Désormais, je n ’ ai plus rien, si ce n ’ est mon savoir-faire qui, je l ’ espère, sera suffisant. Je ferme les yeux, essayant d ’ imaginer n ’ importe quoi susceptible de m ’ aider à cesser cette tergiversation intempestive. C ’ est alors que les mots de ma grand-mère me reviennent en tête : « On a qu ’ une vie. La tienne, Aïden, est en train de prendre un tournant qui ne te rendra pas heureux. Écoute ton cœur, ton âme. Laisse-toi guider par le vent, il te mènera là où tu dois exactement te trouver. »
Depuis presque toujours, c’est ainsi. Ma mère décide, mon père suit, peu importe ce qu’il pense. Je ne sais pas si c’est de l’amour ou de la complaisance dans cette routine qui dure depuis une éternité. Et moi, je suis là, entre les deux, n’ayant pas d’autres choix, finalement, que d’accepter mon sort. Pourtant, le petit diable sur mon épaule me souffle de ne pas abandonner. Il persiste malgré l’ange, à son opposé, qui murmure de me laisser le temps, d’écouter mes parents en attendant de prendre mon envol. Peut-être que c’est lui qui a raison. Peut-être que la solution est là, dans la patience. Abdiquer d’abord pour mieux rebondir ensuite.
Je jette un dernier coup d’œil à la maison dans laquelle j’ai toujours vécu pour y apercevoir mon père, droit comme un i, derrière la fenêtre du salon. Il a l’air d’avoir tout le poids du monde sur ses épaules et c’est sûrement le cas pour lui en ce moment. Ouais, il doit probablement porter le poids d’un monde qu’il avait bâti pour son fils en suivant les volontés de sa chère femme. Tout ça pour finalement le voir s’écrouler en deux secondes, sans qu’il ne puisse rien y faire. Ou plutôt, sans qu’il n’ose rien faire pour s’opposer à cette démone qu’est ma mère.
Comment peut-on à ce point aimer et détester une personne ? Et je ne parle pas de détester comme on aurait en horreur un voisin. Non, je parle de ce genre de haine qu ’ un homme ne devrait jamais éprouver à l’égard de qui que ce soit. Cette haine qui pourrait me pousser à lui dire des choses impensables. Cette haine viscérale qui me transforme en un individu que je ne reconnais pas. Mais derrière celle-ci se cache en fait une profonde douleur qui n ’ a jamais cessé de croître depuis qu ’ elle est revenue dans ma vie.
Écoute ton cœur, ton âme. Laisse-toi guider par le vent, il te mènera là où tu dois exactement te trouver. Fais confiance au destin. Les déceptions, tu en auras, toujours. La vie en est remplie. Mais elle est aussi pleine de belles surprises. Elle mettra sur ton chemin des personnes qui t’aideront à avancer pour atteindre le point culminant de ton existence. Et je ne parle pas d’argent ni de gloire, mais bien d’amour et d’amitié. La richesse de la vie est là, dans ces deux choses essentielles.