AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,85

sur 1231 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La course au mouton sauvage est une course insolite, effrénée, vertigineuse, à perdre la laine. J'ai failli me perdre en chemin, mais c'était sans compter sur ma boussole, ce petit grain de folie qui me permet d'aimer les romans de Haruki Murakami, de m'y perdre avec une joie presque enfantine.
Si on parle de chemin, ici on est à mi-chemin entre le réel et l'imaginaire, ou plus exactement entre le réel et la magie, et c'est ce que j'aime particulièrement dans certains romans, à condition que cela m'entraîne dans un voyage où sur ce fil tendu entre ces deux mondes je deviens funambule et surtout à condition que je crois à l'histoire même si elle est totalement déjantée, à tel point que je n'ai plus le choix, le seul choix d'avancer, surtout ne plus reculer, suspendu à ce fil qui me donne brusquement une sensation d'apesanteur qui me délivre des malheurs du monde. Je vous avouerai aussi que j'ai une préférence pour les situations où je ne pas tombe de ce fil...
Ici j'y ai cru jusqu'au bout, même si mes pieds ont tremblé sur le fil, même si le faux-pas n'était jamais loin...
Dans ce roman de Haruki Murakami qui n'échappe pas à la règle propre à beaucoup de ses textes, on y trouve pêle-mêle : un narrateur à la recherche d'un mouton d'une variété totalement inconnue, une girlfriend aux oreilles enchantées, un chauffeur capable de réciter 32 décimales de pi, un homme-mouton, un autre qu'on appelle le Rat, un chat qui s'appelle Sardine, des pénis de baleine, un virage dans une montagne... Oui je sens à vos sourcils ébahis et effrontés qu'il y a quelque chose qui vous turlupine dans ce propos à la Prévert. Allez, j'ai deviné, c'est le chat qui se nomme Sardine... C'est bien cela ? Ah ! je commence à vous connaître... Avouez que c'est provoquant tout de même... ! Il faut bien sûr remettre tout ceci dans son contexte...
Mais revenons à l'intrigue, car cette déambulation mélancolique prend vite les allures d'un thriller, un thriller certes, mais un thriller au bord du fantastique..
Le narrateur, un jeune cadre publicitaire de Tokyo, m'est apparu fort sympathique. Sans doute parce qu'il est jeune, la trentaine, séducteur, sûr de lui. Bref ! L'archétype de l'homme moderne parfait, lisse, presque invisible, qui nous plaît tant, nous autres lecteurs, âmes romantiques et sensibles, épris de vertiges et de vagabondages... Ah ! Il aime cependant l'insolite : il est tombé amoureux d'une jeune femme en raison de la seule fascination qu'il a pour ses oreilles... Brusquement cette routine confortable et qu'on ne peut qu'admirer, envier même, va se briser... Brusquement, surgit ici l'impossible, le caillou dans la chaussure, la faille dans la maille... Un homme tout de noir vêtu, se revendiquant d'une d'organisation d'extrême-droite lui rend visite dans l'agence. Il voudrait connaître l'origine d'une photo utilisée pour une communication destinée à une compagnie d'assurance-vie : un mouton dans une prairie, avec en arrière-plan un paysage de montagne. La photo semble ancienne. C'est plus qu'une question, c'est une menace avec un ultimatum. le narrateur n'a pas le choix, et nous non plus, alors nous le suivons, avec sa girlfriend et ses oreilles inspirantes...
J'ai adoré le ton de ce texte à la fois désinvolte, faussement ordinaire, inventif, drôle par moment, cynique, envoûtant au final, où se jouent dans l'envers du décor les destins de personnages égarés dans le propre rôle qu'ils doivent endosser.
J'ai aimé cette jeune femme aux oreilles fascinantes, elle semble comme diaphane, presque invisible, une sorte de personne que le narrateur identifie à ses seules oreilles et qui pourtant permet d'enchanter le roman, de lui donner cette légèreté propre à l'amour et aux rêves, propre à certains paysages du Japon, elle devient brusquement capable, comme par un mystère qui l'habite, de deviner les choses qui peuvent survenir, faire venir à elle des secrets qui tiennent à l'enchantement. Cette fille a un don merveilleux, le don d'attirer les choses à elle. J'ai trouvé étrange que le narrateur l'appelle ainsi, parle d'elle en disant « sa girlfriend ». On pourrait s'en moquer, j'ai trouvé cela tendre au fur et à mesure que s'accomplissait le récit.
Voyager dans ce roman, c'est savoir ne pas choisir entre le bien et le mal, entre la raison et l'absurde. Ici d'ailleurs les frontières sont ténus et peuvent changer d'une page à l'autre. Et puis un jour, la fragilité de certains personnages effritent les carapaces, les murs, les cornes de mouton, donne brusquement du sens à l'existence. C'est peut-être cette fragilité qui donne une préférence à certains d'entre eux pour continuer d'écouter les cigales en buvant des bières plutôt que d'aller vers le pouvoir absolu.
Se perdre dans ce roman, c'est côtoyer le monde de personnages qui sont peut-être déjà morts ou n'ont peut-être jamais existé. Alors, revenir dans le monde des vivants devient pour le narrateur d'une banalité et d'un ennui suprême. Mais cela est sans importance. Ce qui compte, c'est le chemin qui aura permis ce voyage.
Ce roman ressemble à ce papillon qui se pose un instant sur le sein nu de cette jeune femme allongée dans la lumière du matin, juste après l'amour. C'est à la fois réel et magique.
Revenir d'un roman de Murakami, c'est redescendre d'une montagne, c'est remonter à la surface d'une eau profonde, avec l'exigence de devoir respecter les palliers de décompression, sauf à accepter de perdre pied à jamais...
Commenter  J’apprécie          6715
Haruki Murakami fait parti de mes auteurs préférés. Son univers surnaturel, onirique et poétique me fascine. Lire un de ses romans, c'est comme vivre un rêve éveillé où l'on glisse lentement de la réalité vers le fantastique et l'irrationnel. J'aime déambuler tel un funambule marchant en équilibre sur le fil tendu entre ces deux mondes.

« La course au mouton sauvage » est le troisième volet de la « Trilogie du Rat ». Deux autres romans le précèdent, « Écoute le chant du vent » et « Flipper » que je n'ai pas lus. Cela ne m'a pas gêné dans ma lecture, même si, peut-être, la lecture des deux premiers volumes m'aurait permis d'avoir une meilleure compréhension du roman.

*
L'histoire débute lorsque le personnage principal publie, pour la promotion d'une société d'assurance, une photo très ordinaire d'un paysage de montagne où l'on voit en premier plan un troupeau de moutons.

Une scène pastorale tout à fait banale, mais qui va susciter l'intérêt d'un groupe mafieux.
Il est ainsi contacté par un homme de main, agissant pour le compte d'un homme important et très puissant qui souhaite en savoir plus sur cette photo. Devant le refus du publicitaire de dévoiler l'auteur de la photo et l'endroit où elle a été prise, l'homme le somme d'enquêter et de retrouver un des moutons photographiés.

Et voilà le lecteur embarqué dans une course folle, complètement abracadabrantesque pour retrouver ce mouton si unique.

Bien sûr, à première vue, l'histoire paraît ahurissante, extravagante, voire totalement absurde.
Mais c'est sans compter le sens sous-jacent à tout ce récit. Je ne pense pas avoir eu toutes les clés pour déchiffrer tous les indices semés par l'auteur, mais ce serait sans aucun doute une erreur de lire cette histoire seulement sous son aspect fantastique. Derrière le mystère et la brume entourant cet étrange mouton, se cache un univers qui fourmille de codes et de références à L Histoire, à la culture et aux croyances traditionnelles japonaises.

Ainsi, tout au long de cette aventure littéraire, le lecteur voyage dans le nord du Japon, mais également dans le temps (ou l'absence de temps), dans le passé du Japon, dans l'intime, dans les rêves, dans la folie peut-être.

*
Ce que je retiens le plus souvent des histoires de Haruki Murakami, c'est cette impression d'étrangeté ambiguë que l'auteur laisse planer, et qu'il saisit avec une acuité si particulière et une justesse poétique qui m'emportent. Ses descriptions de paysages, de maisons, sont vraiment très belles et participent à nous plonger insensiblement dans cette atmosphère mystérieuse, insaisissable et menaçante où le silence et les lieux ont une importance capitale.

« Il régnait une espèce d'énigmatique silence dans la pièce. Un silence comme on en rencontre parfois en pénétrant dans une vaste demeure, et qui naît d'une disproportion entre la faible présence humaine et l'étendue du lieu. Mais la qualité de ce silence était encore différente. C'était un silence éminemment pesant, d'une insistance sournoise. Il me semblait avoir connu quelque chose de semblable un jour, mais il me fallut du temps avant qu'un souvenir précis ne me revienne. Je dévidai le fil de ma mémoire, comme on feuillette les pages d'un vieil album. C'était ce silence qui entourait un malade incurable. Un silence habité par le pressentiment d'une mort inévitable. Où l'atmosphère poussiéreuse en disait long. »

Une étonnante galerie de personnages insolites et fascinants va accompagner le narrateur dans sa quête pour retrouver cet animal : l'homme-rat, l'homme-mouton, la femme aux oreilles magiques qui a le pouvoir de prémonition, le docteur es mouton.

*
L'écriture symbolique de l'auteur raisonne de multiples ambiances, envoûtantes, oniriques, mélancoliques, tristes, ou inquiétantes. Comme dans tous ses autres romans, l'auteur nous entraîne aussi vers des chemins d'une sensualité troublante, discrètement charnelle.

*
Haruki Murakami n'explique pas tout, c'est au lecteur de comprendre la symbolique autour de ce mouton si particulier, d'interpréter le texte.

« le temps coulait dans cette demeure d'une manière aussi insolite que dans la pendule démodée du salon. Il suffisait qu'un quelconque caprice nous incitât à lui remonter ses contrepoids, et le temps coulait, tic-tac, en battant la mesure. Mais pour peu qu'on s'en allât et que les poids parvinssent au bout de leur course, le temps s'arrêtait là. Et des amas d'un temps immobile empilaient alors sur le plancher des couches de vie décolorée. »

Ainsi, on entre doucement dans un autre monde hors du temps, à la fois mystérieux et métaphorique, où il se passe des choses déroutantes et inexplicables, où certains personnages possèdent le don de prémonition, le pouvoir de communiquer avec les morts ou celui de posséder le corps d'un autre.
On côtoie un vieux chat à besoins particuliers, des fantômes, des moutons inquiétants qui se retournent simultanément et vous fixent de leurs yeux étonnamment bleus.

« de leurs pupilles scintillant au fond des ténèbres, ils me regardaient fixement. Ils ne parlaient pas, ne pensaient pas, ils me regardaient fixement. Il y en avait des dizaines de milliers. Avec ce claquement monotone de leurs dents qui voilait la terre entière.
Quand la pendule sonna deux heures, les moutons s'évanouirent.
Et je m'endormis. »

Il est aussi question de pénis de baleine, d'un virage dangereux ouvrant vers un autre monde.
Soit le lecteur adhère à cet univers surnaturel, soit il reste totalement imperméable à cette étrangeté.

« Il fait terriblement froid en ce moment, j'en ai les mains tout engourdies. Même que j'ai l'impression que ces mains ne sont plus mes mains. Et que ma cervelle n'est plus ma cervelle. Il neige en ce moment. Une neige qui ressemble à la cervelle des gens. Et qui s'amoncelle sans relâche, comme la cervelle des gens (cette phrase ne veut rien dire). »

Chose curieuse, aucun personnage n'a de nom, même le narrateur ou son chat : ils sont seulement définis par leur caractéristique physique. Est-ce pour dire que le protagoniste de l'histoire est un homme ordinaire auquel le lecteur peut aisément s'identifier ?
Ce qui s'avère certain, c'est que sa vie est morose et étriquée et que cette recherche va l'encourager à rompre la routine et échapper à la monotonie de sa vie quotidienne.
Le voyage qu'entame le narrateur ressemble ainsi à un parcours initiatique, une quête d'identité, une recherche du sens de la vie et de la mort.

*
À la fois thriller fantastique, récit initiatique et rêveries philosophiques, « La course au mouton sauvage » est un récit surprenant, mystérieux, baignant dans une atmosphère de réalisme magique. Les frontières entre la réalité et l'imaginaire se confondent, rendant le récit troublant et addictif.
L'écriture, simple, belle, musicale, est un délice. Je ne m'en lasse pas.
Commenter  J’apprécie          4948
Un roman déconcertant et fantaisiste.
Le narrateur, anonyme, a 34 ans. Sa femme vient de le quitter. Son métier de publicitaire l'ennuie. Et son meilleur ami, surnommé le Rat, a pris la route vers le Nord de l'archipel. Il lui écrit des lettres étranges sans lui communiquer d'adresse. En août 78, le narrateur rencontre une fille dont les oreilles possèdent un pouvoir d'attraction phénoménal. Elle lui prédit une aventure pour récupérer "l'autre moitié de lui-même". En effet, peu après sa vie bascule. Le secrétaire d'un homme politique, à la tête d'une puissante organisation occulte, vient le menacer au bureau. Le narrateur a publié une photo publicitaire où figure en tout petit un mouton sauvage portant sur le dos une étoile. Or ce mouton, serait la source de pouvoirs extraordinaires qu'il communiquerait à des humains qu'il aurait choisis. Et le Maître qui a perdu cette source se meurt. Il faut absolument retrouver le mouton...
C'est un roman déconcertant. D'abord La quête du narrateur n'est pas claire. L'ennui me paraît léger. Il envie certainement son ami le Rat qui a su prendre la route. Celui-ci serait-il son double intrépide ? Je trouve aussi que le narrateur n'est pas un personnage très attachant car il est un peu trop détaché justement, un peu trop flegmatique, comme Sherlock Holmes. La parodie lui enlève un peu de consistance. L'autre défaut du livre est le manque de rythme. Il y a pas mal de coups de mou dus à la multiplication des formes narratives. Mais au moment où on s'endort un peu à force de compter les moutons, l'intérêt est relancé grâce à la grande fantaisie du livre.
J'ai été captivée par la double enquête. D'abord l'enquête policière: on cherche le mouton, on cherche le Rat...Ensuite l'enquête fantastique. J'ai avalé tout naturellement les informations données par le secrétaire, sans me poser de questions. Murakami nous manipule comme ce mouton, je vous le dis...Ensuite il y a beaucoup d'humour dans le livre, des parodies littéraires au chauffeur qui téléphone à Dieu. Les personnages secondaires sont tous formidables et ce mouton sauvage est inoubliable.



Commenter  J’apprécie          202
Hitsuji wo meguru bōken
Traduction : Patrick de Voos

Terminé aujourd'hui "La course au mouton sauvage" dont on peut se demander, par une réflexion de l'Homme en Noir un peu avant l'épilogue, s'il ne serait pas plus exact de l'appeler : "La sauvage course au mouton."
Et c'est un livre pas-sion-nant ! Une petite merveille de récit à la fois insolite et initiatique qui, à partir du début de la "course", flirte carrément avec le fantastique. Mais un fantastique diffus, fidèle à une certaine tradition japonaise, un fantastique poétique et doux, avec des pointes de cruauté mélancolique.

Tout bien sûr débute de façon banale avec un narrateur de 36 ans qui vient de divorcer et qui traîne à Tôkyô une existence de publicitaire aisé mais désabusé. On peut croire longtemps à une histoire d'amour un peu semblable à celle de "La Ballade ..." jusqu'au moment où notre narrateur se voit convoqué par l'Homme en Noir, mi-conseiller politique, mi-yakusa, dévoué secrétaire du Maître, ponte moribond de l'Extrême-droite japonaise.
Avant de prendre son envol vers les hautes sphères du pouvoir, à la fin des années 30, le Maître n'était qu'un jeune homme tout à fait banal. Mais, à partir de l'an 1937, il s'est mué en un leader incontesté et incontestable. Pourquoi ? La réponse est toute simple : parce qu'un mouton - pas n'importe quel mouton, bien sûr - s'est emparé de son esprit. Mais le corps du Maître étant arrivé sur la fin, le mouton-parasite vient de le quitter, en quête d'un nouvel hôte. Et ce que l'Homme en Noir exige du narrateur - pour certaines raisons que je vous laisse découvrir - c'est qu'il déniche ce fameux mouton - et éventuellement le nouveau corps qu'il a choisi.
Comme le fait lui-même remarquer le narrateur lors de son entretien avec l'Homme en Noir, l'histoire est complètement absurde et pourtant, quelque chose fait qu'on la sent authentique ...
Autant parce qu'on lui force la main que parce qu'il est lui-même taraudé par la curiosité, notre héros accepte donc la "mission" dont on veut à tous prix le charger. Et il part en quête, accompagné par sa girl friend, une jeune femme aux oreilles d'une beauté délicate qui, en parallèle de ses activités de correctrice pour une obscure maison d'édition et pour une agence de mannequins spécialisée dans les photos ... d'oreilles, travaille aussi comme escort-girl.
En sortiront-ils indemmes ? Physiquement, oui. Moralement, c'est autre chose.
Quoi qu'il en soit, à l'image d'une bonbonnière japonaise dont on se demande en vain pourquoi on n'accepterait sous aucun prétexte de se séparer d'elle, ce livre a quelque chose d'exquis et même d'envoûtant. Aux antipodes de "La Ballade ..." (qui m'avait laissée un peu sur ma faim ...), il laisse présager chez son auteur une grande faculté de renouvellement, qualité à mon avis trop rare dans le roman actuel. N'hésitez donc pas à vous faire votre propre idée sur la question : lisez "La Course au mouton sauvage" ! ;o)
Commenter  J’apprécie          204
Troisième livre de Haruki Murakami, premier traduit et édité en France.
Dans ce livre qui comporte des éléments autobiographiques, j'ai moins ressenti la "magie" que génère l'auteur dans ses livres écrits postérieurement mais j'ai malgré cela beaucoup apprécié ; Haruki Murakami est un des mes auteurs préférés dont je lis tous les livres.
Commenter  J’apprécie          170
Dans la première partie de ce roman, Murakami nous parle d'oreilles qui font oublier tout le reste, de pénis de baleine, de séparation, de rencontres, de pets de chat à travers une série de scènes assez décousues.

Très déstabilisant. le mouton n'est pas encore là.

L'irréel flotte dans cette réalité, il est palpable mais pas vraiment visible. Juste une intuition…

Il y a des pages succulentes, mais mon cerveau fatigué n'arrivait pas à accrocher.

Puis est arrivé le mouton avec sa réalité. Pas en chair et en os, mais en véritable fil conducteur. Il a capturé mon attention, m'emprisonnant dans les fils de sa laine, le rythme s'est accéléré, s'en était fini du livre-toilettes. Il mérite bien plus que cela. J'ai été happée par cette course au mouton...

Autant terminer avec les mots de l'ouvrage, pour vous donner envie de découvrir ce roman fidèle à la norme de Murakami :

« Toute votre histoire est à dormir debout, tant elle est absurde, mais à l'entendre de votre bouche, elle a comme un goût de vrai ».


Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          140
Un peu déconcertée par "la fin des temps", que j'ai sans doute lu trop jeune, je n'avais jamais fait de nouvelle tentative pour lire du Murakami Haruki, malgré sa relativement nouvelle célébrité en France. C'était un tort que je viens de réparer !

L'auteur raconte ici une histoire assez étrange, qu'on dirait parfois composée de diverses fables, quelque part entre Lewis Caroll, Boris Vian et Miyazawa Kenji. Cela commence tout d'abord par un récit réaliste et quelque peu désenchanté, l'histoire d'un publicitaire en instance de divorce, vivant son désenchantement de manière désabusée. Cela bascule dans une bizarrerie douce lorsqu'il évoque sa nouvelle petite amie, qui le séduit par ses oreilles... Et puis vraiment dans le bizarre lorsqu'il est emmené, avec des manières dignes de la mafia, chez un des pontes de l'extrême droite, possédé par l'esprit d'un mouton sauvage, qui l'oblige à partir à la recherche dudit mouton. La seconde partie du roman se situe dans l'île de Hokkaido, où le narrateur rencontre quantités de personnages bizarres, dans une ambiance de plus en plus onirique, bien que les épisodes restent solidement reliés par l'intrigue.

La gradation entre toutes ces histoires est intéressante : elle permet au lecteur novice (comme moi) d'intégrer peu à peu un univers fantastique. Chaque épisode possède son unité et son ton propre, je crois les avoir apprécié chacun de manière différente. Difficile donc d'en parler sans rédiger un vrai catalogue... En vrac, j'ai aimé la description de Hokkaido, vu comme une sorte de far west nippon, le baptême du chat par un chauffeur possédant le numéro de téléphone de Dieu, le mystérieux pouvoir de prescience dont fait preuve la petite amie pour trouver un docteur es moutons... Et admire réellement la manière dont tout cela tient ensemble.

Je reste par contre sur l'impression que quelque chose m'échappe dans le symbolisme de l'ensemble : l'auteur a-t-il voulu transmettre un message, ou tout simplement partager des histoires folles qu'il a imaginé ? La réponse n'est peut-être pas si importante, la lecture est passionnante dans les deux cas.
Commenter  J’apprécie          140
Encore une fois, Murakami m'aura fait pénétrer dans un univers qui se situe tout juste et subtilement en marge de la réalité, un monde où les événements prennent un tournant que rien ne présageait, mais un monde qui a toutes les allures du routinier alors que l'écrit est teinté dans sa simplicité d'une touche de poésie.

Le numéro 2 d'une organisation manifestement criminelle se présente chez le narrateur, le co-responsable d'une petite entreprise publicitaire, pour le questionner au sujet d'une photo utilisée il y a quelque temps pour la promotion d'une compagnie d'assurance, une banale photo de paysage où apparaissent quelques montagnes et plusieurs moutons. L'un de ces moutons semble intéresser particulièrement l'Homme en noir. Notre narrateur sera investi malgré lui d'une mission qu'il ne peut rejeter, une mission qui sera nourrie par sa propre curiosité alors qu'il constate les liens que le décor et le mouton peuvent avoir avec son ami surnommé « le Rat ». Sa quête deviendra le sujet de ce roman.

On aura droit à des personnages succulents, de savoureux dialogues, des descriptions et des expériences hallucinées. On ne sort pas intact de cette lecture.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
Commenter  J’apprécie          130
Un livre très bien mené. Une histoire intrigante et extrêmement prenante. Murakami n'a pas son pareil pour rendre réel, l'étrange et l'invraisemblable. On pourrait parler de surréalisme si ce terme n'était pas utilisé à toutes les sauces au point d'en perdre son sens. Donc, non seulement l'histoire est une petite merveille, mais l'auteur a le sens de la petite phrase qui marque les esprits, de la petite pensée philosophique qui fait réfléchir . C'est le premier livre que j'ai lu de lui, je vais me laisser tenter par d'autres romans de cet auteur si particulier.
Commenter  J’apprécie          120
L'histoire :

Un jeune cadre publicitaire de Tokyo en instance de divorce... Une jeune femme extralucide, aux oreilles bouleversantes de perfection et de sensualité... Une mystérieuse organisation d'extrême droite... Un vieil homme à l'article de la mort depuis plus de cinquante ans... La lettre d'un ami disparu... Un Docteur ès Moutons confiné dans une petite chambre d'hôtel de Sapporo... La course au mouton sauvage est lancée !


L'opinion de Miss Léo :

Vous noterez l'aspect sibyllin et énigmatique du résumé ci-dessus. Et pour cause : Haruki Murakami nous a concocté pour son troisième roman une histoire indescriptible et abracadabrantesque, dont il serait vain de vouloir raconter les péripéties. Mieux vaut se laisser porter par la superbe plume de l'auteur japonais, qui nous captive encore une fois par son style si particulier, et nous entraîne vers des horizons totalement inattendus. J'aime énormément cette écriture originale et envoûtante, qui ne ressemble à aucune autre, même si je conçois que certains lecteurs puissent être déroutés (voire rebutés) par l'étrange spécificité des univers créés par ce formidable conteur qu'est Murakami. Je suis pour ma part totalement séduite.

Moins poétique que Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (qui avait été pour moi un véritable coup de coeur), La course au mouton sauvage n'en demeure pas moins brillant par bien des aspects. Tour à tour chronique du quotidien ou fable métaphysique, mêlant une once de fantastique et quelques situations délicieusement burlesques à un petit fond d'analyse socio-économique, le roman provoque une légère sensation de malaise, que vient renforcer l'errance du narrateur, confronté avec sa petite amie à une aventure qui le dépasse. La quête du mouton sauvage s'apparente à une plongée dans l'inconnu, et les deux personnages principaux, privés de tout repère et contraints de renoncer à leurs certitudes, se retrouvent bien souvent dans une position d'attente interminable, ne sachant pas où débusquer l'objet de leurs recherches. Ce rythme lancinant aurait pu se traduire par quelques longueurs. Il n'en est rien, et le roman demeure fascinant d'un bout à l'autre, tandis que la banalité du quotidien se pare progressivement d'atours fantastico-oniriques. Certaines images sont saisissantes, et plutôt bien rendues par la traduction, par ailleurs excellente.

"Elle était irréellement belle. D'une beauté que je n'avais jamais vue ni imaginée jusqu'alors.Tout s'y dilatait comme l'univers, et tout s'y condensait comme dans un profond glacier. Tout y était exagéré jusqu'à l'arrogance, tout n'y était en même temps que dépouillement. Cela transcendait tous les concepts que pouvait formuler mon entendement." (page 50)

Le récit se décompose en courts chapitres aux titres énigmatiques (Le pénis de la baleine, de l'univers du lombric...), qui donnent évidemment envie d'en savoir plus. Les personnages n'ont pas de nom, mais sont pourtant très bien caractérisés, et se distinguent tous par un trait original (j'ai beaucoup aimé le personnage de la petite amie, qui utilise ses oreilles pour séduire les hommes). L'animalité est ici un thème récurrent, et c'est tout un bestiaire que Murakami nous propose de découvrir (le fameux mouton sauvage, bien entendu, mais aussi un vieux chat malade, un rat, des poissons ou encore une reproduction de pénis de baleine). On notera également l'importance du ciel, décrit à de multiples reprises et à l'aide de nombreuses métaphores ("le ciel était d'une pureté à vous donner mal au coeur", "c'était un ciel sans le moindre nuage, comme un oeil gigantesque dont on aurait arraché les paupières").

La lecture de cet ouvrage m'a parfois celle du Pingouin d'Andreï Kourkov. On ne peut pas vraiment les comparer, mais tous deux possèdent ce petit côté absurde et décalé que j'avais tant apprécié dans le roman de l'auteur ukrainien. Dans les deux cas, le héros (banal) est approché par de mystérieux individus aux motivations plutôt louches, et se retrouve embarqué bien malgré lui dans une histoire aux multiples rebondissements.

Bref, je suis plus que jamais convaincue du talent de Murakami, et c'est avec grand plaisir que je continuerai à découvrir son oeuvre foisonnante, qui me réserve à n'en pas douter encore bien des surprises.


Un superbe OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), dont j'ai adoré l'intrigue tortueuse et la plume si particulière. Murakami rules !
Commenter  J’apprécie          121





Lecteurs (2734) Voir plus




{* *}