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sur 188 notes
« Un homme coincé entre deux mondes vit et meurt seul. Cela fait ainsi longtemps que je vis ainsi, en suspension. »
C'est Stephanos, l'éthiopien, qui s'exprime. Il tient une petite épicerie .Il se laisse un peu vivre au grès de ses amitiés, de ses lectures. Il relate, ici où là des éléments de son passé, de sa famille restée au pays, de son arrivée aux Etats-Unis, son difficile parcours d'émigrant.
Il y a beaucoup de sagesse et de sensibilité dans ce premier roman. Dinaw Mengestu, jeune américain d'origine éthiopienne, nous montre ici la réalité de l'exil et de la difficile intégration avec l'intelligence du ni top, ni pas assez.
Ils sont trois amis, africains d'origine. Et ils se réunissent aussi souvent qu'ils le peuvent pour ne pas perdre ce lien avec l'Afrique. Leur vie non loin de Washington n'est le paradis espéré quand on s'exile, mais pas non plus l'enfer. Cette vie est faite de hauts et de bas, d'ambitions non abouties, mais la vie tient. Stéphanos se prend d'amitié pour une nouvelle voisine, arrivée dans un quartier en pleine mutation pas tout à fait prêt à accepter ses enfants issus des mariages mixtes. La difficile intégration est décrite avec beaucoup de pudeur et de justesse.
L'ouvrage se lit en douceur, au rythme de son écriture : sans accroc, ni galop. Il est écrit avec un peu de langueur africaine, mais je n'y ai vu ni mièvrerie, ni ennui.
Un auteur prometteur, qu'il me sera plaisant de suivre.
Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Dans un quartier pauvre de Washington, Stéphanos qui a fui l'Éthiopie suite à l'assassinat de son père devant ses yeux, végète dans sa petite épicerie. Ses deux seuls amis sont africains, Kenneth le Kényan et Joseph le Congolais.
Ensemble, ils détruisent et reconstruisent inlassablement cette Afrique à la dérive, paradis des dictateurs et théâtre de coups d'état sanguinaires. Mais même s'ils ironisent sur l'instabilité du continent, la violence qu'ils ont connu leur a laissé des fantômes bien encombrants.
Pour ces exilés, l'équilibre reste précaire, entre l'espoir d'une vie meilleure et la nostalgie du passé « … je n'étais venu en Amérique que pour trouver une vie meilleure. J'étais arrivé en courant et en hurlant, avec les fantômes d'une ancienne vie fermement attachée à mon dos. »
Mais 17 ans après, le rêve américain apparaît comme une chimère . Kenneth est le seul à avoir mené des études mais il est exploité par son employeur et mène une existence sinistre. Joseph se rêve poète et réécrit jour après jour, sans jamais aboutir, les trois vers qui devraient raconter l'Afrique. Stepha a abandonné toute ambition et les quelques efforts qu'il consent pour améliorer son commerce se consument dans la nonchalance et la résignation.

Tout pourrait changer avec l'arrivée de Judith, une universitaire blanche et Naomi, sa petite fille métisse. Lorsque se profile l'espoir d'une famille recomposée, un obstacle va transformer le projet en parenthèse enchantée.
Car le quartier est promis à la gentrification et les manoeuvres de réhabilitation risquent d'aboutir à l'expulsion des plus démunis. La maison de Judith, " toute rutilante" va devenir symbole de cette menace, alors même qu'elle apprécie cette mixité sociale.

Mais le véritable problème, c'est Stéphanos lui-même.
Incapable d'habiter son présent, il retourne chez son oncle chercher les traces de son passé ou bien il erre dans ces rues qu'il connaît si bien mais qui lui échappent. Et ce n'est pas seulement son présent qu'il évite, c'est aussi l'espace qu'il est censé occuper mais qu'il habite comme une ombre. Tout comme sa boutique, son appartement souffre d'un manque d'investissement, de découragement et de fatalisme.
La solution serait-elle dans la fuite ? Stepha se pose la question en ces termes : " ce serait tellement plus facile de ne jamais rentrer, non ? de tout simplement continuer à marcher dans cette rue jusqu'à la limite de la ville. de là, je pourrais sauter dans un bus ou dans un train qui m'emporterait plus loin au sud ou au nord, là où je pourrais tout recommencer. "

Ainsi va la souffrance de l'exil. Dinaw Mengestu déploie tout son talent pour exprimer cette aporie.
Il fait voyager le lecteur entre le présent de Stéphanos et son passé en Ethiopie et le condamne à vivre entre deux mondes.
Très vite, le lecteur va comprendre que la rencontre ne sera qu'un mirage car Stéphanos lui-même ne parvient pas à y croire.
"Je m'efforçais de ne pas trop y penser, de me contenter de vivre le moment présent, mais c'était impossible. Chaque fois que je levais les yeux sur elle, je prenais conscience de la perfection de l'instant. Je me disais que des années plus tard je me souviendrais de cette période avec une nostalgie écrasante et dévastatrice, parce que, naturellement, je savais déjà à l'époque que je finirais par me retrouver tout seul. Et, chaque fois que cette prise de conscience menaçait de détruire la scène, Naomi faisait un petit quelque chose, comme tourner une page un peu trop tôt, ou bouger sur sa chaise, et, à nouveau, j'étais heureux."
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Sépha Stéphanos tient une petite épicerie aux Etats-Unis dans laquelle il discute souvent avec ses amis Joseph le Congolais et Kenneth le kenyan. Il est arrivé il y a quelques années après avoir fui l'Ethiopie. L'arrivée de Judith et de sa fille Naomi va changer son quotidien. Malheureusement, les différences entre eux sont trop grandes pour donner naissance à une histoire.
Un bout de vie d'un immigré africain avec ses rêves, ses espoirs mais aussi avec sa solitude ; partagé entre sa terre natale et sa terre d'accueil. Je l'ai trouvé assez poétique mais dure aussi ; avec ses souvenirs d'Afrique et sa difficulté de se faire une place dans un univers différent du sien.
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C'est Dante Alighieri qui nous invite à entrer dans le roman « Par un pertuis rond je vis apparaitre les belles choses que porte le ciel ». Car comme Dante l'auteur sort de l'enfer, celui de la guerre civile d'Ethiopie. Comme ses deux seuls amis Kenneth et Joseph l'un venant du Kenya l'autre du Congo, il a fui la violence. Exilé aux Etats Unis, il mène une vie de migrant ni intégré à la communauté éthiopienne, ni à celle des américains « coincé entre deux mondes ». Mais ce qui vaut dans ce roman c'est la maturité de l'écriture et des idées qui y sont développées. Sans oublier les capacités à conduire le lecteur dans un monde de fiction ou la misère côtoie le merveilleux. Mengestu vous mène dans une épicerie miteuse du centre de Washington et c'est comme si vous étiez dans un palace, il regarde des gamins voler dans son magasin et ce sont des anges qui passent et quand sa vie le met face à un Naomi une petite fille métisse et sauvage il nous offre une rencontre hors du temps, suspendue au dessus des êtres et des lieux. Pas un mot de trop pour parler de la solitude sans amour de trois immigrés africains, pour parler des rêves de fortune inaboutis, d'une vie vécue à lire et à attendre. Car Sépha ou Stéphanos vit comme s'il était en transit, comme s'il allait retourner en Ethiopie. Il envoie de l'argent à sa mère et son frère. Il ne s'investit pas dans sa boutique qui se délabre, ce qui lui tient lieu de vie ce sont les livres et ses deux amis. Pourtant, un jour s'installent à côté de chez lui la blanche Judith et sa fille Naomi. La vie rebat les cartes et Sépha découvre non seulement qu'il est encore capable de sentiments mais aussi une forme de vérité sur lui-même. Peut-il continuer à rester entre deux mondes ? Tout le roman tend vers la réponse qui reste en demi-teinte. Megestu s'appuie aussi sur des géants de la littérature pour livrer son message et outre Dante, on croisera Dostoievski, Toqueville, Emily Dikinson ce qui donne encore plus de profondeur à ce roman qui n'en manque pas.
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Est-il possible de dire ce que l'on ressent quand on n'a plus de famille, plus de pays ? Quand on a tout perdu et émigré pour sauver sa peau ?

Sépha a fui l'Ethiopie et vit à Washington, depuis 17 ans. Il possède une petite épicerie
qu'il ouvre quand il en a le courage. Il raconte son quotidien, les rendez-vous avec ses deux amis africains, émigrés comme lui, leurs conversations tantôt amères tantôt pleines d'humour et d'ironie, les ébauches de liaison amoureuse avec la voisine blanche, le désenchantement, le désintérêt pour son travail.

Le roman de Mengestu est court, pudique et vivant. Cependant, malgré le ton badin du récit, c'est le portrait d'un homme sonné depuis 17 ans, sonné comme un boxeur qui se relève d'un K.O ou comme le survivant d'un tsunami. Mais ce portrait, apparaît peu à peu, comme une photo argentique qui se révèle progressivement.

Le livre n'est pas toujours captivant, notamment une partie du début, mais la suite est
suffisamment attrayante, voire émouvante pour que cela vaille la peine d'être lue.
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L'auteur a un nom de dictateur éthiopien.Et de fait il l'est,pas dictateur mais éthiopien d'origine.Jeune écrivain arrivé au U.S.A. à l'âge de deux ans Dinaw Mengestu fait preuve dès ce premier roman d'une maîtrise et d'une finesse remarquables.Le héros,lui-même émigré tient une modeste épicerie à Washington, sa vie est tout aussi modeste et ne semble guère offrir d'aspérités.A travers le portrait de Sépha on perçoit une étude très originale de ce curieux statut d'émigré et de son immense solitude,humble et paisible car la violence n' a pas cours chez cet homme plutôt doux et tranquille.Les grandes douleurs savent être muettes.

On suit Sépha pendant quelques semaines aux alentours de Noel,avec ses deux seuls amis le Kenyan Kenneth et le Zaïrois Joseph,partageant leur mal du pays et leur pathétiques soirées arrosées où le jeu principal et effrayant de désarroi est de dénombrer le maximum de coups d'état en Afrique,réussis ou non.Il faut dire qu'ils s'y connaissent en dictateurs et l'humour n'est jamais absent quoique désespéré.Avez-vous remarqué ainsi que ce sont les colonels qui prennent le pouvoir,arrogants et encore un peu faméliques?Jamais les généraux,déjà ventripotents.C'est l'un des aphorismes que l'on retrouve dans cette belle histoire de l'épicier éthiopien de Logan's Circle,quartier de la capitale lui-même en déshérence avant rénovation.

Les belles choses que porte le ciel est un livre sensiblement dérangeant,pas tonitruant ni démago,pas donneur de leçons que j'exècre,mais une musique de chambre sur la difficulté d'être ailleurs en exil de soi comme des autres.L'arrivée dans ce quartier déshérité de Judith,jeune prof blanche et de Naomi sa fille métisse changera les chose,juste un peu,ce n'est pas sûr.Ce qui l'est sûr c'est que le dictateur Mengistu,l'homme de la terreur rouge vit tranquille au Zimbabwe.Ce qui est sûr c'est que parfois Washington ressemble à Addis-Abeba,Nairobi ou Kinshasa.Ce qui est sûr c'est que "Par un pertuis rond je vis apparaître les belles choses que porte le ciel" est une belle citation de Dante qui résume la lueur qu'entrevoit Sépha le déraciné.Tout en comptant le nombre de conflits africains où meurent les enfants soldats.
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Dix-sept ans après avoir quitté l'Ethiopie suite au massacre de son père, Sépha Stéphanos tient maintenant une petite épicerie à Washington et il tente tant bien que mal de se reconstruire, partageant avec ses deux amis, un Congolais et un Kenyan, ce même sentiment de résignation quant à leur avenir dans ce pays.

Mais, la honte de ce qu'ils sont devenus en Amérique les empêche de rentrer au pays.

Ce roman, d'où l'on voudrait que jaillisse l'optimisme, nous fait toucher du doigt la triste réalité qui fait le quotidien de nos anti-héros.

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Sépha éthiopien d'origine, tient une petite épicerie dans une banlieue populaire près de Washington, le soir il joue avec deux amis africains exilés comme lui à retrouver le nom de dictateurs africains. Un jeu pour oublier leur solitude. Un jour débarque dans ce quartier, une jeune femme avec une petite fille métisse.
L'exil, la solitude et l'intégration forment la trame de ce premier roman, brillant, remarquablement écrit. Mengestu mets en lumière le désarroi intérieur de Sépha qui vivotte entre les murs de sn magasin, lui qui rêvait l'Amérique comme l'Eldorado. On pourra reprocher au livre une certaine lenteur et des descriptions trop longues, mais par son sujet et par son talent narratif Mengestu réussi un roman subtil et prometteur. A découvrir.
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Du très bon pour un premier roman... c'est qu'il a l'art de raconter ce Mengestu ! Dans ce roman, il nous raconte l'histoire de jeunes africains émigrés aux USA de façon juste et très réelle. Il parle aussi de la place dure a prendre, dure a se faire. Et des doutes, des craintes aussi : et si partir n'était pas le bon choix ? Il raconte également très bien tout le cheminement intérieur, passant de la joie a la peine de se rendre compte que c'est beaucoup moins facile que l'on pensait. Difficile de conjuguer avec une société très individualiste et matérialiste... quand nos valeurs sont celles du partage, de la communauté, de l'inclusion... Des personnages très attachants, une écriture facile a lire mais pas simpliste... Une très belle découverte.
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C'est brillant, sensible, très prometteur. Je n'avais jamais été touchée à ce point par l'écriture d'un contemporain. Ce très beau premier roman d'un jeune auteur américain d'origine éthiopienne se lit comme une poésie, s'écoute comme un morceau de Bach ou de Mulatu Astatké.
A travers le portrait de Sépha, jeune éthiopien ayant fui son pays dans des conditions dramatiques, tentant de se reconstruire, dans sa petite épicerie de quartier de Washington, entre deux passages d'un livre de Dostoievski et deux passages des enfants et des paumés du quartier, Dinaw Mengestu nous parle de l'exil mieux que personne.
Tous nos Noms , le 3ème livre de Mengestu vient d'être publié en France.
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