AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,21

sur 5868 notes
C'est le premier livre de Murakami Haruki que j'ai lu, à sa sortie en 2006, attirée par sa couverture et son titre énigmatique. Il marque mes premiers pas dans la littérature japonaise.
Je l'ai dévoré d'une seule traite, avec l'impression de donner à mes yeux ce qu'ils désiraient lire depuis longtemps sans le savoir eux-mêmes.

Avec "Kafka sur le rivage", on se retrouve en plein dans le roman d'initiation. Ici, comme souvent chez Murakami, l'irréel entre rapidement dans la danse. La frontière entre le surnaturel et le réel n'est jamais très solide. Après tout, nous sommes au Japon et les kamis animistes restent omniprésents dans la culture nipponne, même au XXIème siècle. de plus, fantômes et surnaturel sont une des constantes de la littérature japonaise.

L'intrigue suit les péripéties en parallèle de deux personnages principaux: Tamura Kafka, jeune fugueur de 15 ans fuyant une prophétie oedipienne, et le vieux Nakata, esprit simple capable de parler aux chats et de déclencher de surprenantes averses de poissons et de sangsues. Sur leur chemin, ils vont rencontrer une galerie de personnages secondaires très marquants: Oshima, le bibliothécaire bien peu conformiste, Saekisan, Hoshino le jeune routier ancien petit voyou qui, en accompagnant le vieil homme, se rachète d'avoir délaissé son propre grand-père.

Sous son aspect un peu flou et nébuleux, à l'image d'un rêve étrange, le récit place en fait minutieusement chacun des éléments pour que s'accomplisse la destinée des deux héros. Pas de libre arbitre ou de choix possible puisque ces mêmes choix apparaissent comme autant de paliers nécessaires à cet accomplissement.

Même en ayant lu depuis d'autres oeuvres de Murakami, celui-ci reste mon préféré, tant par l'histoire que par le ton et les personnages mis en avant. Les dialogues de Nakata avec les chats sont savoureux en particulier. A lire, relire, rerelire et plus encore!
Commenter  J’apprécie          242
Afin d'échapper à la terrible prophétie toute oedipienne de son père, Kafka Tamura s'enfuit du domicile parental. Il trouve refuge dans une bibliothèque où, grâce au soutien de l'hermaphrodite Oshima et de la mystérieuse Mlle Saeki, il tente de trouver le chemin de la vérité. Nakata, vieil homme simple d'esprit prend lui-aussi la route pour une mission que lui seul a le pouvoir de remplir.Un voyage au bord du monde,peuplé de rencontres étranges qui les conduira au bout d'eux-mêmes.
A l'instar d'un maître zen, Murakami nous donne les clés de la sérénité et de la plénitude. Oscillant entre réalité et onirisme, sa plume fluide, légère et poétique nous entraîne dans un étrange et beau voyage intérieur, au côté de personnages mystérieux, fascinants, profonds et attachants. Roman d'apprentissage, quête métaphysique, "Kafka sur le rivage" nous montre le chemin du coeur, celui de l'acceptation de soi et du monde qui nous entoure.
Commenter  J’apprécie          241
Murakami nous entraîne avec « Kafka sur le rivage » au coeur d'un récit aux mille facettes. La lecture de ce roman nous fait pénétrer avec jubilation dans la réalité la plus brutale du japon d'aujourd'hui et dans une irréalité menaçante d'un passé proche. le roman se déploie en effet dans un univers autant réaliste (les lieux existent) qu'irréel (ici, il peut pleuvoir des maquereaux ou des sangsues, les chats peuvent parler, la forêt peut cacher un monde enfoui).
Murakami est toujours profondément moderne et universel. Il sait mêler avec brio un monde à la fois très japonais (esthétique des paysages et du récit) et très occidental (nombreuses références à la littérature européenne). Il dit la difficulté d'exister dans la société d'aujourd'hui. « Tout est dans la quête, dit-il. En écrivant des histoires, je cherche mon âme profonde sous la surface ».
Le roman est extrêmement riche. Il raconte la fugue de Kafka Tamura, jeune adolescent. Sa mère et sa soeur sont parties lorsqu'il était enfant et il fuit un père qui semble totalement l'ignorer. C'est un célèbre et étrange sculpteur qui mange les coeurs et collectionne les têtes coupées des chats dans l'espoir de prendre possession des âmes. Sans attache, Kafka quitte donc Tokyo pour Takamatsu où il trouve refuge dans une très belle bibliothèque privée. L'employé, Oshima, sensible, intelligent et hors normes, le prend sous son aile. La directrice, belle et mystérieuse, est douloureusement hantée par des souvenirs auxquels Kafka est étrangement mêlé …
Parallèlement, nous suivont Nakata . Après avoir tué quelqu'un, cet homme âgé et analphabète se rend également à Takamatsu. Il a le pouvoir de parler aux chats de Tokyo. C'est un don qui lui est advenu ainsi que sa faiblesse d'esprit, après une perte de connaissance prolongée et inexpliquée. Cela s'est passé durant la Seconde Guerre mondiale alors qu'il était encore enfant. Quelque chose désormais l'habite et le fait sans conscience et sans mémoire. Entre Kafka et Nakata, entre l'enfant perdu et le mage malgré lui, entre le passé et le présent des fils invisibles se nouent peu à peu. Chez Murakami, les mondes parallèles communiquent par le biais des rêves, comme si le songe était un moyen de transport des consciences.
Les quarante-neuf chapitres du sixième livre traduit d'Haruki Murakami tournent autour des thèmes de la mémoire, de la conscience, des liens entre générations, de la responsabilité. « Je [Kafka] prend un livre sur le procès de Karl Adolf Eichmann » : on pense au « Eichmann à Jérusalem » de Arendt ; on pense surtout à l'indispensable « Par-delà le crime et le châtiment », essai de Jean Améry pour surmonter l'insurmontable; surmonter l'insurmontable, c'est ce que tentent de faire les personnages du roman, pris qu'ils sont dans les filets du passé, le leur, celui de leurs proches, celui du Japon de la dernière guerre. « Oshima a laissé une note au crayon. Tout est question d'imagination. La responsabilité commence avec le pouvoir de l'imagination ». Murakami, en nous surprenant sans cesse, stimule la notre …
C'est un livre magnifique, complexe, plein de rêve, une leçon de vie. Il faudrait parler également des belles pages consacrées à la lecture, au corps, à l'amour, à l'amitié, à la musique … À lire et à relire.
Commenter  J’apprécie          244
Le premier confinement en mars 2020 aura au moins eu l'avantage de permettre de piocher Kafka sur le rivage dans ma PAL. J'avais déjà lu plusieurs livres d'Haruki Murakami, dont les trois tomes d'1Q84 - mais je voulais laisser ce que beaucoup considéraient comme son chef-d'oeuvre pour une occasion spéciale. le confinement, qui empêchait de se rendre dans les bibliothèques et les librairies était l'île déserte, tant désirée. Comme pour le nom de la rose d'Umberto Eco, les livres mettant en vedette des bibliothèques sont l'occasion de mesurer combien il me reste de livres à lire, alors que j'ai presque quatre fois l'âge de Kafka Tamura. Sérieux, M. Murakami ! Un ado qui, avant sa quinzième année, a lu tout Kafka ? J'étais plus près de dix-huit ans quand j'ai lu La métamorphose et je n'ai toujours pas lu le château.

Kafka sur le rivage fait partie de la liste de CamilleD « 30 livres que les membres de Babelio emmèneraient en premier sur une île déserte ». Pour ma part, avant d'emmener ce pavé sur une île déserte, j'ai envie de lire de nombreux livres qui sont mentionnés (sauf ceux relatifs aux chats et aux pierres feuilletés par Nakata et Hoshino). En relisant Kafka sur le rivage pour le challenge Pavés 2022, j'ai composé une liste, qui entraîne aussi bien dans la Grèce antique (Platon, Sophocle), que dans le Japon médiéval (Le dit du Genji de Murasiki Shibiku) ou de l'ère Edo (les oeuvres complètes de Naksumé Soseki), en passant par les Mille et une nuits, Shakespeare et, bien sûr Kafka. Encore quelques pavés pour un prochain challenge… Sans parler de la bande-son qui passe de la musique classique européenne (Beethoven, Schubert) au jazz (Duke Ellington), à la pop anglaise (les Beatles) ou américaine (Bob Dylan, Prince, …).

En lisant une partie des plus de quatre cents critiques, je constate que le parcours de Kafka Tamura, ce vieillard dans un corps d'ado occupe beaucoup plus l'imaginaire que le parcours de Nakata, éternel enfant dans un corps de vieux. Haruki Murakami alterne pourtant les deux héros au fil des chapitres. Il ne lit pas et se dit bête, sans doute parce c'est ce qu'on lui a répété toute sa vie, mais il détient une sagesse que bien des philosophes et des sages pourraient lui envier, sans compter la faculté de parler le langage des chats et de faire pleuvoir des poissons.

Questions pour les champions : après une deuxième lecture, je bloque toujours sur le chapitre 33 (pages 426 à 435 de l'édition 10/18) - j'aimerais avoir l'avis de lecteurs sur trois extraits

p. 426 - 1er paragraphe, 4ème phrase : « … Je balaie le jardin, … »

p. 428 – 1er paragraphe : « Depuis combien de temps suis-je là ? Cela fait plus d'une semaine que je vis à la bibliothèque Komura, je dois donc être dans le Shikoku depuis trois semaines environ. Il faudrait que je sorte mon agenda de mon sac pour connaître exactement la date de mon arrivée... »

p. 429 – « Re-bonjour, dit Oshima, puis il regarde mon sac à dos avec stupéfaction : Eh ben dis donc ! Tu te promènes toujours avec autant de bagages ? Comme Charlie Brown, dans la bande dessinée, qui emporte partout sa couverture ? » : dans Peanuts, de Charles Schultz, il me semble que c'est Linus qui emporte partout une couverture et non Charlie Brown.


Challenge Pavés 2022
Commenter  J’apprécie          231
Ce récit relate le parcours initiatique d'un jeune adolescent de quinze ans, en fugue dans le but d'échapper à une malédiction oedidpienne.
En cours de route, il va trouver des personnes qui vont l'aider à progresser dans sa quête d'identité, dont Mademoiselle Saeki, personne qui aura une grande importance dans sa vie.
Parallèlement, Nakata, devenu amnésique à la suite d'un mystérieux accident, va lui aussi entreprendre un parcours initiatique. La route de ces deux personnes vont se croisez, sans jamais se rencontrer.
Ce texte est une pépite. On est vraiment plongé dans la vie des héros, dans les différentes étapes de leur parcours. de plus, il est question d'entraide et d'amitié. Enfin, l'écriture de Murakami a quelque chose d'enchanteur. On est amené de la réalité vers un monde plus imaginaire. C'est beau livre. Un des rares que j'ai vraiment été triste de finir. On en ressort bouleversé.
Commenter  J’apprécie          232
Au vu des critiques extrêmement positives sur ce site, j'avais ce livre sur ma liste de lecture.
Je m'y suis donc plongée avec énergie et enthousiasme, d'autant que j'ai découvert fortuitement que me fille l'avait lu il y a quelques années et l'avait trouvé absolument formidable.
Quelle purge les amis !
Je suis allé au bout, pour être sûre de ne pas passer à coté du moment de grâce ....mais non, je ne pense pas l'avoir découvert.

C'est long, sans queue ni tête , avec plusieurs histoires enchevêtrées, dont on ne sait même pas, à la fin, le dénouement.
J'ai eu l'impression de lire Alice aux Pays des merveilles, version nippone ...et en beaucoup, mais beaucoup, plus long .

Bien sûr il y a quelques rares passage plus intéressants, d'autres plus poétiques, enfin certains plus philosophiques, mais l'ensemble n'est vraiment pas génial.

Je ne regrette pourtant pas de l'avoir lu, et pense même que je m'en souviendrais, ce qui est tout de même positif, au vu du nombre de navets que j'ai lus et totalement oubliés.
Commenter  J’apprécie          221
"Kafka sur le rivage" est probablement le chef d'oeuvre de Murakami. C'est un très long livre, qui raconte deux histoires différentes mais convergentes, racontées en alternance (un chapitre sur deux) - ce qui donne au roman comme une allure de feuilleton. D'abord l'histoire de Kafka Tamura, un garçon de quinze ans, fugueur, qui finit par trouver refuge dans une bibliothèque située dans l'île méridionale de Shikoku; il y devient ami avec Oshima et tombe sous le charme de Mademoiselle Saeki, une belle femme mystérieuse nettement plus âgée que lui. Dans les autres chapitres, nous suivons les pérégrinations de Nakata, un vieillard analphabète, amnésique et un peu simplet, mais doté de pouvoirs extraordinaires; aidé par un jeune routier simple et sympathique (Hoshino), Nakata se dirige lui aussi vers Shikoku. Toute l'action est sous-tendue par une prophétie/malédiction, concernant le devenir de Kafka. Une chanson créée par Melle Saeki (quand elle était jeune) va jouer aussi un rôle primordial. Des mystères surviennent, sans être éclaircis. de plus, le jeune Kafka est recherché par la police, car son père a été assassiné à Tokyo: est-il mystérieusement impliqué ? Dans cette aventure, Nakata va être le "deus ex machina" - jusqu'à ce qu'il décède (vers la fin du récit). le jeune homme, lui, traversera diverses épreuves initiatiques avant d'accepter son destin et de s'accepter lui-même.
Le roman est assez complexe, avec divers personnages souvent étonnants et des péripéties surprenantes. En filigrane, il est surtout question d'abandon, de manque d'amour, d'accès à l'âge adulte, de regrets, du poids des souvenirs… mais ces fils conducteurs restent discrets: l'auteur préfère suggérer poétiquement, plutôt que souligner lourdement. Comme c'est très souvent le cas chez Murakami, le scénario est tout à la fois réaliste et fantastique. Tous les protagonistes vivent dans un monde à part, en décalage avec le nôtre. L'écrivain a un style simple, éloigné des joliesses littéraires; et il est agréable à lire. Il s'applique à écrire d'une façon uniformément "calme", même quand la bizarrerie ou le danger sont très présents; quand le "suspense" devient (vers la fin) presque insoutenable, Murakami ne change ni de ton, ni de rythme.
Si le lecteur n'accepte pas ces particularités, il n'aimera pas ce roman. Pour ma part je l'ai adoré, même si j'ai été très légèrement déçu par son dénouement.
Commenter  J’apprécie          220
Kafka sur le rivage de Haruki Murakami, l'un des auteurs japonais contemporains le plus lu et traduit, nous offre là une oeuvre initiatique. le personnage principal Kafka âgé de 15 ans, le narrateur, nous fait vivre quelques semaines intenses de sa jeune existence où il règle ses tourments en relation au concept central de la psychanalyse, le complexe d'Oedipe. Tuer le père et faire l'amour à sa mère est un mythe qui ici, grâce au génie de l'auteur devient une aventure libératrice. Toute l'oeuvre est une vaste allégorie sinon une suite de métaphores dans un genre littéraire inhabituel: le fantasy. On assiste à des pluies de poissons, d'autres jours de sangsues, Nakata, un vieil homme a le don de converser avec les chats, une pierre a un pouvoir divinatoire. Ces extravagances sont au service de la cause comme chez La Fontaine pour servir une morale ou chez Alphonse Daudet, la conversation de Blanquette et de Monsieur Seguin sur l'attachement et la liberté. En repensant au caractère loufoque des phénomènes, un lecteur potentiel pourrait renoncer. Je le dissuade de rester sur cette première réaction. Il m'est revenu un livre de genre fantasy bien qu'à cette époque le genre n'était pas encore qualifié: Le petit prince de Saint Exupéry très profond même s'il s'agit d'une conversation entre un prince de l'au-delà et d'un renard.... Mais cette oeuvre très riche ne se limite pas, elle aborde moult thèmes: les confusions entre l'imaginaire et le réel, l'amalgame entre l'univers onirique et monde lucide, le dédoublement de personnalité, le sacré, les interdits moraux, l'art, les fantasmes notamment érotiques, la parole équivoque versus univoque, la responsabilité et les transferts de responsabilité, le domaine des morts.... Bon enfant, certaines pages m'ont procuré des fous rires sans possibilité de retenue à l'instar de ceux de mon enfance avec des bandes dessinées dont Tintin. Il faut être un génie de la littérature comme Haruki Murakami pour traiter des sujets sérieux voire angoissants avec légèreté jusqu'à nous faire rire et nous procurer un plaisir continu de la première à la dernière ligne.

Après quelques semaines je reviens sur ma critique car en réfléchissant et en ayant lu les autres critiques, je constate que comme la plupart je n'ai retenu que le personnage central, KAFKA qui a donné le titre au livre, or en ignorant NAKATA on délaisse une partie du message derrière l'histoire. En effet si Kafka affronte une épreuve qu'il surmonte et le fait évoluer en maturité devenant libre et adulte, Nakata n'est pas qu'un faire-valoir indispensable au thème principal relatif au complexe d'Oedipe. Nakata a lui aussi éprouvé une épreuve et quelle épreuve puisque consécutivement il perd l'essentiel de ses facultés intellectuelles: alors qu'il était un brillant élève, il perd ses aptitudes à lire et écrire. Il en est conscient et il s'exprime s'agissant de lui à la troisième personne : Nakata... versus il... comme si le Nakata d'avant l'accident observe les faits et gestes du Nakata diminué, handicapé mais avec des dons nouveaux. Pour lui cette épreuve, un accident indéfini, n'est pas une épreuve initiatique mais strictement l'opposé, une régression. Ainsi selon la nature des épreuves et la personnalité de chacun (ses autres camarades n'ont pas de séquelle), ce sera une occasion de progresser si on les surmonte ou l'inverse on sera détruit si on s'y abime. Kafka rebondit pour aller plus loin alors que Nakata s'observe diminué mais cependant près d'être autonome, tourné vers les autres il est digne, aimable et serviable. Kafka tout comme Nakata nous donne une leçon de vie que je vous laisse découvrir page après page.

Ce roman devient alors un livre sur la destinée faite d'aléas et de nos aptitudes face à ceux-ci.
Commenter  J’apprécie          221
Pfffffffff Quel coup de foudre!!!

La quête de Kafka m'a serré les tripes et fait en même temps un peu mal. Car ce roman est tellement humain, tellement criant de vérité. Tellement sensible que j'avais l'impression que les mots se détachaient des pages pour prendre vie en moi. J'ai su dès le début à quel point je serais prise d'affection pour l'ado en mal de vivre.

À 15 ans, n'ayant plus personne sur qui compter, Kafka fuit Tokyo et le cocon familial. Il partira à la recherche de lui-même. Il fuira le sol insécurisant qu'il a déjà foulé, taché par l'abandon. Il fuira aussi ses peurs et celles du monde inconnu dans lequel il pose difficilement les pieds. Comme beaucoup de jeunes, il croira qu'une fois libre, il sera délivré des chaînes qui emprisonnent sa soif de voler de ses propres ailes. Mais être libre a un prix. Qu'est-ce que cela signifie? L'amour lui fera découvrir qu'une fois que nous nous engageons affectivement, nous ne le sommes plus tout à fait. Et qu'après avoir traversé ce genre de tempête introspective, à cent lieux de nos repères, on n'est jamais plus le même. Ce que l'on cherche à fuir nous rattrape par notre destin. Par les coïncidences? le hasard?

Kafka, comme beaucoup de jeunes, mène une existence centrée sur lui-même. Il s'efforce de devenir quelqu'un de bien, de contrôler ses peurs, tourmenté par ses pulsions sexuelles d'ado. Il apprend la vie, affronte la réalité et les fantômes du passé. Il prend conscience que le monde est un endroit violent, que la souffrance existe. Que les lâches détournent le regard de la réalité. Que la guerre se nourrit d'elle-même. Que la vie est faite d'adieux. Que l'humain est égoïste et jaloux, étroit d'esprit et intolérant, pourvu de sentiments négatifs. Qu'il faut cesser de se laisser dominer par les événements extérieurs. Et au fait, quel est le sens de la vie? À quoi servons-nous?

Ce roman est une leçon de vie. Kafka est maître dans l'art de poser un regard lucide sur le monde qui nous entoure. Sur les humains qui le composent. Il pointe du doigt cette société en changement, menée par le capitalisme, la révolution informatique, les multinationales… Il oppose le bien et le mal, l'espoir et le désespoir, le rire et la tristesse, le rêve et la réalité, la force et la fragilité, la confiance et la solitude. Au fait, c'est quoi le mal? Qui est en mesure de le dire? Qu'est-ce qu'on fait quand les intérêts des gens se contrarient? Il n'y a pas de réponses. Les réponses, on les cherche au fond de nous même…

Murakami nous pousse à réfléchir sur tant de choses. Sur le pouvoir de l'imagination et notre part de responsabilité dans le rêve. Sur le rapport au temps que l'on ne rattrape jamais. Sur la reconstruction de l'âme blessée, les changements qu'elle suscite en nous. Sur la force des souvenirs, qui nous attendrissent ou nous font pleurer. Sur cette part de nous, un peu diffuse, que nous tentons de nous réapproprier. Au fait, la mémoire est-elle indépendante de notre volonté? Et l'intelligence, qu'est-ce que ça signifie?

Ses personnages vont s'entrecouper, s'imbriquer les uns dans les autres, prenant parfois la voix de sa conscience, parfois celle de son imagination. C'est là que s'exprime, je trouve, la magie de l'auteur. Comment arrive-t-il à rendre si uniformément des personnages aussi complexes que différents? Avec des images aussi denses? Comme ce Nakata qui sait faire tomber des poissons du ciel et parler aux chats? Au fait, c'est quoi cette histoire d'amnésie collective lors d'un voyage scolaire, en pleine montagne? Un champignon ingurgité? Un gaz? Une hypnose? Ce sont des images propres au génie de l'auteur, qu'il nous amène à rechercher, comprendre et analyser.

Lire Murakami, c'est prendre le temps de découvrir un monde intérieur extrêmement complexe. C'est beau, c'est subtil, c'est sensuel, c'est fragile… Je suis conquise…

« Parfois, le destin ressemble à une tempête de sable, qui se déplace sans cesse. Tu modifies ton allure pour lui échapper. Mais la tempête modifie aussi la sienne. Tu changes à nouveau le rythme de ta marche, et la tempête change son rythme elle aussi. C'est sans fin, cela se répète un nombre incalculable de fois, comme une danse macabre, juste avant l'aube. Pourquoi? Parce que cette tempête n'est pas un phénomène venu d'ailleurs, sans aucun lien avec toi. Elle est toi-même, et rien d'autre. Elle vient de l'intérieur de toi. Alors, la seule chose que tu puisses faire, c'est pénétrer délibérément dedans, fermer les yeux et entrer, et la traverser pas à pas. Au coeur de cette tempête, il n'y a pas de soleil, il n'y a pas de lune, pas de repères dans l'espace ; par moments, même le temps n'existe plus. Il n'y a que du sable blanc et fin comme des os broyés qui tourbillonne haut dans le ciel. Voilà la tempête de sable que tu dois imaginer »
Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
Commenter  J’apprécie          221
Poussée par Mladoria via son challenge du tour du monde, je me suis lancée dans la découverte de la littérature japonaise sans avoir d'attentes particulières mais en me demandant à quoi cela pourrait ressembler...

Kafka sur le rivage retrace un périple de Kafka, jeune garçon de 15 ans qui fugue de chez lui pour lutter contre la prophétie perpétuée par son père. Et Nakata qui est le fruit de phénomènes étranges lors de la seconde Guerre Mondiale.

Au départ, Murakami met du temps à planter l'intrigue malgré un rythme régulier via des chapitres bien différents et qui reflètent l'avancée de chacun des personnages. Beaucoup de choses m'ont un peu gênée: il y a le corbeau qui parle alors que l'on ne sait pas qui c'est, le fameux Nakata qui a l'air de dérailler...
Mais finalement, une fois plongée dedans je découvre un tout autre univers: celui des métaphores, de la philosophie (des rêves, en particulier?), des comparaisons poussées dans leur retranchement et une série de phénomènes non expliqués (paranormaux?). L'éveil sexuel est également fortement présent et donne l'impression que tout tourne autour de ça...On cherche alors à aller au bout de l'intrigue afin de dénouer le vrai du faux. Mais très vite on s'attend à ce que tout se recoupe!
Il faut également une bonne dose d'humour, et surtout du second degré! Certains faits m'ont bien fait sourire voire rire.

Une grande découverte pour moi qui s'est plutôt bien passée mais qui mérite je pense d'avoir le temps nécessaire pour comprendre tous les aspects.
Commenter  J’apprécie          222





Lecteurs (13410) Voir plus




{* *}