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sur 616 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voir un film est une chose, lire le livre qui l'a inspiré en est une autre… tout à fait indispensable !

Au cinéma, Atiq Rahimi a beaucoup épuré l'histoire, en a retiré plusieurs épisodes mais voir son très beau film, avant de lire le roman de Scholastique Mukasonga, m'a permis de visualiser scènes et paysages. Par contre, la lecture m'a aidé à comprendre certaines situations à peine suggérées à l'écran.
Lorsque Notre-Dame du Nil est sorti en librairie, en 2012, j'avais vu l'autrice en parler et je m'étais promis de lire son roman, ce que je viens de faire enfin ! Les Prix Ahmadou-Kourouma (Salon international du livre et de la presse de Genève) et Renaudot l'avaient justement récompensé.
Ce que raconte Scholastique Mukasonga sur son pays est troublant car elle permet de comprendre que le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, n'était pas une première, un terrible épisode unique. Déjà, en 1959, puis en 1963, une épuration dite ethnique avait eu lieu et ici nous ne sommes qu'en 1973.
Les Hutu, en majorité cultivateurs, se disent peuple majoritaire, paysans dominés par les Tutsi, plutôt éleveurs mais dont certains sont riches. Déjà écartés des principaux postes, les Tutsi subissent la loi des quotas – par exemple, 10 % d'élèves Tutsi au lycée – et les Hutus veulent encore se venger, poursuivre l'horrible épuration des années précédentes, traitant leur frères d'Inyenzi, de cafards, pour pouvoir les détruire.
Scholastique Mukasonga raconte l'histoire de ce lycée pour jeunes filles de la haute société. S'inspirant de ce qu'elle a elle-même vécu, elle imagine cet établissement construit spécialement près d'une des sources du Nil, à 2 500 m d'altitude. Elle émaille son récit de quantité de mots de la langue du pays, le kinyarwanda, alors que le swahili est écarté par les Hutu parce que parlé par des musulmans. Surtout, elle fait bien comprendre que ce sont les Blancs, les colons, qui se sont évertués à créer des races parmi les indigènes qu'ils rencontraient et traitaient avec beaucoup de condescendance. Des mesures, des arguments pseudo-scientifiques étayaient leurs théories et nous savons tout le mal, tous les morts que de telles classifications ont causés un peu partout dans le monde.
Alors, j'ai suivi ces jeunes filles comme Gloriosa, Goretti, Immaculée, Godelive, Frida, Veronica, Virginie, principales protagonistes d'une histoire tragique plongée dans les traditions d'un peuple, perverti par les Blancs, qu'il ne cesse de vouloir imiter. Je précise que les vrais prénoms de ces filles sont bien différents mais il leur faut un prénom plus européen pour l'école…
Le lycée est catholique, religion imposée, dirigée par une mère supérieure et un aumônier hutu, un pervers, qui ne fait qu'attiser les haines. Parmi les profs, trois coopérants français sont bien pâlots, sauf M. Legrand qui fait sensation avec ses longs cheveux blonds. Je dois aussi citer M. de Fontenaille, sorte d'illuminé qui a tenté de faire fortune dans le café et qui s'obstine à relier l'histoire des Tutsi à la Haute-Égypte.
J'ajoute enfin que j'ai apprécié l'épisode des gorilles, absent du film, très instructif pour le rapport des Rwandais avec la nature et la vie sauvage.

Notre-Dame du Nil est un roman superbement écrit, passionnant, instructif, précieux pour l'Histoire mais que c'est dur de constater tous les dégâts causés par nous, les Européens, sur le continent africain, en croyant apporter la civilisation alors que nous ne faisions que détruire celle qui existait.
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Perché dans les nuages, à 2493 mètres, tout près de la source du Nil, le lycée Notre-Dame du Nil accueille la future élite féminine de la nation rwandaise. Les chastes jeunes filles, issues des meilleures familles, viennent y décrocher un diplôme qui plus sûrement qu'un travail, leur permettra de trouver un mari dans les hautes sphères de la société. Soeurs catholiques, professeurs belges et coopérants français leur inculquent les valeurs démocratiques et chrétiennes qui conviennent dans un pays qui a mené à bien sa révolution sociale. Harmonieuse en apparence, l'ambiance est pourtant délétère. La société rwandaise est divisé entre Hutus et Tutsis et ce clivage a pénétré cet antre du savoir. Les élèves hutus y sont largement majoritaires et n'hésitent pas à humilier les jeunes filles tutsis qui ne sont là que par la grâce d'un quota imposé par l'état. La plus virulente est Gloriosa qui rêve d'une carrière politique au sein du Parti du peuple majoritaire et aime à rappeler à Virginia et Véronica qu'elles ne sont que des cafards qui n'ont rien à faire à Notre-Dame du Nil. Autour d'elle, une cour s'empresse même si Immaculée ne partage pas ses positions et que Modesta est tiraillée par ses origines métisses.
Plus proche voisin du lycée, Monsieur de Fontenaille, un vieil original, est bien le seul à regretter le temps où les Tutsis étaient les maîtres du pays. Persuadés qu'ils sont venus d'Egypte et descendent des pharaons, il cherche son Isis dans le visage des élèves tutsis. Déesses pour les blancs, parasites pour les Hutus, les Tutsis du lycée essaient d'obtenir leur diplôme sans faire de vague pour qu'un jour elles ne soient plus ni hutus ni tutsis mais simplement des "évoluées".


Situé après l'indépendance du Rwanda et avant le génocide de 1994, le roman de Scholastique MUKASONGA dépeint les prémisses d'une haine larvée qui deviendra une guerre.
Cela commence comme une chronique bon enfant qui décrit la vie dans un lycée de jeunes filles catholique : l'arrivée en grande pompe des élèves le jour de la rentrée, le pèlerinage annuel à la Vierge du Nil, les amitiés, les cours, les professeurs...Mais très vite, on perçoit un malaise. Gloriosa, élève crainte et respectée, leader politique en devenir, cristallise les travers d'un pays qui se veut indépendant et démocratique mais favorise les Hutus, le "peuple majoritaire". On ressent l'opposition, la rivalité, la haine même que les Hutus portent aux Tutsis et qui va aller en grandissant tout au long de l'année scolaire. Les petites remarques acerbes deviendront des insultes plus crûes et dégénéreront en haine raciale, appel à la violence, voire au meurtre. Pendant que les élèves hutus appellent à l'épuration ethnique, rameutent leurs troupes et organisent le massacre, les blancs ferment pudiquement les yeux sur un conflit dont ils ont pourtant été les instigateurs, ayant bouleversé le système clanique traditionnel en place à l'époque de la colonisation et favorisé à tour de rôle un camp au détriment de l'autre, au gré d'obscures alliances politiques.
Roman fort, beau et puissant, Notre-Dame du Nil n'est malheureusement pas issu de la seule imagination de son auteure. Scholastique MUKASONGA s'est inspirée de de l'histoire de sa famille pour décrire un pays qui se déchire toujours. Et pourtant, on sent tout l'amour pour le Rwanda dans ce livre avec ses rites, ses traditions, ses croyances, ses paysages, ses gorilles...Un pays magnifique qui a connu l'horreur et qui mériterait une paix solide et durable.
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Depuis ma découverte fortuite des bouquins d'Hatzfeld (Une saison de machettes, La stratégie des antilopes) dans les rayons de la fantastique librairie le Bleuet à Banon, la question du génocide rwandais me passionne. Fortement marquée par cette enquête troublante, j'ai poursuivi cette recherche par d'autres lectures (Murambi, le livre des ossements). C'est pourquoi la parution de Notre-Dame du Nil, dont l'auteure, Scholastique Mukasonga, est évoquée à plusieurs reprises chez Hatzfeld, m'a d'emblée interpellée.

"Il 'y a pas de meilleur lycée que le lycée Notre-Dame-du-Nil. Il n'y en a pas de plu haut non plus. 2500 mètres, annoncent fièrement les professeurs blancs. 2493, corrige soeur Lydwine, la professeur de géographie. "On est si près du ciel", murmure la mère supérieure en joignant les mains."

N'entre pas qui veut au lycée de Notre-Dame-du-Nil, une insitution gérée par des soeurs belges qui envisagent de former la future élite féminine rwandaise, et pour cela recrutent les filles des hommes influents, essentiellement Hutus, avec un petit quota de filles Tutsies. Situé sur la crête Congo-Nil, au fin fond du Rwanda, le lycée n'est pourtant pas préservé des enjeux qui animent la vie politique et sociale du pays.

"Mais nous, qu'est-ce que nous allons deenir ? Un diplôme tutsi, ce n'est pas comme un diplôme hutu. Ce n'est pas un vrai diplôme. le diplôme, c'est ta carte d'identité. S'il y a dessus Tutsi, tu ne trouveras jamais de travail, même pas chez les Blancs. C'est le quota."

Sur la base d'une discrimination existante, se développent progressivement la suspicion et bientôt la haine, et, avec l'arrivée de la saison des pluies, les tensions vont croissantes entre les deux communautés, sous la houlette de Gloriosa, fille de ministre Hutu et apprentie idéologue qui attise et même parfois est à l'origine d'une violence latente insupportable, et d'autant plus cruelle qu'elle est le fait d'adolescentes, évoluant sous le regard des adultes impuissants et lâches.

"Quand les tueurs se jetteront sur nous, certains iront : en Afrique, ça a toujours été comme ça, des tueries de sauvages auxquelles il n'y a rien à comprendre et, même si certains se cloîtrent dans leur chambre pour pleurer, leurs larmes ne nous sauveront pas."

Tout y est : le contexte post-colonial, la fabrique des identités, l'inertie coupables des Européens, la folie et le cauchemar des massacres, la lucidité et le cynisme. Avec la justesse de son ton criant de vérité, la clarté de son propos, son écriture limpide et toute en finesse rendant compte des hésitations adolescentes avec talent, Notre-Dame-du-Nil questionne notre humanité profonde, et s'impose comme un roman essentiel, à portée universelle, bouleversant de bout en bout.

De très loin ma lecture préférée, à ce jour, de la sélection du Prix France Océans.

"Maintenant, j'en suis certaine, il y a un monstre qui sommeille en chaque homme : au Rwanda, je ne sais qui l'a réveillé."
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Gros coup de coeur pour ce roman percutant. Rwanda, début des années 70, c'est la rentrée pour l'élite des jeunes filles qui vient fréquenter Notre-Dame du-Nil, lycée pilote et modèle de modernité.
La majorité sont hutus, filles de colonels et autorités bien placées, mais un quota de Tutsis permet à d'autres filles brillantes et triées sur le volet de suivre l'excellente instruction de ce lycée. En fin de terminale, ces jeunes étudiantes seront auréolées de prestige, pourront travailler, mais rapporteront avant tout à leur famille prestige, honneur, et une dot imposante.
Notre-Dame du Nil déroule une année scolaire au gré des frictions entre étudiantes et harcèlements voilés, mais distille aussi au fil des pages la haine ressentie envers les Tutsis, minoritaires au Rwanda, et peu à peu ouvertement surnommés les cafards du pays. Gloriosa en particulier, chef de partie, va s'attaquer de manière de plus en plus virulente à ses camarades Tutsis, jusqu'à provoquer une violence insoutenable.

Le roman a remporté de nombreux prix et l'autrice elle-même est une rescapée du génocide rwandais. Dans ce roman, elle sous-entend un fait peu évoqué mais de plus en plus abordé, évoquant l'influence qu'ont eu les colonisateurs belges sur les conflits entre Hutus et Tutsis, pour des questions de domination.

Une tension de plus en plus forte se développe tout au long du récit, le processus de discrimination s'installe presque imperceptiblement et longtemps on ne veut pas y croire. le roman nous amène dans une Afrique partagée entre chrétienté et vaudou sans que les deux ne s'opposent. C'est une reconstitution déchirante d'un pays en trouble que le passé et les différentes dominations ont rendu malade. Ne vous fiez pas à l'eau qui dort.
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Il paraît qu'en altitude l'air est plus sain. 2500 m n'est donc pas suffisamment haut pour éradiquer la bêtise humaine. Et la violence larvée de la société va jaillir parmi les jeunes filles de bonne famille hutue. 10% de tutsie, c'est toujours 10 de trop...
La tension est savamment entretenue, elle monte pas à pas, elle se retire, revient et soudain la grande vague. Pourtant, si l'on sait ce qui va se passer, jamais de panique, de terreur, de pleurs. Les tutsies le savent, elles seront courageuses jusqu'au bout ; elles se cacheront, essayeront de s'enfuir, ne se plaindront pas. Et à qui ? le nationalisme hutu a fait en sorte que rien ni personne ne puisse leur venir en aide. Pas même Dieu.
Je n'ai pas réussi à savoir exactement quand se déroule l'action, mais elle donne une idée de ce que peut, ou a pu être, cette société rwandaise qui a fini par exploser.
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Notre-Dame du Nil, c'est un internat situé au Rwanda, proche de la source du Nil, tenu par des religieuses et réservé aux jeunes filles de l'élite d'un pays qui vient d'acquérir son indépendance avec un quota "ethnique" rigoureux limitant à 10% le nombre d'élèves Tutsi.
C'est le quotidien de cet internat sur une année que Scholastique Mukasonga propose au lecteur de suivre dans ce roman.

J'ai doublement été touchée lors de la lecture de ce roman.

Tout d'abord l'histoire est d'un propos simple mais elle revêt une beauté et une forme de pudeur touchantes et envoûtantes.
Les jeunes filles dont il est question sont toutes attachantes, émouvantes, différentes les unes des autres.
Ainsi il y a celle qui tombera enceinte d'un diplomate zaïrois, celle qui se prêtera à la folie d'un "vieux blanc" croyant que les Tutsis sont les descendants des pharaons noirs, celle qui fille d'un politicien nourrit des ambitions politiques ou bien celles issues de familles plutôt modestes qui espèrent avoir un bel avenir.

Et puis j'ai appris un certain nombre de choses sur la société rwandaise et son mode de fonctionnement.
J'aime qu'un livre réveille ma curiosité et me donne envie d'en connaître plus sur un sujet.
Avec celui-là ce fut le cas, puisqu'il m'a permis de me rendre compte que je n'avais qu'une vision sommaire de ce que fut le génocide au Rwanda, une vision étriquée sans avoir toutes les cartes en main pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

J'ai été frappée par le fait que l'auteur a su garder de la distance par rapport à son récit mais paradoxalement, à certains moments j'aurais aimé qu'elle s'engage dans ses écrits et brise cette distance pour laisser éclater son ressenti.
L'auteur casse régulièrement le rythme de son récit, en partant sur une histoire somme toute banale elle y fait intervenir brusquement le drame, et c'est là sans nul doute la plus grande réussite de l'écriture de Scholastique Mukasonga.
La haine, la violence, les prémices de l'épuration ethnique de 1994 sont présents à chaque page du livre, à chaque moment du récit, dans chacune des paroles de certaines jeunes filles.
Il n'y a pas de réel repère spatio-temporel mais l'aboutissement était inéluctable et l'on comprend, à la lecture de ce livre, que le génocide rwandais avait pris ses racines plusieurs dizaines d'années auparavant, se nourrissant dans un terreau de haine des Hutus envers les Tutsis alors que ces derniers avaient été à la tête du pays auparavant lorsque le pays était une colonie allemande : "Tu vois, Modesta, rien n'empêchera jamais les Tutsi de faire du trafic : même quand ils conduisent leurs filles pour la rentrée, il faut que ça leur rapporte.".
En ce sens, comme si la claque que représente l'ensemble du livre ne suffisait pas, la fin vient assommer le lecteur tant elle est criante de vérité, avec un désespoir clairement exprimé et annonciateur du massacre qui aura lieu quelques années plus tard mais également avec une lueur d'espoir, d'apaisement, de retour à la paix : "Je ne veux plus rester dans ce pays. le Rwanda, c'est le pays de la Mort. [...] La Mort a établie son règne sur notre pauvre Rwanda. [...] Je reviendrai quand le soleil de la vie brillera à nouveau sur notre Rwanda. J'espère que je t'y reverrai.".

"Notre-Dame du Nil" est un livre qui démontre clairement qu'au-delà de l'ordinaire, de la banalité d'une vie de pensionnat de jeunes filles, l'indicible et l'horreur ne sont jamais loin, tapis dans l'ombre et prêts à surgir au nom de soi-disant idéaux ethniques.
C'est aussi une formidable ouverture sur l'Afrique, la complexité de ce continent, à travers le prisme d'un pays : le Rwanda.
"Notre-Dame du Nil" est une lecture que je ne suis pas prête d'oublier et qui marque les esprits de façon permanente.
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« Tu sais bien, Veronica, que, nous autres les Tutsi, nous savons garder nos secrets. On nous appris à nos taire. Il le faut bien, si nous tenons à la vie. »
« Qu'est-ce que tu es venue faire au lycée alors, dit Gloriosa, tu aurais dû rester dans ta cambrousse à manger des bananes dans les champs. Tu aurais laissé ta place pour une vraie Rwandaise du peuple majoritaire. »
« On va bientôt sonner pour l réfectoire, dit Gloriosa, allons-y et toi Virginia, tu seras bien forcée d'ouvrir la bouche devant nous pour manger les restes des vrais Rwandaises. »

Sans que cela soit explicite, eu égard à certains faits, en particulier une visite du Roi Baudoin de Belgique, et de la Reine Fabiola, je situe l'action de ce roman avant 1993 (année du décès du Roi des Belges), et avant le génocide du Rwanda. le fil du roman suit une année scolaire complète. Nous vivrons donc avec ces jeunes filles leur quotidien, mais nous aurons un regard prophétique de la vie de ce pays
Nous sommes dans un lycée pour jeunes filles de bonne famille, situé là où prend naissance le Nil. Notre-Dame du Nil, c'est son nom accueille les jeunes filles en vue de les promettre à un beau mariage, et de les préserver des turpitudes de la vie moderne ; toutes les jeunes filles à ceci près, que déjà la sélection ethnique se pratique insidieusement, avec ce qui se dessine déjà avec des expressions comme « peuple minoritaire »
La rivalité entre Tutsis, et Hutus, entre les fausses, et les vraies Rwandaises se fait sentir dès les premières lignes du livre, et laisse présager de sombres lendemains au Lycée Notre Dame du Nil. S'y ajoute les complots, et les trahisons entre les membres des familles de ses jeunes filles. L'encadrement religieux n'est pas mieux non plus ; loin de faire respecter le strict respect de chaque ethnie, il semble plus préoccupé par sauvegarder les apparences.
Scholastique Mukasonga, a hélas connu et vécu cette lamentable tranche de l'histoire de son pays, montre en prenant appui sur des jeunes personnes éduquées, que la folie des hommes qui conduit à de véritables massacres prend racine en chacun d'entre nous.
Elle utilise une langue admirable, dans un style direct, sans encombre, ni métaphore, où chaque mot est pesé, et à chaque fois lourd de sens. Une fois lancée, la lecture ne souffre pas d'être laissée de côté ; elle laisse derrière elle d'infinie petites et grandes choses, donne furieusement envie de revenir vers l'auteur et d'aller plus loin en sa compagnie à la rencontre de l'histoire de son pays.



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Notre-Dame du Nil, un collège pour jeune fille à 2500 mètres d'altitude au Rwanda. A quelques kilomètres, une grotte, la source du Nil présumée, une vierge noire au nez tutsi.

Oui, un nez tutsi...

Si vous êtes comme moi, la forme d'un nez, cela n'a aucun intérêt. Pourtant pour Gloriana, hutu, fille de ministre, cela en a, de l'importance.

Scholastique Mukasonga nous conte une chronique. Celle d'un massacre annoncé. On démarre sur les ruines d'une colonisation aveugle et d'une décolonisation ratée. Prêtres à oeillères, profs jeunots sans expérience, mère supérieure dépassée, racisme de caste, tout annonce les dérapages.

On passe du sourire à l'absurde avec la vie du collège et les blancs épris de jeunes antilopes rwandaises... Puis on affronte l'amer avec les haines ethniques. On touche à l'immonde avec les massacres, traités de manière pudique et digne par l'auteure.

Un très bel hommage à un génocide qui restera comme une tache indélébile sur notre mémoire.
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Notre-Dame du Nil est LE lycée pour jeunes filles brillantes et de bonnes familles du Rwanda en 1970, mais seules 10% des places sont accessibles aux Tutsies...
Les professeurs viennent du Rwanda mais aussi, et surtout, de Belgique et de France. C'est un établissement catholique.
A travers l'histoire de quelques élèves emblématiques, Scholastique Mukasonga raconte l'histoire du Rwanda, les mensonges qui amènent à la condamnation, au viol ou au massacre d'une partie de la population par une autre, la position de la reine Fabiola ou de la France et de la Belgique...
Le lycée comme une métaphore du pays...
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Notre-Dame du Nil est le premier livre que j'ai lu pour le Prix Océans, et il m'a fait grande impression. Scholastique Mukasonga, qui se dit survivante du génocide du Rwanda en 1994, retrace l'ambiance du Rwanda d'avant, de la fin des années soixantes. Cette histoire se lit à travers la vie de pensionnaires d'un lycée de jeunes filles, près de la source du Nil. Cet établissement est chargé de donner une bonne éducation à une élite féminine, encadrée par une Mère supérieure stricte, et l'aumonier le père Herménégilde, qui veillent jalousement sur leurs protégées.
Cette colonie de jeunes filles dans ce lycée catholique est le prétexte pour aborder l'histoire d'un pays fraichement indépendant, ses relations avec la Belgique, le point de vue des Blancs sur l'Afrique et ses habitants. C'est aussi l'occasion pour nous, lecteurs occidentaux, d'avoir une ouverture sur un pays connu presque uniquement pour ses massacres de 1994. Nous le voyons du point de vue de ses habitants, ce qu'un rwandais ne doit pas dire, pas faire, comment doivent se comporter les jeunes filles, les femmes dans cette société. Tout cela apparait en filigrane à travers les propos des jeunes personnes, et les remarques des religieuses de ce pensionnat.
Ces paroles font ressortir aussi le climat politique de l'époque, et les relations que ce pays entretenait alors avec les Blancs. Nous voyons de quelle façon ceux-ci considèrent ces ‘'sauvages''. Il est question de donner aux jeunes filles des habitudes ‘'civilisées'', de leur faire manger des aliments dignes de ce nom (du corned-beef).
Mais tout n'est pas rose au milieu de ces adolescentes. Gloriosa, Véronica, Modesta, Virginia, Immaculée, Goretti. Tous ces prénoms innocents cachent des personnalités variées, et surtout une querelle raciste loin de s'éteindre. A l'image du pays, le pensionnat accueille un quota de tutsi (10%) au milieu d'une majorité de ‘'vrais rwandais'' que sont alors les hutus de l'époque. Gloriosa, fille d'un homme politique hutu extrémiste, va distiller le venin dans le lycée, et conduire à la chasse aux tutsis, au prix de multiples mensonges, qui arrangent les dirigeants locaux. le tout se termine par une chasse aux jeunes filles tutsis, tragique pour certaines d'entre elles. Un pogrom qui n'est qu'une répétition de ce qui se passera moins de trente plus tard.
Un beau roman, qui a valeur de témoignage, et qui est un moyen pour l'auteur d'honorer la mémoire de ceux qu'elle a perdus.

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