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3,67

sur 800 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voilà dix-sept nuits que je ne dors plus. L'oreiller est crevé, j'ai du rêver trop fort.
Dix-sept nuits, dix-sept ans, peu importe, au bout d'un moment je m'y suis habitué. Après tout, ce n'est pas la fin des temps.
Alors les yeux rivés sur la lézarde du plafond, je me lève, vais au salon, me sert un verre de cognac.
Y'a une lune dans ma rue, et je n'ai pas sommeil. Alors je prends un livre, un peu au hasard, sur une étagère de ma bibliothèque. J'en prend un gros, celui qui en temps normal me tomberait des mains, mais là j'ai toute la nuit. Tolstoï, Anna Karénine.

Le soleil se réveille lentement de son sommeil. Lui a pu s'apaiser quelques heures avant de retrouver de l'éclat. Et la routine du quotidien reprend vie, le gosse, les courses, le repas. Vivement la prochaine nuit. Que je me remette à vivre, ou à lire. Vivement la prochaine lune, que je passe une nouvelle nuit avec Anna Karénine. Mais avant, il faut ABSOLUMENT que j'aille acheter une nouvelle bouteille de cognac.

Être ainsi éveillé la nuit éveillerait-il ma conscience ? Celle qui consiste à voir que ma vie est absolument vide, celle qui permet de sonder la profondeur des ténèbres. Mais à trop vouloir s'y enfoncer, arriverai-je à sortir un jour de la nuit de ces ténèbres, pousser un cri de frayeur visant à faire soubresauter les cellules de mon corps ? Dix-sept nuits, et si la prochaine fois, je prenais un bouquin de Dostoïevski ?

En attendant donc ma mort spirituelle, ou le cauchemar de celle-ci, je sors de ma chambre sans même prendre la peine de compter les moutons sauvages, ouvre la fenêtre et regarde le clair de lune, d'un bleu pur comme l'amour, danse, danse, danse blue moon, que je regarde depuis dix-sept nuits ou dix-sept ans. Un verre de cognac au coeur d'une insomnie chronique, comme celle d'un oiseau à ressort, je me penche sur l'étrange bibliothèque qui orne mon salon, comme si je ne connaissais pas tous les livres qui m'attendent et sort une dernière fois « Sommeil » d'Haruki Murakami.
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Une nouvelle très parlante, où je me suis reconnue. J'ai fait des insomnies durant une période, rien ne pouvait me faire me rendormir, alors je lisais.

L'écriture est parfaite. C'est le deuxième ouvrage de Murakami que je lis, et j'accroche totalement à sa plume ! Et les illustrations caractérisent parfaitement les chapitres, un vrai bijou.

Une nouvelle énigmatique, qui oscille entre rêve et réalité, avec une fin cauchemardesque. Une lecture courte mais super agréable, qui permet de combler le temps tout en laissant le lecteur satisfait !
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A la première personne, une femme anone son quotidien, répétitif, ennuyeux mais pas dramatique, entre ménage, les heures ponctuées du déjeuner pour le mari, du goûter de son fils, et elle-même répète : « Nous nous en sommes sortis, nous avons réussi à survivre dans ce monde sans pitié » (p 14 et 16),
Une nuit, pourtant, elle fait un cauchemar, se réveille…. et ne peut plus se rendormir… pendant dix-sept nuits et dix-sept jours.
Au contraire de l'insomnie, qu'elle avait expérimentée quand elle était à l'université, manque de sommeil qui l'avait laissée à moitié morte durant le jour, le fait de ne plus dormir la fait revivre.
Elle qui lisait « de temps en temps », s'était aperçue assez vite qu'elle s'endormait au lieu de lire, et en « un rien de temps », s'était habituée à ne plus lire.
Alors, le temps gagné quand elle ne dort plus lui fait retrouver maintenant une vieille lecture, Anna Karénine, dont elle lit des dizaines de fois l'histoire.
En buvant du cognac et mangeant du chocolat.
A l'inverse d'Anna, celle qui avoue à son mari qu'elle l'a trompée, notre héroïne n'avoue rien à son mari, qui lui, de son côté, ne remarque rien, ni qu'elle sort du lit quand il dort, ni qu'elle change, parce que, forcément, elle a changé (en mieux, dit-elle, elle pète la forme tout le jour, remplit ses taches ménagères, tellement ennuyeuses qu'elle n'a pas besoin de beaucoup de concentration…)
La répétition des actes de tous les jours restent ce qu'ils sont, ennuyeuse, mais elle sent par ailleurs un agrandissement, un enrichissement progressif et une joie de plus en en plus grande, un élargissement de sa conscience.
Ma vie n'appartient qu'à moi, c'est ma vie, dit-elle.
Son temps, ce temps un peu endormi à se perdre dans l'inutile, se double d'un temps précieux, et elle ne veut plus dormir. C'est un choix, elle y gagne.
Et même si dormir signifiait se réparer des usures du temps, elle n'a que faire de cette répétition du sommeil chaque nuit, perdre sa vie en dormant.
Génial, puisque Murakami pose le problème du temps perdu dans les actes anodins, au détriment de la concentration nécessaire pour lire et relire par exemple Tolstoï, où chaque fois elle redécouvre un message différent chaque fois : « Comme une série de boites, chaque monde en contenait un autre plus petit, et ainsi à l'infini. Et, tous ensemble, ces mondes formaient un univers entier, et cet univers était là, attendant d'être découvert par la lecture ».
Elle répète le même livre, mais c'est à chaque fois un recommencement.
Et se demande pourquoi vivre, quel sens y a-t-il à donner à cette famille dont elle découvre le côté insupportable.
Continuer, pourquoi ?
L'autre existence possible, jour et nuit, jusqu'à la fin digne d'une nouvelle où tout est possible, et rien affirmé, c'est à nous d'utiliser nos neurones pour l'imaginer : ou elle s'en sort, et se remet à dormir, ou elle s'en sort, et continue à ne pas dormir, ou elle ne s'en sort pas, mais de toute façon elle avait envisagé être sans doute morte sans que son entourage s'en soit rendu compte.

Pour moi, la vraie fin de ce conte génial, c'est quand je lis deux chroniques coup sur coup, de @nicolak, Nicky et de @hundredreams, Sandrine, et que je vois apparaitre dans ma bibliothèque le museau d'une couverture noire avec incrustations argent, et des illustrations de Kat Menschik. Génial, je n'ai pas peur de me répéter.
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Et me voilà repartie avec Murakami.
Il faut dire qu'en commentaire de mon retour sur L'étrange bibliothèque, ma Sandrinette m'a dit que c'était le dernier d'une trilogie (pas taper, Éric, j'ignorais ce fait...);
Je devais donc réparer cette horrible erreur en lisant le premier, Sommeil, donc.
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Il est dit en 4e de couverture que c'est l'une des nouvelles les plus enigmatiques de Haruki Murakami. Vu la clarté de ses autres écrits, j'étais un peu perplexe.
C'est en effet un peu la patte de l'auteur, si je ne m'abuse.
Encore une fois, rêve, réalité, paranormal, tout se mélange dans ce récit.
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Les illustrations sont sublimes, ce qui ne gâche rien. Je ne parlerai pas de la couverture, étant loin d'être amatrice de ces petites bêtes...
Chacun ses phobies. :)
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J'ai encore peu lu l'auteur, et c'est la première fois que j'ai droit à une narratrice.
Après VOX, où les femmes sont quasiment muselées, je me suis retrouvée dans le quotidien d'une femme au foyer.
Allez savoir pouquoi j'ai fait une sorte de rapprochement, dans Sommeil c'est la vraie vie de certaines femmes, pas de l'anticipation ou de la S.F.
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La vie du personnage principal, c'est la routine.
Femme d'un dentiste, mère d'un garçonnet, pour le reste... Oups, pardon, il n'y a pas de reste.
Cuisine, courses, ménage, s'occuper de mari et enfants, etc., même quand on travaille beaucoup le font aussi.
Mais je digresse.
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Un beau jour, enfin plutôt une nuit, l'héroïne ne dort pas, et cela dure pendant 17 jours.
Ce n'est pas de l'insomnie, elle ne se traîne pas en mode épuisée, elle n'a pas sommeil. Mais elle est en pleine forme.
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Alors elle qui avait abandonné un loisir qu'elle adorait, la lecture, voit soudain Anna Karénine dans la bibliothèque, s'en empare et se met à lire.
Pour elle, pour se sentir vivante.
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Encore une fois, un très bon Murakami.
Si vous ne l'avez pas lu, foncez. de plus, il est très court.
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Je suis épuisée pour notre personnage principal.
Ce n'est plus une vie de ne point dormir !
Sauf si c'est pour la retrouver justement … la vie … la vraie…
Celle d'avant la servitude à laquelle cette mère au foyer est « forcée ».
Une fois de plus grâce à sa plume onirique et fantastique Murakami nous fait passer bien des messages… ici on parle d'amour, de parentalité, de classique de la littérature, de privation de chocolat ( et accessoirement de sommeil), de liberté et j'en passe…
C'est délicieux et les illustrations de Kat Menschik accompagnent tres bien le plat principal.


Ps :
Il existe 3 autres nouvelles de Murakami illustrées de la même façon
N'hésitez pas une seule seconde avant de vous les procurer si vous avez aimé votre voyage au coeur de « sommeil »

PPS:
Vous me remercierez plus tard 👀
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Dans ce livre nous allons suivre une femme au foyer qui n'a pas dormi depuis 17 nuits. Les journées de cette femme sont très répétitives, elle les consacre à l'entretien de sa maison et au bien-être de son mari et de son fils. Mais voilà qu'une nuit, suite à un cauchemar, il est impossible pour elle de se rendormir et cela va perdurer. Elle profite donc de ces nuits pour retourner dans la lecture petit loisir qu'elle avait abandonné au profit de sa vie quotidienne monotone et d'autres petits plaisirs vont venir se rajouter à ces lectures nocturnes.

Cette nouvelle m'a permis de découvrir l'auteur Haruki Murakami dont j'ai vraiment adoré la plume et j'espère découvrir d'autres oeuvres de ce dernier tout aussi belles. de plus, ce recueil est agrémenté de magnifiques illustrations qui ont été effectuées par Kat Menschik qui donne encore plus de profondeur à notre lecture.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Voici une sublime nouvelle illustrée du maître Haruki Murakami. Elle raconte l'histoire (trop courte) d'une femme à la vie somme toute assez simple. Mariée, un enfant, elle accomplit chaque jour les tâches quotidiennes. Ses après-midis, elle les consacre à la piscine. Et ses nuits, dépourvues de sommeil, elle se laisse emporter par le doux plaisir de déguster : un cognac, du chocolat, en compagnie littéraire de Anna Karénine.
Pendant que sa maisonnée est plongée dans les bras de Morphée, Elle, se love dans les pages de ce livre qu'elle lit inlassablement.
J'ai pris tout autant de plaisir à lire cette histoire, qu'elle à lire la sienne. C'est toujours avec un immense plaisir que je me laisse emporter par la plume magique, mystérieuse et poétique du talentueux Haruki Murakami.

https://littelecture.wordpress.com/2023/01/29/sommeil-de-haruki-murakami/
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Il est difficile de parler de ce petit livre sans en divulguer le contenu....

On dira donc que le récit de cette période de Réveil dans la vie de la narratrice est l'occasion d'une réflexion sur le sommeil, mais du coup aussi sur la vie, et plus particulièrement celle de notre héroïne.

Aussi ce roman permet de toucher du doigt un vaste panel de questions plus ou moins philosophiques. Et il restera sujet à l'interprétation de chacun quand au sens derrière ce petit conte si représentatif de l'univers de l'auteur.

L'écriture est toujours aussi agréable à lire, le sujet surprenant et intéressant.
Un livre qui reste en tête, qui nous fait nous poser des questions... le dernier mot lu, la dernière page tournée, on commence à réfléchir... et ça fait du bien.
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J'achète peu de livres mais ce livre, emprunté à la bibliothèque m'a immédiatement fait passer à l'achat : très beau livre à toucher, regarder, un livre qu'il faut avoir chez soi (pour le faire découvrir à vos hôtes qui ne trouvent pas le sommeil par exemple). Insomniaque depuis deux ans le sujet m'a vivement intéressée, d'autant plus que je suis une fan absolue de l'auteur. J'ai beaucoup apprécié ce récit plus subtil qu'il n'y paraît. L'insomnie que l'on décrit généralement comme un état extrêmement négatif, auquel il faut remédier, va ici apparaître comme une évènement positif et venir casser la monotonie du quotidien de cette femme, l'amener à remettre en cause ses bien-fondés.
Il y a toujours beaucoup de fantaisie chez Murakami, ce n'est pas un livre de psychologie, c'est léger, jubilatoire et en même temps très profond.
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“A peine le bout de mes doigts effleuraient-il le bord du sommeil que déjà je me réveillais."


Haruki Murakami nous emmène avec habilité et subtilité dans la vie d'une femme trentenaire, femme au foyer, mariée à un dentiste, ils ont un fils assez jeune.

Les jours s'enchaînent et se ressemblent. Des journées identiques, scellées à celles de son mari et de son fils. Elle prépare les repas, s'occupe du ménage, de faire les courses. C'est son quotidien routinier depuis des années. 


Jusqu'au jour où elle est réveillée par un cauchemar atroce et un cri indicible  que ses cordes vocales sont dans l'incapacité de produire, ce cri intérieur se distille en elle, partout, l'accapare… enfermé dans son corps. Cette nuit-là, elle tremble, elle est face à sa peur, face à l'incompréhension, au temps qui passe, et repasse, sans qu'elle ne soit vraiment dans la vie alors elle va dans son salon et se met à dévorer un Tolstoï : Anna Karénine dont elle se passionne. Elle peine à se souvenir de ce qui lui donnait du plaisir avant d'être esclave de son rôle de femme mariée et de mère, puis se souvient alors qu'à l'époque la lecture avait été au centre de sa vie et se demande alors ce que cela représentait pour elle… cette énorme quantité de temps à lire !  A vivre des aventures par procuration, les imaginer, vibrer pour elles. Pourquoi ? Remplir un manque, un vide, se réfugier peut-être ? Murakami ne nous apporte pas les réponses sur un plateau, il laisse le lecteur imaginer ce qu'il souhaite comme à son habitude, c'est exaltant.

Ses nuits se répètent, avec un même rituel, elle n'est pas fatiguée et son esprit est parfaitement clair.

La journée elle effectue encore et toujours ses tâches quotidiennes, mécaniques, c'est un robot et ne pas dormir ne lui fait plus peur.

Tout ce qu'elle souhaite, c'est qu'on la laisse tranquille dans son coin pour lire et nager une heure par jour, et par-dessus tout garder sa liberté. Et pourtant, personne dans son entourage ne semble percevoir les changements profonds qui sont nés en elle, personne pour voir qu'elle a changé. Personne ne s'intéresse à elle, voilà une évidence.

Son quotidien cristallisé semble l'ennuyer profondément, et elle ne sait comment s'en défaire, comment exprimer l'indicible, comment sortir de ce modèle familial, de cette place et son cri muet en est le symbole. Elle garde tout en elle, se fige, s'oublie. 

Prendra t-elle des décisions importantes pour vivre en accord avec ses nouvelles attentes et gagner en plénitude, se laissera-t-elle gagner par la folie? Murakami nous laisse sur une fin ouverte et je le remercie pour cela. 

Et vous, à quoi ressemblent vos nuits ? Vous avez lu cette nouvelle ?
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