L'assaut avait été murement préparé. Dès août, les librairies bruissaient de superbes services presse, Babelio proposait à ses abonnés la possibilité de lire ce livre en avant-première via une masse critique privilégiés et les photos publiées de ce nouvel opus des éditions
Monsieur Toussaint Louverture commençaient à faire baver le lectorat cible. Pour le commun des mortels qui avait dû attendre trois longs mois la sortie officielle du livre en octobre, l'effervescence était parfaitement à son comble.
L'acquisition de l'objet tant désiré continua efficacement d'alimenter l'élan : magnifique couverture embossée d'une feuille d'or et soigneusement réhaussée de noir et de rouge, bandeau argenté se recommandant de l'immense succès commercial de Black water, marque-page personnalisé gracieusement glissé dans les premières pages. Dans le détail, une esthétique associant, sur la quatrième de couverture, l'esprit des enluminures, façon danse macabre au Crazy horse, les flammes de l'enfer et quelques tombes au premier plan. de quoi se sentir l'heureux détenteur d'un objet rare et porteur de passions sulfureuses. de quoi mettre dans les meilleures dispositions n'importe quel lecteur ravi d'être aussi élégamment courtisé.
Charmée qu'on me conte fleurette, je n'ai pas refusé les assauts. Et puis, comme Yaena proposait qu'on fasse de ces Aiguilles d'or une lecture commune, j'avais ainsi un joli prétexte pour succomber à la vague
McDowell. Il faut préciser qu'en rat des librairies, j'avais déjà commencé la série Black Water que j'avais, malgré son packaging impeccable et sa sortie millimétrée, abandonnée au deuxième ou troisième tome, très peu convaincue par le caractère fantastique du propos et la peinture à grands traits de personnages mal dégrossis.
Alors ?
Eh bien, j'ai passé un bon moment de lecture. Non, vraiment, ça se lit bien, c'est palpitant, on est embarqué. Surtout passées les 200 premières pages qui mettent laborieusement l'intrigue en place. Est-ce que c'est inoubliable ? Absolument pas. Est-ce que ça avait vocation à l'être ? Je ne crois pas. Puisant dans les romans d'
Henry James et d'
Edith Wharton ce qu'il lui fallait du New-York de 1881, dans la veine gothique les héroïnes en quête de rédemption, les personnages perdus et incompris, dans le rêve américain assez de mythologie familiale pour qu'on frissonne de l'affrontement sans merci entre les Stallworth et les Shanks,
Michael McDowell livre un récit efficace, abouti et prenant. D'un côté les riches, puissants et affreux. de l'autre, les pauvres, puissants et affreux. Et pour chacun des membres de ces deux lignées, un coefficient de sympathie variable selon quelque élément remarquable : la lutteuse tatouée au grand coeur, l'éplorée vieille fille en quête de bonnes oeuvres, la matriarche vengeresse, le cupide avocat au coeur d'artichaut, etc. D'une façon général, les mecs en prennent pour leur grade. Ensuite vous déroulez une impeccable loi du Talion qui va mettre tous les survivants d'accord au terme de 500 pages d'exécutions jubilatoires, façon chamboule tout.
Alors, je ne crache pas dans la soupe. C'est bien mené. Sans subtilité mais avec une forme de talent. Mais sans la finesse et la complexité des caractères que l'on retrouve chez d'autres auteurs de littérature dite populaire comme
Daphné du Maurier par exemple.
J'ai noté que les éditions
Monsieur Toussaint Louverture annonçaient déjà Katie et l'Amulette pour 2024, Lune froide sur Babylon et Les Elémentaires pour 2025. C'est l'avantage avec un auteur mort, on peut échelonner ses publications à sa guise et battre le fer tant qu'il est chaud. Pas sûr toutefois que je trépigne d'impatience jusque-là. Mes camarades de lecture commune ont été bien davantage emballés. Merci à Nico, Doriane, Xavier, Anne-So, mon cher Pat, Berni, Sandrine, djdri25 et Altervorace d'avoir partagé cette lecture avec moi, dans des temporalités un peu plus asynchrones cette fois.