Avignon.
Il suffira qu'ici je t'évoque,
Nuit d'Avignon que Vénus parfume,
Pour qu'aussitôt en moi se rallume
L'astre dansant de la belle époque.
Dès que du haut des Doms catholiques,
Les yeux baissés devers Villeneuve,
Je reverrai miroiter le fleuve,
Mon cœur battra de désirs physiques.
Avec l'aveu de la tour des Anges
Et sous les pieds de l'immense Vierge,
Je descendrai sur l'auguste berge
Ou n ancrent pas les bateaux étranges.
Parmi ton calme en qui se nuancent
La majesté des hymnes papales
Et la douceur des voix provençales,
Palpiteront les anciens silences.
Dôme d'azur stellé d'émeraudes,
Ion firmament est reste le même.
Ce qui de toi me plaisait, je l'aime,
Nuit d'Avignon aux courtines chaudes.
Ce qui de toi me charmait m'enivre.
Comme autrefois ton haleine invente
La clarté grave et l'ombre émouvante
Par qui mon rêve a voulu revivre.
Et devinant que je la rappelle
Du clos de myrte ou l'amour flamboie
S élancera vers ma jeune joie
Laïs antique et toujours nouvelle.
SAINT-CHAMAS
Bordant l’étang sacré, les figuiers lourds de figues
Reluisent encor sous l’embrun.
Un air chaud continue à porter le parfum
Des fleurs salines des Martigues.
Assise sur un tertre où s’endort peu à peu
L’hosanna rauque des cigales,
Vous contemplez le ciel où d’obscures vestales
Veillent devant un astre bleu.
Mon amie, à vos pieds une chèvre se couche
Qui vous choisit comme berger ;
Et par instants la phalène vient voltiger
Dans l’haleine de votre bouche.
De l’île de roseaux à la lande de buis,
De la calanque à la terrasse,
Votre pays jamais n’a montré tant de grâce
À l’heure où vont naître les nuits.
Mais ce qu’ont de plus grand, de plus beau, de plus tendre
Le site et l’automne et le soir
Ce sont votre regard capable de les voir
Et votre âme de les comprendre.
p.25-26
Les deux roses.
Je croyait qu'à toujours étaient closes les portes
Sur les dernière fleurs de mon rêve orgueilleux.
Sans prévoir que vers moi se lèveraient tes yeux,
Je pensais n'aimer plus déformais que les mortes.
.Je savais que l'oiseau des brumes a chanté
Et que nous approchons de la fin de l'automne ;
Mais, dans le beau parterre ou le rosier s'étonne,
Ta charmante senne a ramené l'été,
Quand aux pages d'antan j'ai rouvert le vieux livre,
Tes doigté se sont posés doucement sur mes doigts.
Alors nous avons lu tous deux à demi-voix :
Et je me sens heureux de t'aimer et de vivre.
Derrière les cyprès, le soleil s'est éteint ;
/fiais les ombres du soir ne sont jamais complètes :
Je vois briller ensemble aux clartés des planètes
La rose de ta bouche et celle du jardin.
Le ruban.
Vous devez aller vers la mer splendide
Quand je dois revoir le bel Avignon.
Que Vénus me garde et qu'elle vous guide !
Là-bas, sous l'ardent signe du Lion,
Débarquent l'Hindoue et la Javanaise
Et, rasant les eaux, vole l'alcyon.
À la Ciotat vous serez bien aise.
Vous odorerez l'oranger niçois,
Et vous rêverez près du palmier d'Eze.
Vous y rêverez de ce que je crois,
De ce qui s'éprouve et pas ne s'explique,
D'une volupté qui n'a nulle voix.
Et par un soir chaud et mélancolique,
Votre cœur bientôt rejoindra mon cœur :
En vous j'ai scellé du ruban magique
La sorte d'amour qui jamais ne meurt.
p.15-16
L'anneau, sur un poème de Fernand Mazade.