Est-ce le fait de sa jolie couverture aussi énigmatique que suggestive, où simplement l'excitation de plonger dans cette première lecture de la sélection des 68? le roman a eu tôt fait d'être ouvert et
La Sonate oubliée de retentir. A la lecture de la 4ème de couverture, l'évocation du violoncelle fait vaguement résonner dans ma tête d'amatrice modérée de musique classique une majestueuse suite pour violoncelle de Bach. Vivaldi, Venise ou encore l'histoire économique belge m'étant complètement inconnus, je ne pensais pas pas être à ce point transportée dans la Sérenissime du 18ème siècle, vivant tour à tour l'exaltation, la tristesse, l'émoi, la mélancolie ou l'ardeur de l'orpheline Ada.
Car c'est précisément ce que parvient à faire
Christiana Moreau, créant des ponts spatio-temporels qui conduisent le lecteur et la jeune Lionella de la Belgique contemporaine à la Venise baroque. A travers les siècles, les deux jeunes filles s'appellent, se répondent dans la mélodie tantôt lancinante mélancolique du largo, tantôt enjouée, vive et guillerette de l'allégro. Toutes deux ne font plus qu'un avec leur instrument, dont « l'âme ouvre la clé sur l'enchantement ». Dans les deux récits qui s'entremêlent, le lecteur est submergé par cette vague musicale qui l'envahit tout entier, au point que l'univers du lecteur lui-même semble retentir du chant du violoncelle, de plus en plus intensément et profondément à mesure que l'on avance dans le roman.
En refermant le livre, comme Ada posant son archet, « plus rien n'existait en dehors de cette plénitude et, le concert fini, il me fallut plusieurs minutes pour revenir à la réalité, comme on émerge d'un évanouissement ». J'ai eu tout à la fois envie d'apprendre l'italien et le violoncelle, de prendre un billet pour Venise ou d'écouter l'intégrale des oeuvres de Vivaldi. Et même, non sans une pointe d'envie (jalousie ?), de commencer immédiatement à faire le le tour de toutes les brocantes sarthoises pour saisir moi aussi la chance de vivre une aventure littéraire, musicale et historique comme celle de Lionella. Cet instant passé, il me restait, outre un très beau moment de lecture, une toute petite sensation de vide concernant la partie contemporaine : les personnages manquent un peu de profondeur, les dialogues de spontanéité, l'intrigue d'intensité. Il n'en reste pas moins que tout au long du roman, entraînée aux côtés des deux musiciennes prodiges et de leur professeur, j'ai parfois dû résister à l'envie féroce de manger quelques mots pour découvrir plus vite les suivants, me forçant à relire doucement les magnifiques passages de concert, d'émois ou de fêtes pour mieux les savourer.