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EAN : 9782910884550
124 pages
Bleu de Chine (09/09/2002)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Le protagoniste, un menuisier ouighour, virtuose de la langue de bois et de citations du Petit Livre Rouge, emploie ces instruments d'oppression et de décervelage au service de la liberté individuelle.
Émouvant, drôle et salubre à la fois !
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un autre court roman pour débuter 2019. un roman surprenant.
Tout d'abord par le parcours de l'auteur. Wang Meng, né en 34, a très tôt été attiré par l'écriture et le parti communiste. A 19 ans , il publie un roman qui va lui mettre les autorités à dos. Il décide de s'exiler (en tous les cas devance la sanction et vivra au Xinjiang de 63 à 79.
De retour à Pekin , il sera ministre de la culture de 86 à 89 et est considéré comme l'un des artisans du renouveau culturel chinois.
Voilà, le décor est planté . Ce roman raconte des scènes de vie de l'auteur dans le Xinjiang : le choc des cultures (il y a plus de 50 ethnies dans cette province chinoise), la difficulté à faire appliquer les concepts maoïstes à une population majoritairement musulmane.
Le héros de ce roman est un citoyen du monde : Mère russe, père non déterminé , menuisier, citant Mao à tout bout de champ, converti à la culture Ouïghour sans l'être vraiment.
A travers son histoire, l'auteur va dépeindre la vie des Ouïghours sous Mao, mais aussi donner une belle leçon de vie.
Autre particularité de ce livre , l'écriture ne fait du tout asiatique.
Bref, une belle surprise. On rencontre beaucoup de roman chinois dépeignant cette fameuse révolution culturelle , mais peu se sont exportés dans cette province chinoise.
Belle découverte.
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Des yeux gris clairs de Wang Meng est un court récit autobiographique qui relate la rencontre de l'auteur et narrateur Wang Meng avec Maerke, homme d'origine ouighour, pendant son exil semi volontaire dans la vallée de la Yili.
Et bien que l'histoire peut être lue indépendamment, elle fait partie d'un ensemble d'autres récits se déroulant sur la même période mais comportant d'autres personnages. Plusieurs d'entre eux sont évoqués à travers les divers récits sans être plus détaillés. Wang Meng raconte cette histoire aujourd'hui à partir de ses souvenirs, ce qui crée un certain recul mais donne aussi des indications sur cette période particulière de la Chine.
Au moment des faits, le narrateur et auteur se trouvait dans la vallée de la Yili à travailler dans les champs, ce qui faisait partie de la réforme Maoiste de l'éducation par le travail qui recommandait une hygiène de vie par l'effort.

Les fameux yeux gris claire de l'histoire ne font pas référence à Maerke mais à sa femme Aliya, qui sera sa seule et unique épouse. Bien que peu présente dans le récit aussi bien physiquement que dans les dialogues des personnages, c'est elle qui attire l'attention par ses yeux et sa beauté. Considérée comme la plus belle femme de toute la commune populaire, elle suscite l'admiration même chez les autres femmes qui en font des éloges sincères. Bien que plus âgée que Maerke et ayant déjà été mariée par le passé, ils semblent former un couple heureux, quoique atypique pour certain. Aliya semble être à l'origine des changements de comportement de son mari bien que rien ne nous soit montré directement. Sa maladie et sa mort l'affecteront beaucoup.

L'histoire débute au printemps 1969, période pendant laquelle Wang Meng séjournait chez un vieux couple ouighour, et où il fait la rencontre du charpentier Maerke, surnommé « Maerke l'idiot » en raison de sa propension à faire des idioties au lieu de travailler, qui fait office de vrai phénomène auprès des habitants. Ce n'est pas uniquement à cause de sa taille mais par sa verve qu'il se démarque. Capable de réciter des pans entiers du petit livre rouge de Mao à la limite du fanatisme tout en gardant une pointe enfantine dans le ton.
Amoureux de son métier de charpentier et peu enclin au travail, toutes les occasions sont bonnes pour y échapper, de même que pour les grands rassemblements. Il n'aime pas travailler en équipe et préfère s'occuper de sa femme malade. Malgré tous les reproches que les autres ouïghours peuvent lui faire, ils restent tous très solidaire et n'hésitent pas à le défendre notamment face aux zèles de certains bureaucrates chinois.

Le narrateur s'interroge plusieurs fois sur Maerke, sur ses origines, sur sa relation avec sa femme et les autres travailleurs mais aussi et surtout sur son idiotie. Suit-il les directives de Mao sans se poser de questions ou les détourne-t-il ? Se sert-il de la doctrine pour se sortir d'affaires ou montrer l'absurdité du système ? Wang Meng n'apporte jamais de réponse claire sur ce sujet et laisse le lecteur en décider, car lui-même ne semble pas savoir où se poser.

Ce qui est intéressant dans le récit de Wang Meng c'est une certaine forme de recule et tentative d'objectivité. L'auteur raconte des faits qui se sont passés il y a plusieurs années et se permet d'intervenir dans le récit pour apporter des explications, des éclaircissements sur certains événements mais également sur certains aspects culturels ou de la langue chinoise ou ouighour. Cette tentative d'objectivité se traduit dans sa façon d'aborder les choses et les gens. Jamais le personnage, lui-même, ne semble s'impliquer émotionnellement ou physiquement. S'il est impliqué c'est par la force de choses et semble vouloir se soustraire à plusieurs reprises de ce rôle actif pour rester simple spectateur, observateur de ses semblables.
Une autre interrogation se pose alors. Wang Meng est une personne engagé politiquement pourtant ses récit sur sa vie en exil ne font jamais part ou alors peu de ses positions. La politique n'est cependant jamais loin compte tenu de contexte dans lequel se déroule l'histoire. Mais elle n'est jamais sujet à débat ou réflexion, elle fait tout simplement partie de la vie quotidienne sous la forme de divers personnages faisant partie intégrante d'un système plus grand.

Au départ, il est difficile de positionner l'auteur car les fois où il intervient directement sont tout en contraste. A la fois réaliste dans son point de vue, critique dans sa vision des gens, tout en s'incluant dans le lot.. Il plane aussi dans le récit l'ombre de la Loutkrytev, présentée comme un élément dangereux du système n'hésitant pas à torturer, détruire et spolier les biens de toutes personnes susceptible d'avoir pris la voie capitaliste, qui débusquera et accusera Maerke considéré comme trop idiot pour comprendre Mao. Ce souvenir de Wang Meng retranscrit avec recul sans intervention directe de l'auteur met en avant encore une absurdité du système où des personnes obéissent et appliquent des choses qu'ils ne comprennent pas. On en vient à se demander pourquoi, certaines personnes, comme les ouighours, suivent des directives qu'ils n'ont visiblement pas envie de suivre, comment des dirigeants peuvent savoir ce qui est juste ou non, en accord ou non, avec des directives qu'eux même ne comprennent pas, pourquoi personne ne réagit ou n'intervient. Il est possible de se demander si les gens ne réagissent pas car ils sont endoctrinés ou parce que c'est plus pratique ?

Pourtant, bien que Wang Meng donne au lecteur l'impression de critiquer l'absurdité du système tout en condamnant les personnes qui agissent tels de moutons, il reproche à plusieurs reprises l'attitude de Maerke.
On se rend alors compte que Wang Meng est un avant tout un intellectuel, un homme de lettres, un idéaliste mais pas un rêveur. S'il adhère au partie et à son idéologie, il ne cautionne pas ce qui est fait surtout sous Mao. Communiste mais libre, libre de penser et de critiquer en démontrant l'incompatibilité du système avec la réalité locale.
Wang Meng semble être le seul à se rendre compte de l'absurdité du discours de Maerke qui galvanise les foules : mélange entre citations plus ou moins vrai quand elles ne sont pas transformées du fameux livre rouge, banalités et absurdités, critique du comité révolutionnaire, tout en y voyant une critique sous adjacente du système dans ce verbiage.
Il y a donc une forme de contraste. Ce sont justement les interventions de Maerke qui pousse l'auteur à sortir de son rôle de simple observateur et prendre une certaine forme de partie en défendant un système qui l'a pourtant exclu. Jamais il n'en fait de critique directe, jamais il ne reproche son exclusion et son exil qualifié de semi volontaire.

Il est possible de faire un rapprochement entre les deux protagonistes principaux. Tous deux inclus dans ce grand système et qui semblent en connaître les rouages. Si Wang Meng se pose en simple observateur, ne tentant jamais de s'y opposer, Maerke s'y confronte quant à lui directement, n'hésitant pas à s'attirer les foudres de ses supérieurs mais arrivant pourtant toujours à s'en tirer par sa gouaille en démontrant l'absurdité des discours de propagande. Les chefs de comité et même ceux de la Loutkrytev, allant même jusqu'à le montrer en exemple, lui attribuant les faits d'autres.
Si nous savons ce que pense l'auteur, bien que ses pensées semblent se contredire, il est plus difficile de se prononcer sur le cas de Maerke, notre vision du personnage de passant que par celle du narrateur. Son idiotie est-elle feinte ou bien réelle ?

La politique entre plusieurs fois en compte dans le récit sous la forme de bureaucrates, d'inspecteurs qui ne sont jamais montrés sous leurs meilleurs jours. Parfois froid, violent, un peu trop zélés jusqu'au ridicule, tenant des discours qui semblent absurdes. Leur crédibilité est mise à mal avec Maerke. Les discours de chacun se confrontent dans des situations qui frisent l'absurde.

Au final, un livre court certes, mais qui en dit long sur la Chine, sur l'auteur, sur tout un peuple.

Lien : http://outsitoutsi.over-blog..
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