Toute relation avec cet homme tournerait au désastre. Difficile de trouver plus incompatibles que ces deux êtres. Il était pauvre, orgueilleux et dominateur. Quant à elle, elle était également orgueilleuse, mais riche, aux yeux de Ramon du moins, et farouchement indépendante. Ils finiraient tous deux par se blesser, en arriveraient à se détester. En un mot, ils couraient à la catastrophe.
Ils ne se connaissaient que depuis quarante-huit heures à peine, et elle n’avait plus qu’un souhait : qu’il lui fasse l’amour, ce soir. Elle était atterrée, l'intensité de son désir la laissait désorientée... Cette attirance physique était concevable, mais ce qui l’était beaucoup moins, et semblait d’autant plus effrayant, était le sentiment étrange, l’attraction quasi magnétique, qui l’entraînait vers lui.
Elle entreprit donc de passer en revue toutes les raisons d’être heureuse. A vingt-trois ans, son diplôme universitaire en poche, elle avait obtenu un emploi formidable, stimulant, et très bien payé. D’ailleurs, le legs par fidéicommis établi à son nom par son père lui aurait permis de vivre très largement sans travailler. Son appartement était ravissant et ses placards débordaient de vêtements. Elle plaisait aux hommes et pouvait compter sur ses amis, des deux sexes, sa vie sociale était aussi active qu’elle pouvait le désirer. Des parents adorables qui savaient l’épauler. Tout, elle avait... absolument tout !
Elle aimait les beaux vêtements, ainsi que son superbe appartement, et il était très agréable d’attirer tous les regards. Ses fréquentations masculines ne lui déplaisaient nullement mais elle fuyait toute intimité car elle se cramponnait désespérément aux lambeaux de fierté, au peu de dignité que David n’avait pas réussi à lui ôter. Et cela, rien ne l’y ferait renoncer, pas même le vertige des sens.
Elle n’avait aucun droit de se prétendre malheureuse, absolument aucun droit ! Elle avait une veine insolente ! Aux quatre coins de la planète, d’innombrables femmes n’aspiraient qu’à une chose : avoir un métier. Elles se battaient pour obtenir leur indépendance, rêvaient de pouvoir subvenir à leurs besoins, et elle, Katie Connelly, n’avait plus rien à désirer.