Il y a des livres qui vous bercent et vous font du bien. L'enfant du lac est un de ceux-là.
Et pourtant, à première vue, rien ne semble être réuni pour cela dans ces plus de six cents pages :
- un enfant qui disparaît. Enlevé ? Assassiné ? Nul ne sait encore quelques soixante dix années plus tard.
- la nostalgie de l'enfance, de son insouciance et de tous ses possibles.
- l'adulte que l'on est parfois devenue : raide, austère et enfermée dans le carcan des convenances, étrangère à nous-mêmes.
- la première guerre mondiale et le retour des soldats, abimés, cabossés, autant psychiquement que physiquement. Et tout ce refoulé qui ronge jusqu'à l'os et impose sa loi dans la vie des vivants.
- La réalité de 2003, peuplée d'abandons, de peurs et d'échecs, qui fait écho à celle de 1933, se répondant l'une l'autre, pour mieux se révéler tout aussi dévastatrices.
- Les promesses faîtes comme des scellés posés, que rien ne pourra plus jamais briser.
- la vie à poursuivre. Après.
"Y a t-il vraiment un moment où le plus obstiné des endeuillés décide qu'il en a fini avec son chagrin ? Six ans de guerre, de disette, de massacres et de destructions pouvaient-ils effacer le souvenir d'un chagrin individuel, si ténu en comparaison, même s'il avait été la plus cruelle des blessures ? Pouvait-on apprendre à vivre avec un enfant fantôme ?"
Et tant d'autres choses encore que je ne vous dévoilerai pas.
Alors, certes, il est question d'amour : en particulier celui qui unit Anthony et Eleanor. Mais cette histoire qui nous apparaît au départ comme une romance pour coeurs en peine, prend petit à petit une autre ampleur, quand l'être aimé revient de la guerre "ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre".
J'ai eu cette impression d'être en "pause", comme un peu extraite du temps et des contingences du présent, à la lecture de ce livre. le style de l'auteure est d'une telle "douceur" que je me suis laissée littéralement bercer par le rythme de ses phrases. Je ne sais si "douceur" est le mot approprié, mais c'est l'effet ressenti, comme pelotonnée dans une bulle, survolant les Cornouailles, à l'abri et au chaud, le bruit du vent, des vagues en tête... et ce jardin !!
L'intrigue se pose petit à petit et c'est au départ un peu déstabilisant, quand, comme moi, on s'attendait à un policier, avec grand renfort d'actions, de rebondissements, et de révélations menés tambour battant. Là, vous aurez tout cela, mais par touches. Ce qui ne gâche rien, tant Kate Morton sait nous embarquer avec elle et à son rythme.
J'ai aimé toutes ces réflexions sur la vie, l'enfance, ce monde merveilleux du conte et de la littérature qui nous marquent de façon indélébile pour toute la vie, dés les premières pages lues, gamine.
Alors, oui, je l'accorde : la fin est convenue, un tantinet pansement guimauve et on la voit arriver toute rafistolée de fils argent et or, comme dans les contes... Mais, je pense qu'alors, on atteint à un autre degré dans la fiction, et cela me semble tout à fait voulu et assumé par l'auteure.
Bien sûr que pour eux "la vie (...) n'était pas un conte de fées ; on ne pouvait pas avoir tout ce que l'on voulait. Pas en même temps en tout cas."
Dans la vie. Non.
Mais dans les livres, parfois...
Un grand merci à Babelio et ses masses critiques, ainsi qu'aux éditions Presses de la Cité, qui m'ont permis de découvrir Kate Morton.
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