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sur 804 notes
Aussi loin que remontent ses souvenirs, Kochan, jeune japonais des années 40 et narrateur de Confession d'un masque, tente de comprendre quel germe implanté au fond de lui-même, quelle force maligne a pu inverser la polarité de ses affinités émotionnelles, au point de faire basculer son être intime dans "l'anormalité".

Avec la conscience adulte de celui qui écrit, et s'adresse parfois directement à son lecteur, Kochan tente de décoder les non-dits. Ce qu'il croyait imposé par une éducation traditionnaliste et puritaine étouffait en réalité une vérité inavouable. Dans ce roman, dont on ne doute pas qu'il puisse être autobiographique, Mishima décortique le lent processus de la prise de conscience d'une différence. Son innocence originelle pressent, puis identifie pour finalement se mortifier de son penchant homosexuel. La révélation s'est insinuée en lui selon un long processus de maturation émotionnelle. Il lui a fait négliger la silhouette bien prise et le soyeux de la peau des filles pour s'émouvoir à la vue du corps masculin.

Les muscles saillant sous une peau glabre, un "physique d'esclave et les traits d'un prince", la représentation du martyr de Saint-Sébastien, sera pour lui un symbole à plus d'un titre. Celui de la beauté du corps de l'éphèbe en premier lieu, le symbole du supplicié pour sa seule différence ensuite. Celui enfin d'un visage tendre et impassible qui a la volonté de ne pas mépriser ses bourreaux et reçoit la mort comme une délivrance.

Une fois avéré et admis, ce mauvais penchant n'inspirera finalement que le dégoût à Kochan. Il se prend alors à attendre alors la mort "avec une sorte d'impatience", convaincu d'avoir découvert "le véritable but de sa vie". Ce désespoir est vécu à la japonaise. Tout en pudeur et discrétion, sans épanchement, encore moins de lamentation. Les traits figés. Comme ceux d'un masque impassible plaqué sur un visage torturé.

Marguerite Yourcenar avait été intriguée par cette quête de l'issue libératrice. Avec Mishima ou La Vision du vide, elle scrutait dans l'oeuvre de cet auteur froid et talentueux les prémices de la mort planifiée de longue date. Mishima a mis un terme à sa vie vingt ans plus tard de la manière la plus violente qui soit. La fascination de Kochan pour le sang, la mort, le suicide sont évoqués à maintes reprises dans cet ouvrage. Sauf peut-être le décorum morbide et spectaculaire avec lequel Mishima passera à l'acte dans la plus pure tradition samouraï, le lecteur ne pourra envisager d'autre épilogue à telle vie de tourments.

Dans un style dépouillé, austère, Mishima décrypte cette sombre alchimie qui l'a rendu incapable de conjuguer sensualité et sexualité, attirance et convenance. Pourtant, de la capacité d'aimer son coeur ne manquait pas. Mais son penchant abhorré, imposé par une volonté supérieure, lui a dérobé la plénitude nécessaire à toute harmonie dans la vie affective.

Ce récit est d'autant plus touchant lorsque l'on sait que l'auteur est allé au bout de ses tendances suicidaires. Il a choisi pour mettre fin à ses jours de s'infliger la sentence traditionnelle de ceux dont l'honneur a été bafoué.

Le texte pourrait souffrir de quelques longueurs si le lecteur ne les percevait pas comme nécessaires à l'imprégnation du malaise vécu par son narrateur. Tout en retenue, cet ouvrage trouve sa beauté dans la pudeur qui l'inspire, même quand son héros y évoque ses "mauvaises habitudes".
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Confession d'un masque est , c'est vrai , un roman sur la douleur d'un adolescent qui fait la découverte de son homosexualité et de la nécessité dans laquelle il se trouve , de faire le tri , de gérer les affects qui découle de ce voyage intérieur nécessaire .

Le texte est assez court et il est aussi absolument nuancé , très dense et ancré en profondeur dans la vie quotidienne d'un japon en guerre .
C'est le japon colonial , avec ses aventures continentales , Corée , Mandchoukouo , la seconde guerre mondiale , et l'effort de guerre qui est la conséquence d'un état de guerre continuelle de 1921 à 1945 finalement .

L'auteur oscille . Il fera lentement et de manière contrite le choix d'être diffèrent et marginal …
Difficile de ne pas « spoiler « donc : motus …

Cependant alors que le personnage principal s'affirmera et qu'il gagnera ainsi de la liberté , il devra aussi renoncer à exister entièrement ( avec intégrité ) d'un point de vue social .
C'est un roman très riche et subtil de ce point de vue .

La machine de guerre japonaise est l'armée par excellence , certes , mais elle est aussi tout un maillage politique , religieux et logistique d'un territoire , de sa population et des institutions privées ou étatiques .
Cette thématique est un vrai sujet dans ce texte . Ce japon (encore largement traditionnel) en guerre , n'est pas une simple tonalité de fond , c'est un véritable sujet , surtout si on connait l'auteur .

C'est une confession autobiographique romancée . L'auteur y aborde son identité de genre , mais aussi les fondements et les rouages qui ont alors commencé à le façonner politiquement , et à l'imprégner de valeurs conservatrices et traditionnelles en cours de modernisation ( avec l'exemple européen) .

C'est pour moi un texte qui porte sur le japon traditionnel en transition vers une modernité qui est foncièrement imprégnée par une impulsion très politique , très impériale , avec une tonalité autocratique .
C'est un témoignage intimement vivant sur le japon en guerre ( le japon profond ) .

C'est aussi évidement la découverte et la gestion d'une identité homosexuelle dans une société traditionnelle très normative , dans un cadre institutionnel non moins normatif .

Un texte puissant , assez court , qui vient démontrer que le tout , est souvent plus que la somme de ses parties .

De quoi parle ce texte ? :

-Du japon traditionnel en transition , et c'est passionnant , car c'est un témoignage de premier ordre qui est d'une finesse exceptionnelle .
-D'un point vue psychologique , je dirais que c'est d'un processus très analogue aux névroses d'intégration en psychologie clinique , dont traite ce texte .
- De l'identité de genre sur un mode confession intime romancée .
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Arrêt de la lecture 100 pages avant la fin. Roman trop intimiste d'introspection pour ce jeune japonais face à ses difficultés sociales et à son homosexualité. Pas accroché, pas sentie concernée malgré les critiques élogieuses qui m'ont donné envie de le lire. Cette autobiographie parue en 1949 au Japon devait être avant-gardiste à l'époque, aujourd'hui je pense que non.
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Sur la quatrième de couverture il est écrit : "Mishima nous offre un récit torturé sur la frustration et le désir".
C'est exactement cela. Son écriture est soigné et percutante. Même s'il s'agit d'une traduction du texte en anglais. J'ai adoré chaque mot.
Il raconte son enfance et sa découverte de la sexualité dans les livres "d'images". Sa préférence pour les garçons et sa volonté acharnée d'entrer dans le moule conventionnel de la société contemporaine (1930-1940).
Son incapacité a aimer.
Il évoque aussi la mort et le suicide dans un style lyrique et prémonitoire.
C'est une oeuvre que je ne me lasserai pas de relire.
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J'ai d'abord commencé par adorer ce livre. Toute la partie relative à son enfance plutôt torturée et empreintes d'introspections était très riche à mon sens. J'ai savouré le côté hypnotique et sombre de ce personnage, qui se cache à ce moment là derrière un masque.
Puis Mishima s'étend sur plus de la moitié du livre sur sa rencontre et sa relation avec Sonoko. A ce moment le récit bascule dans le roman sentimental et se banalise. A mon sens, Mishima se laisse avoir par la pression sociale, et j'ai envie de dire: "tout ça pour ça!".
En sommes je suis un peu déçue de ne pas être plus bousculée par l'auteur.
Je suis restée sur ma faim...
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" A cet instant, quelque chose au-dedans de moi fut déchiré en deux avec une force brutale. Comme si un coup de foudre avait fendu un arbre vivant. J'entendais l'édifice que j'avais construit pierre par pierre s'effondrer lamentablement; Il me semblait assister à l'instant où mon existence était transformée en une sorte d'effroyable non-être"
Lien : http://lanuitdutemps.unblog...
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Ce livre parait incroyable. Premier roman d’un jeune homme de 24 ans, écrit dans un Japon qui sortait à peine de la guerre et qui ne s’était pas encore occidentalisé, il est d’une audace qui étonne encore de nos jours. Dans ce livre, il semble impossible de faire la part entre autobiographie et fiction, mais je présume qu’il s’agit pour l’essentiel d’une confession personnelle. L’auteur analyse avec une lucidité extraordinaire son état d’esprit pendant sa jeunesse. Ses premiers souvenirs, très précis, remontent au temps où il était un jeune enfant chétif, accaparé par une grand-mère possessive. Mais surtout il détaille les années où il était lycéen. Il commence par focaliser son désir sur Omi, un un jeune homme plus âgé que lui, avant de refouler ce sentiment. Peu à peu il découvre sa singularité. Il écrit: "La différence résidait dans le fait que les autres garçons semblaient trouver un sujet d’excitation extraordinaire dans le simple mot « femme ». Pour moi, au contraire, le mot « femme n’évoquait pas plus une impression sensuelle que « crayon », « automobile » ou « balai »". Mais, au lieu de conscientiser et d’accepter cette vérité intime, le jeune héros prend le chemin inverse et cherche à se persuader ("par auto-hypnose") qu’en réalité il est comme les autres; il s’oblige à contrôler parfaitement son comportement. Mais son esprit est très perturbé. Il avoue avoir des rêveries morbides et cruelles, qui sont le reflet indirect de son profond malaise. Devenu jeune adulte, le narrateur est rattrapé par la guerre qui entraine de graves destructions au Japon. En voulant jouer le jeu jusqu’au bout, il fait la cour à une sœur d’ami, Sonoko, et se trouve au final contraint de battre en retraite piteusement, incapable d’éprouver le moindre désir pour cette jeune fille. Sonoko se mariera rapidement avec un autre, mais ensuite rencontrera plusieurs fois le héros (inutilement).
J’ai trouvé ce roman d’une grande intensité, très authentique, cruel et lucide. La première moitié du livre m'a paru la plus forte. D'une manière générale, on sent chez l’auteur la volonté inébranlable de briser tous les tabous - mais sans ostentation particulière. De plus, son écriture est vraiment remarquable. Si certains passages m’ont semblé un peu lourds, d’autres pages sont écrites dans un style magnifique, audacieux et parfois somptueux. Un coup de maître pour cet écrivain alors débutant, qui obtiendra une célébrité mondiale par son œuvre littéraire et par son suicide final.
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Confession d'un masque est le premier roman de l'auteur. Avant de le commencer, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre, je ne savais pas que ce livre était en partie autobiographique. Dès son plus jeune âge, le narrateur commence à ressentir intensément les choses. L'observation d'un livre d'images d'Histoire donne lieu à de forts sentiments.
J'ai été intéressée par les sentiments du narrateur qui découvre sa différence : il n'est pas comme les autres garçons qui s'intéressent aux filles mais il veut donner l'impression d'être normal. Toutes ses paroles et ses gestes sont mesurés, rien n'est laissé au hasard. Il arrive à se convaincre de sa normalité, il fait même la cour à la soeur de ses amis. La séduction est en marche cependant les sentiments qu'il « devrait » avoir sont absents. Il imagine des scènes de mort qui le glorifie pour oublier sa lâcheté. Ces confessions sont touchantes parce qu'elles parlent d'une société, le Japon des années 40, pendant la Seconde Guerre Mondiale, où l'homosexualité n'est pas acceptée, d'un homme torturé qui souffre de sa différence.
J'ai découvert un auteur avec une verve exceptionnelle et un peu complexe, il m'a parfois fallu plusieurs passages pour la comprendre. Un roman vraiment puissant, je n'hésiterai à relire Mishima.
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Roman autobiographique de l'adolescence de l'auteur, en proie avec ses pulsions homosexuelles refoulée et ses fantasmes de souffrance et de mort, particulièrement lorsqu'elles touchent des jeunes éphèbes. Un ton très introspectif qui décortique dans les moindres détails les sentiments contradictoires du jeune Mishima. Bien que se sentant attiré par la jeune Sonoko, il ne pourra franchir malgré lieu l'étape de l'intimité. Cette relation lui permettra de prendre pleinement conscience de sa déviance de la norme.

Une confession très touchante. La description des sentiments est très précise et très juste. La fluidité du style vient toucher notre sensibilité aussi directement que la pointe d'un couteau enflammé.
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