Marin en a marre. de tout.
Son boulot de prof lui apporte maintenant moins qu'il ne lui coûte.
Sa vie lui semble petite, étroite, il étouffe.
Le moral décline.
Seule sa grand-mère est une voix de lumière dans la grisaille de ces jours qui le minent.
Dans l'esprit de Marin, l'envie de fuir chemine...
C'est décidé.
Il démissionne et déjà s'imagine parcourant terres et océans, comme le fit jadis sa grand-mère que l'âge lentement achemine vers le grand départ.
Il plaque tout, donc.
Enfin... il voudrait.
Marin a une amarre qui contrecarre ses projets. Une amarre qui l'empêche de prendre l'air ou la mer, de quitter cette vie qui lui laisse comme un goût d'amer.
Est-ce l'argent ? Des chiffres sur un compte ont-ils à ce point pouvoir de vie et de mort sur ses desseins d'évasion ? Il faut renflouer les caisses. Les situations cocasses dans lesquelles Marin se vautre pour tenter de gagner de l'argent sont savoureuses. Bref, petits boulots, remise à flot, mais de départ, zéro.
Qu'est-ce qui donc retient Marin ? La peur de l'inconnu ? Quelle est donc cette amarre qui, à ce point enracinée, freine son élan, le retient prisonnier ?
Avec son deuxième roman,
Anthony McFly transforme l'essai. Affinée, peaufinée, l'écriture révèle ici un vrai travail d'orfèvre dans lequel rythme et tournures sont soignés, sonorités finement agencées pour donner à l'ensemble une harmonie très agréable à la lecture. Ça coule tout seul, comme dirait l'autre et pour ce qui est de couler… L'auteur lâche parfois Marin le temps de transcrire l'un des récits présents dans un ouvrage que Marin s'est procuré : il y est question de grands navigateurs aux échecs maritimes parfois méconnus, comme un écho aux ambitions avortées de notre héros pour qui la mer est un élément clé. C'est d'ailleurs d'elle qu'il tirera sa révélation.
Je reconnais qu'au départ les nombreux dialogues intérieurs de Marin m'ont désarçonné avec leur lexique presque suranné et puis au fil du texte, le voile se lève, Marin ne se sent pas à sa place parce qu'il ne l'est peut-être pas, il y a quelque chose de l'enfance et du grand âge dans cette façon de soliloquer, il y a d'un autre temps dans les phrases avec lesquelles il se parle. Nous aussi, finalement, on voudrait qu'enfin Marin s'envole et se trouve. Mais il reste et l'on avance avec lui sur son océan de doutes, de craintes, de questionnements dans une barque dont l'humour et la poésie sont les rames qui font naitre des vagues d'émotions. Certaines m'ont submergé. Même si je peux être une fontaine devant un écran de télé ou de ciné, rares sont les romans qui parviennent à m'arracher quelques larmes. le dernier chapitre d'«
Aux abois» y est parvenu, c'est poignant, c'est fort, j'adore ça. Dernier point. Minuscule. J'aime ces romans où l'homosexualité du personnage central n'est ni un problème, ni même un sujet. C'est. Point. C'est de plus en plus fréquent, et c'est bien.