Soeurs de naissance, nées toutes deux un 4 juillet dans le même hôpital, les deux petites filles, Ruth Plank et Dana Dickinson ne sont on ne peut plus différentes. Ruth, cinquième et dernière fille vit avec ses parents, Connie et Edwin dans une ferme rurale du New Hampshire. Ruth vénère son père qu'elle suit partout, elle aime la ferme mais elle adore aussi dessiner, rêver, imaginer des histoires - loin de l'éducation pieuse et religieuse que sa femme donne à ses enfants.
Dana, de son côté, adore son frère ainé Ray et grandit dans cette maison voyageuse. le père George fait déménager la petite famille à l'autre bout du pays croyant à chaque fois faire fortune. Son épouse, Val, est une artiste peintre qui se consacre entièrement à son art. Dana n'a rien de commun avec ses parents bohèmes, adolescents éternels. C'est une scientifique qui aime le contact de la terre, qui a besoin de racines - et rêve de posséder enfin son propre lot de terre et ne plus en bouger.
Cette histoire, portée par deux voix, celle de Dana et de Ruth raconte leurs vies, de la naissance en 1950 aux années 90. le lien qui les réunit est très fragile, créé uniquement par le désir étrange de Connie de garder contact, et la visite des Dickinson tous les ans pour la fête nationale américaine. Ruth et Dana ne partagent rien si ce n'est le plaisir d'être en compagnie d'Edwin Prank, qui sait leur transmettre son amour de la terre, du bétail et même des fraises - il leur raconte la beauté de la nature et le cycle de la vie. Rapidement séparées par la vie, leurs destins ne cessent cependant de se croiser.
Joyce Maynard, je l'ai déjà lue à deux reprises et ici elle confirme une nouvelle fois son talent incroyable : celui de raconter magnifiquement la vie des femmes, à travers toutes les périodes clés de la vie - les premières amours, la découverte de la sexualité, le mariage, le divorce, l'abandon, la maternité mais aussi la différence lorsqu'elle se présente puis le temps qui passe inexorablement, la vieillesse, la maladie.
Ce livre tourne entièrement autour d'un secret, enfin de deux secrets. Difficile d'en parler sans trahir l'histoire, mais pour ma part, le premier secret aura été éventé au bout de dix pages ?
Toute me porte à croire que l'auteur souhaite faire du lecteur son complice, car elle vous saute à la figure, les indices s'accumulent très vite. Etrangement, Ruth et Dana n'en savent rien et même si pendant des décennies, elles vont toutes deux accumuler les doutes, les questions - aucune ne semble avoir pris le temps, simplement, de se regarder dans un miroir. Sachez cependant, si vous savez si bien lire entre les lignes, qu'il reste encore un autre secret dévoilé à la fin du livre.
Peut-être est-ce mon expérience personnelle, mais j'avoue que j'ai eu du mal à croire qu'elles aient vécu plus de quarante ans sans jamais douter de rien. C'est vraiment le seul bémol que j'apporte à cette lecture, car sinon, rien à dire :
Joyce Maynard est une formidable conteuse, ici le troisième personnage, masculin, Edwin, est aussi magnifiquement raconté. Maynard aime les femmes et sait rentrer dans notre jardin secret. C'est toujours un énorme plaisir pour moi de replonger dans l'enfance, ou l'adolescence.
Il y a aussi toujours une sorte de nostalgie de l'enfance qui semble habiter la romancière - pas de tristesse, mais une sorte de mélancolie qui semble accompagner tous ses personnages et ici on n'y échappe pas. Moi, j'y plonge avec allégresse. La preuve, j'ai lu les trois-quart du roman en une matinée, incapable de le reposer. Même en connaissant le secret, je continuais de suivre les pas de Dana et de Ruth.
J'avoue aussi qu'elle a su toucher plusieurs points sensibles, j'étais très proche de mon grand-père maternel, maraicher et horticulteur à ses heures. J'adorais l'accompagner, l'aider à s'occuper de ses fraises, de ses légumes et puis ses plantes, où il m'expliquait comment les soigner, leur parler. Aussi, en trouvant ici un personnage si proche de lui, j'ai été très touchée.
Sans vouloir trahir l'histoire, je trouve cependant le choix de ce personnage extrêmement égoïste et je ne peux m'empêcher de penser à la souffrance qu'il a infligé à son épouse. Mais Maynard vous rappelle que la vie prend toujours le dessus, et que la colère n'est qu'un goût amer au fond de la bouche.
Il me reste encore trois romans à lire signés Mayard (dont deux adaptés en films que j'ai vus) et je dis : tant mieux !
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