Mauvignier Laurent – "
Continuer" – Ed de Minuit, 2016 (ISBN 978-2-7073-2983-7)
Quelle déception !
Voilà que l'auteur du remarquable roman "
Dans la foule" sombre dans la romance à cent sous pour faire pleurer Margot dans les chaumières !
Pire encore : il ne rate aucun des poncifs
de la bienpensance cultureuse actuelle la plus standard !
Le père n'est bien évidemment qu'un sombre et ignoble individu (grand classique depuis au moins quatre décennies, publicité assurée dans les revues "féminines" bcbg), le fiston va bien sûr sombrer dans la délinquance, et bien évidemment la brave môman (qui lutte, non moins évidemment, contre ce que les bobos appellent la "lepénisation" des esprits – p. 105) va le régénérer en l'emmenant caracoler à cheval dans le Tiers-Monde, là où les occidentaux ont pris l'habitude de déverser toutes leurs saletés – le mythe du Bon Sauvage s'avère inusable et l'équitation reste une valeur sûre dans les indicateurs implicites du statut social.
Ladite môman a découvert qu'elle a "des valeurs" tout en étant "de gauche" (p. 67). Ben voyons !
L'auteur ne nous épargne même pas le prêchi-prêcha sur le grand amour des émigrés et tout spécialement des musulmans qui apprécieront certainement d'être mis à la même sauce que "les pédés" (p. 198) ; lequel grand amour des musulmans s'accompagne – toujours bien évidemment – de l'habituelle dénigrement abject "des cathos", assimilés à ce père immonde.
Dans la série des poncifs, l'auteur ne nous épargne pas non plus la toute belle chanson de variétés si tant plein profonde - en anglais, bien évidemment (p. 144, entre autres), qui fait
le lien entre la brave môman et son gentil fiston (la musique est sans doute l'art le plus maltraité dans cette civilisation du fric).
On a même droit au tout beau couple qui ne se refuse pas un grand tour à moto à fond les manettes, sur le périphérique ou dans Paris (ce genre d'abruti-e-s existe réellement, ça terrorise les gens sur le périph, ça en réveille des dizaines de milliers en traversant Paris de part en part pendant la nuit – on est anticonformiste comme on peut).
Bien sûr, comme dans les romans de "Nous deux", ça se termine dans un hôpital, mais l'héroïne s'en sortira – l'auteur a-t-il réellement déjà vu ce à quoi ressemble un hôpital dans le Tiers-Monde ??? j'en ai vu deux de près, ça se passe de commentaire.
Et le fiston sera devenu "un homme un vrai", sa môman l'aura ré-enfanter, argh, que c'est beau, on écrase une larme, ça vaut
Maylis de Kerangal et son "
Réparer les vivants" !!!
- Beurk.