La ville de Prague est mystérieusement définie dans le roman fantastique de Gustav Meyrink. Meyrink propose une description réaliste de l'ancien ghetto, où l'action se concentre, il mentionne des lieux concrets, existants, pourtant, ils ne semblent pas toujours vraisemblables. En effet, les maisons s'animent, étant observées par un narrateur qui confond semble-t-il, le rêve et la réalité. « Souvent j'ai rêvé que j'avais écouté ce que disent ces maisons dans leur fantomatique besogne et découvert avec un étonnement angoissé qu'elles étaient en fait les véritables maîtres secrets de la rue, qu'elles pouvaient aliéner tout ce qu'elles vivent et ressentent […] C'est alors que dans le secret de la mémoire se réveille en moi la légende du fantomatique Golem » (p.58) C'est en observant Prague que la légende du Golem apparaît pour la première fois explicitement. Le Golem bouleverse la perception du monde ; il crée l'inquiétante étrangeté, il intrigue le narrateur qui partira à sa recherche. Athanasius Pernath suit un itinéraire, jusqu'à se reconnaître dans la figure du Golem, il va jusqu'à endosser ses vieux habits, une nouvelle identité, au cours de ces pérégrinations dans la ville et dans ses sous-sols. Le cheminement du héros, demeure incertain ; sa démarche elle-même est dite incertaine ; il erre comme le Golem dans un monde labyrinthique. « Rien que des niches, humides et noircies, des virages, des coins et recoins – enfilades rectilignes, obliquant à gauche, à droite […], puis de nouveau des marches, des marches […] montant, descendant. » (p.131) Le Golem apparaît comme une menace, errant dans les ruines de la vieille ville. Meyrink représente aussi grâce au Golem le mystère de l'âme humaine, à l'échelle individuelle et même collective. C'est une épidémie spirituelle » qui « s'abat sur les âmes des vivants » (p.78). Zwack le marionnettiste, avoue l'avoir rencontré. C'est pour lui la manifestation de « l'âme collective » (p.79), un souvenir collectif et permanent, qui nous hante. Mais le Golem, c'est aussi paradoxalement l'écriture du silence, c'est pourquoi il fait « mystérieusement signe ». Le Golem créé par l'homme, cet être de langage, est paradoxalement muet. C'est le silence de la créature face à la mort. L'écriture du Golem, c'est la lutte contre le néant, contre l'oubli ; c'est aussi la voie vers une forme de connaissance ou de conscience. Dans le Golem de Meyrink, Pernath n'a qu'un vague souvenir de son passé ; l'oubli du personnage est fondamental dans cette oeuvre, puisqu'il crée le mystère autour du personnage, autour de son passé. Pernath est alors en quête du sens de son existence, n'ayant pas même d'expérience. Hillel devient son guide spirituel. Il lui parle du livre de la splendeur dans le chapitre « Lumière » ; le Zohar, en fait, est un des ouvrages majeurs de la kabbale, qui explique comment lire de différentes façons la Torah, comment distinguer par exemple le sens littéral du sens caché. Hillel avance que « c'est à chacun de trouver en lui-même les voyelles secrètes qui […] ouvrent un sens […] – si on ne veut pas que la parole vivante devienne un dogme mort ». (p.146) Hillel ensuite, mentionne le tarot, comme source de questionnements, mais aussi de réponses. Il s'agit là encore de rendre la parole vivante et signifiante, d'interpréter les signes pour éclairer le destin du personnage, principalement. Les questions qui assaillent Athanasius Pernath et les lecteurs, c'est en fait ce qui constitue la trame du roman, la réponse est l'objet de la quête, l'objet de la lecture des signes. Le roman est construit comme un labyrinthe souterrain, où il s'agit de ne pas se perdre et aussi peut-être de se rencontrer soi-même. Le Golem, c'est le livre des énigmes.
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Redécouverte du Golem de Meyrinck, à travers une mise en voix et adaptation audio très réussie. La "lourdeur" relative de la langue ressentie à la première lecture de jadis est ici balayée d'un geste de la main. La modernité saute aux yeux. le rapport à la ségrégation, au mysticisme, à l'identité, au temps... Tout est juste. La légende continue de sévir, pour ceux qui y croient. le narrateur est perdu dans cet espace-temps-corps-esprit, plus maître de lui-même, il est condamné à se réincarner en golem tous les 33 ans. La teneur hautement symbolique du propos est au service d'une trame fantastique classique, certes (le héros qui enquête sur ce qu'il lui arrive lui-même), mais rigoureusement efficace et pertinente. Un vrai bijou, encore faut-il savoir l'affiner, comme savent le faire certains tailleurs de pierre.
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Livre particulier. Je l ai lu par défi car il m est très difficile d aborder ce genre littéraire.
Ce fut néanmoins une petite réussite car je suis allée jusqu'au bout.
Qu il y ait une référence au Golem et à l histoire des juifs avant la seconde guerre mondiale m ont certainement permis de le lire.
Un mode de vie juif et une pensée juive que l on découvre via les personnages de l histoire.
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C'est mon livre fétiche, je l'ai lu jeune et je le relis avec le même bonheur. C'est pour moi un livre initiatique car derrière cette sensation de rêve, se cache un message profond pour ceux qui en connait les clefs.
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Ce livre de G. Meyrinck datant de 1915 est un excellent roman fantastique, qui nous plonge dans une ambiance très particulière, surannée et sulfureuse, et qui nous fait côtoyer des personnages bizarres ou inquiétants. Le cadre est le quartier juif de Prague. Le personnage principal, un tailleur de pierres précieuses nommé Athanasius Pernath, a l’occasion de rencontrer dans d’étranges circonstances le Golem. Celui-ci est un être mystérieux, muet et d’allure asiatique qui, occasionnellement, surgit dans le ghetto avant de s’évanouir. Le roman est remarquable moins par l’intrigue, assez compliquée, que par l’atmosphère où il baigne. A lire, ou à relire.
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