Pablo Hernando a cinquante-quatre ans. Aujourd'hui, il s'en va prendre le train, abandonnant par-là son travail sans prévenir personne, pour se rendre dans un patelin du nom de Pozonegro. Il se trompe d'arrêt, contraint de rebrousser chemin en car, et se poste devant un bâtiment. de là, il appelle le numéro de l'appartement en vente face à lui et affirme au propriétaire qu'il veut acheter son appartement immédiatement et qu'il l'attend présentement pour conclure l'affaire. Quelque peu décontenancé, le propriétaire finit néanmoins par acquiescer, et voilà Pablo propriétaire d'un appartement minable en plein coeur d'un bled paumé qu'il vient de payer quarante-deux mille euros rubis sur l'ongle.
Voilà le tout début de ce roman ! Les questions se bousculent instantanément !
Qui est ce Pablo qui peut se permettre de dépenser nonchalamment autant d'argent, et s'il en possède autant, pourquoi venir se perdre ici dans un logement malpropre et minuscule ? Il n'y a apparemment aucune logique à l'attitude de notre protagoniste.
Pablo est en effet un homme très particulier. Son but premier, pour le moment, c'est de ne plus penser. Ne plus penser car la réalité est devenue trop douloureuse, les souvenirs trop brûlants. La cruauté du monde et de ses sévices incessants le matraque et le blesse plus qu'il ne peut le supporter à présent.
Les détails que l'on apprend peu à peu à son sujet ne font que multiplier les interrogations et les hypothèses à son égard. Pablo est un homme entouré de mystères et son visage en trahit la complexité et la douleur.
Pablo se nourrit des horreurs des autres, de ces répugnants tueurs en série qui fascinent tant, mais dont la folie meurtrière reste toujours incomprise. Il lit et relit ces affaires insoutenables qui peuplent les journaux. Il veut comprendre. Mais comprendre quoi exactement ? Comprendre qui ? Et surtout pourquoi ?
Suivre Pablo, c'est se poser autant de questions que lui. Il en est arrivé à ce moment, où il est indispensable d'établir un bilan. Quel est son rapport à la famille ? Son rapport à l'amour ? Son rapport à la vie ? A-t-il été l'homme qu'il était censé devenir ?
Cette quête de lui-même, plus inconsciente que préméditée, est pleine d'émotions contraires qui s'entrechoquent et révèlent à quel point la vie, les sentiments, les relations à autrui, la parentalité, le deuil, la violence, la dérive de la société, et tant d'autres facteurs sociaux, font bel et bien partie d'un seul et même individu. L'élément clé qui fait la différence finalement, pour gérer ce fatras d'épreuves, c'est : faites-vous partie des Gentils ou des Méchants ?
Aux côtés de sa nouvelle voisine Raluca, de son nouveau travail d'appoint et de son nouvel environnement, Pablo va petit à petit trouver les réponses dont il a tant besoin et chercher un dénouement à tout ce qui encombre ses pensées…
Rosa Montero m'a totalement conquise avec ce roman envoûtant de réalisme et de violence. La densité d'émotions, d'informations, d'actions, de questionnements, est telle que l'on a du mal à croire que le livre ne possède que trois-cents pages.
L'histoire est belle, éprouvante, cruelle, violente et nous touche en plein coeur.