Il est vrai, nous en convenons, que la démonstration raisonnée et dialectiquement triomphante des miracles du moyen âge serait presque impossible aujourd'hui; mais à quoi cela tient-il, si ce n'est à cette même ignorance actuelle qui, ne connaissant pas un seul de ces graves historiens, les récuserait tous en masse, sans se douter que leur méthode testimoniale ne s'écartait en rien de celle prescrite par les premiers règlements canoniques et observée par des hommes comme saint Ambroise, saint Augustin, saint Grégoire, etc. ?
Encore une fois, ce n'est donc pas en raison d'un luxe embarrassant de matériaux suspects que nous nous sommes résolu à franchir cet intervalle de six siècles, mais uniquement en raison du peu de crédit que notre siècle accorde à des annales, d'ailleurs si incomplètes, si lacérées, si dispersées par le malheur des temps, par les invasions des Normands, les guerres civiles, etc.
Entrons donc résolument en matière sous la seule égide de l'Église, et ne craignons rien.
Qu'on veuille bien seulement nous tenir compte des difficultés de l'entreprise, et se rappeler qu'en ce moment nous choisissons exprès la période la plus suspecte, le siècle le moins riche en témoignages, et l'un des faits les plus difficiles à admettre.
Ici vont se multiplier les objections, car nous atteignons le moyen âge, et c'est un lieu commun rivé dans tous les esprits : qu'une excursion dans ce monde-là équivaut, comme ténèbres, à une excursion dans l'autre. Certains critiques iront plus loin : ils trouveront qu'après nous être engagé à leur produire des miracles démontrés, partout et toujours, nous faisons acte d'habileté en ne nous permettant qu'une station de quelques minutes sur un terrain rempli d'aspérités pour nous.