Il faudra bien que l'histoire le dise :
Vers les premiers jours du «mois de mai 1853, toute la France avait la fièvre, et cette fièvre était due au singulier spectacle qu'elle avait sous les yeux. Quelque désir qu'on ait de l'oublier, la mémoire en sera toujours là; le guéridon léger comme la table massive, l'humble corbeille comme la calebasse élégante, le palissandre et le noyer, la porcelaine elle-même et le cristal, s'étaient ingérés tout à coup, sous la simple imposition de quelques doigts, de tourner, de compter, de causer et de deviner ; tout cela avec l'ardeur et l'entrain qui devaient naturellement succéder à six mille ans de repos et de silence obligés.
Il y a deux ans, trois journaux, sur quinze environ, s'étaient montrés sévères pour le Livre Des Esprit . C'étaient le Journal du Magnétisme, la Revue progressive, et le Journal des Débats. Ce dernier surtout établissait que ce livre de salon n'avait dû son succès qu'à la « chaleur du style».... etc..
Tout était là; il s'agissait de savoir ce que deviendrait ce même ouvrage, lorsque la vogue et la passion des tables auraient disparu. Peut-être ce qui va suivre pourra-t-il faire soupçonner à nos lecteurs qu'il y avait autre chose que de la mode au fond du livre et, par conséquent, de la question; l'honneur de cette dernière y est fortement intéressé.
Après les premiers moments d'une stupeur presque générale, tous les esprits se tournèrent immédiatement vers le magnétisme et vers la science, et nous en sommes fâché pour la science, dans cet appel de la confiance publique, la part du premier était beaucoup plus belle que la sienne.