Petit ouvrage trouvé dans une boîte à livres. Une belle rencontre littéraire. Ce texte court est décrit comme étant le premier roman de l'auteur, compte-tenu de sa minceur, je le qualifierais plutôt de nouvelle. Quoi qu'il en soit l'écriture très poétique et nostalgique, évoquant largement les souvenirs d'enfance en Corse, a su me séduire.
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Mais la vraie solitude, il savait qu'elle s'accrochait désespérément aux fenêtres éclairées quand les longues nuits de froid et de faim étrennent leur misère.
Sans doute allait-il devenir riche, être reconnu comme une nouvelle star de l'édition, lui, l'enfant de la rivière aux pieds nus noircis par le goudron chaud de l'été, lui, l'enfant des arbres, égratigné de souvenirs encore inscrits sur son corps, lui, l'enfant qui voulait que la chèvre galope en faisant serpenter la corde sur les sentiers rocailleux, lui, l'enfant égaré un soir d'hiver à un carrefour de chênes et de châtaigniers quand les oiseaux qui picorent les premières étoiles ont fini de chanter, quand les rats peureux se cachent sous les feuilles, quand les sorcières de la fontaine maudite près du tombeau emmènent les petits enfants...
Il avait aussi connu l'amour, le vrai, celui des enfants qui s'aiment et font semblant de jouer à cause de leurs parents, pour ne pas éveiller les soupçons...
Le curé, lors de la confession pour sa première communion, lui avait bien demandé qu'elles étaient ses relations avec les filles dans la cabane sous les oliviers qu'il avait construite en pensant aux étreintes et aux baisers comme au cinéma; cette cabane-alibi, tressée de fougères, montée sur bois sec et léger d'aloès, occupée par une tribu d'Indiens dont il était le grand chef.
Il y avait du lapin chasseur en plat du jour et cela l'avait incité à entrer dans ce restaurant un 27 décembre enveloppé du froid de l'hiver et de la nuit déserte autour des réverbères blafards.
Le maître d'hôtel, en le débarrassant de son manteau marine croisé, lui a désigné une table; il s'est assis et a déversé son regard aux quatre coins de la pièce. Sa solitude l'encombrait.
Un jeudi de décembre, l'orage au repas du soir, la vitre baveuse et floue, l'éclair dans la brume, le figuier tout noir sous la pluie et quelques petites secondes bien serrées contre la nuit qui s'effondre le ramenaient dans la maison de son enfance où il pourrait puiser des milliers d'autres images.
Livre - "Une vie d'enfant" d'Henri Medori