Il m'aura fallu moins de 24 heures pour entrer et m'enfoncer dans les pensées d'Amaury comme on s'enlise inexorablement dans les sables mouvants d'un esprit en proie à des obsessions dévorantes. C'est qu'il est malade, Amaury. Malade d'amour pour ce garçon de 22 ans qui vit dans l'appartement de l'autre côté de la rue, son « bien-aimé », comme il dit. Malgré lui, le voisin se livre au carnet sur lequel Amaury note avec avidité ses moindres faits et gestes. Et sautant à cloche-pied sur la marelle de ses manies, Amaury passe d'une fixette à l'autre : quand il lâche le voisin des yeux, il fait la liste frénétique des mots aux sonorités détestables ou il fait le constat tragique des cheveux qui abandonnent son crâne, prémices d'une calvitie précoce réelle ou fantasmée. Ses accès de voyeurisme sont bercés par les mélodies fantomatiques de Kerenn Ann dont les textes résonnent étrangement avec ce besoin d'Amaury de disparaître derrière sa fenêtre, derrière sa hantise de rater la moindre apparition de son voisin.
Doucement mais sûrement s'installe une atmosphère malaisante qui va crescendo quand je réalise que je m'attache à cet Amaury qui pourtant me fait flipper. Pensez donc, quand il découvre que son voisin se prénomme Valentin, il pourrait y voir un symbole d'amour, mais non, cela lui évoque son grand-père, mort, pendu. Si l'amour et la mort semblent liés, vers quel destin se dirigent Amaury et son Valentin secret ? Quel avenir peut attendre un type qui se repaît des mots qu'il exècre ? Quelle relation peut se créer avec un garçon qui a la servitude en marotte, qui dans un ami n'attend qu'un esclave, qui dans le moindre serveur voit un apollon et qui lui-même s'asservit à des obsessions qu'il ne maîtrise plus ? Quand alors il soupçonne une ébauche de relation entre son Valentin et un autre homme et qu'il décide de les suivre dans la nuit, tout devient possible… le meilleur comme le pire. "Où vais-je ?" s'interroge la voix de Kerenn Ann dans les oreilles d'Amaury… Est-il en train de se perdre en croyant avoir trouvé le grand amour ?
C'est avec un réel talent qu'
Anthony McFly construit cette intrigue prenante. L'écriture est travaillée, ni trop simple, ni trop alambiquée, elle dessine un Amaury complexe à l'immaturité flagrante. On aimerait qu'il passe à autre chose, qu'il se guérisse de ce Valentin, mais en même temps on espère presque qu'arrive le drame. Je reconnais avoir regretté une fin rapide, mais peut-être est-ce tout simplement parce que je l'espérais différente, alors qu'elle reste finalement dans la ligne directrice du roman, à l'image de l'illustration de couverture : une atmosphère nocturne, sombre, mais où subsiste un halo de lumière, un halo fragile, bien présent mais susceptible de s'éteindre à chaque instant.
C'est indéniable,
Anthony McFly est un véritable auteur au premier roman très prometteur et dont le second finira avec certitude dans ma bibliothèque.