Nous savons aujourd’hui, à l’âge adulte, que nous avons été mystifiés, que nous n’avons reçu, en échange de nos efforts, qu’un semblant d’amour. Pourquoi, alors, nous obstinons-nous à escompter que des gens qui, pour quelque motif que ce soit, n’ont pu nous aimer finiront par le faire.
Ne pas avoir de souvenirs de son enfance, c'est comme si tu étais condamné à trimballer en permanence une caisse dont tu ne connais pas le contenu. Et plus tu vieillis, plus elle te paraît lourde, et plus tu deviens impatient d'ouvrir enfin ce truc. Jurek Becker (p74)
La haine ne rend pas malade. C'est vrai de la haine refoulée, déconnectée, mais non du sentiment vécu consciemment et exprimé.
Adultes, nous n'éprouvons de la haine que lorsque perdure une situation où l'expression de nos sentiments nous est refusée.
Dans cet état de dépendance, nous commençons à haïr. Dès que nous en sortons (et l'adulte le peut dans la plupart des cas, sauf s'il est prisonnier d'un régime totalitaire), dès que nous nous délivrons de cet esclavage, la haine s'évanouit.
Mais tant qu'il demeure, il ne sert à rien de s'interdire de haïr, comme le prescrivent toutes les religions. Il faut comprendre ce qui se passe pour pouvoir adopter ce comportement qui nous libère de la dépendance génératrice de haine.
Les émotions bannies se frayent un chemin et viennent assaillir le corps. (P133)
Une fois que nous aurons appris à vivre avec nos sentiments au lieu de les combattre, les manifestations de notre corps ne nous apparaîtront plus comme une menace, mais comme de salutaires rappels de notre histoire. (P115)
Lorsque, dans notre jeune âge, nous avons affaire à des adultes qui n'essaient jamais d'être au clair avec leurs propres sentiments, nous sommes confrontés à un chaos extrêmement insécurisant. Pour échapper à ce désarroi et à ce sentiment d'insécurité, nous recourons aux mécanismes de la déconnexion et du refoulement.
Nous ne ressentons aucune peur, nous aimons nos parents, avons confiance en eux et essayons en toute occasion de nous conformer à leurs désirs afin qu'ils soient contents de nous.
C'est plus tard, seulement à l'âge adulte, que cette peur se manifeste, généralement dans notre couple, et nous ne comprenons pas ce qui se passe.
Comme dans notre enfance, nous voulons, ici aussi, afin d'être aimé, accepter les contradictions de l'autre sans souffler mot.
Des relations qui ne reposent que sur une communication faussée par la présence d'un masque ne peuvent se transformer, elles restent ce qu'elles ont toujours été: une pseudo-communication. Une vraie relation n'est possible que lorsqu'on parvient des deux côtés à s'autoriser ses sentiments, à les vivre et à les exprimer sans crainte.
Que l’on rompe ou non les contacts avec les parents n’est pas un point essentiel. Le processus de détachement, le chemin de l’enfant à l’adulte, s’effectue en effet intérieurement.
Se défaire de ce lien baptisé « amour », mais qui n’en est qu’un simulacre, composé d’un mélange de gratitude, de pitié, d’attentes, de déni, d’illusions, d’obéissance, de peur et de crainte du châtiment.
Le pardon, en effet, n'a encore jamais guéri personne.