et la volonté chevillée au corps qu'il se relève, sa propre chute se faisant l'écho de la sienne. Et quand elle s'autorise, pour un moment, à penser à elle, à ses propres désirs, c'est là que le drame se noue.
De très belles descriptions se retrouvent au long de ces deux trames. Celles des paysages rudes et majestueux du Kirghizistan font penser au courant américain du Nature Writing. Il en est d'autres qui peignent avec une grande finesse psychologique les liens familiaux, mère-fils, père-fils et de couple, ainsi que le temps de l'adolescence, son effervescence et le bouillonnement des ressentis, nimbés d'ambivalence.
Le final prend la forme d'une promesse, celle de l'émergence d'un homme dans le corps et l'esprit d'un être en transition, plus tout à fait enfant mais pas encore adulte. Ce voyage initiatique ouvre sur l'altérité comme condition pour être au monde en toute authenticité. L'autre promesse que porte le roman ainsi que le final s'articule autour du titre :
continuer, espérer envers et contre tout, tous, ne pas se résigner ni fléchir devant les coups du sort.