Citations sur Les désarrois de l'élève Torless (69)
L'excitation que lui donnaient les peines d'amour de ses héros accélérait son pouls, faisait rougir ses joues et briller ses yeux.
Il y a avait sur un guéridon un volume de Kant, un de ces livres qu'on aime à laisser traîner avec une feinte négligence.
C'est une chose bien étrange que les pensées. Elles ne sont souvent rien de plus que des accidents qui disparaissent sans laisser de traces, elles ont leurs temps morts et leurs saisons florissantes. On peut faire une découverte géniale et la voir néanmoins se faner lentement dans vos mains, telle une fleur. La forme en demeure, mais elle n'a plus ni couleur, ni parfum. C'est-à-dire que l'on a beau s'en souvenir mot pour mot, que sa valeur logique peut bien être intacte, elle ne rôde plus qu'à la surface de notre être, au hasard, et sans nous enrichir. Jusqu'à ce que revienne soudain - quelques années plus tard peut-être - un moment où nous prenons conscience que dans l'intervalle, même si notre logique a paru en tenir compte, nous avons complètement négligé sa présence.
Il gardait le souvenir d'une violente tempête intérieure à l'explication de laquelle les motifs qu'il trouvait encore en lui étaient loin de suffire. "Il faut donc que ç'ait été quelque chose de trop nécessaire et de trop profond, conclut-il, pour être jugé par la raison et les concepts..."
-Cela ne m'intéresse plus.
- N'empêche qu'avant.
-Je te l'ai déjà dit, tant que Basini constituait pour moi une énigme.
- Et maintenant ?
- Je ne connais plus d'énigmes : les choses arrivent, voilà l'unique sagesse.
C'est ainsi qu'un jour où quelqu'un à qui il avait conté l'histoire de sa jeunesse lui demandait si le souvenir ne lui en donnait pas, malgré tout, quelque honte, il fit cette souriante réponse : « Certes, je ne nie point qu'il ne se soit agi d'un avilissement. Et pourquoi pas ? Il est passé. Mais quelque chose en est resté à iamais : la petite dose de poison indispensable pour préserver l'âme d'une santé trop quiète et trop assurée et lui en donner une plus subtile, plus aigué, plus compréhensive. »
"Il y avait sur un guéridon un volume de Kant, un de ces livres qu'on aime à laisser traîner avec une feinte négligence."
C'est une chose bien étrange que les pensées. Elles ne sont souvent rien de plus que des accidents qui disparaissent sans laisser de traces, elles ont leurs temps morts et leurs saisons florissantes. On peut faire une découverte géniale et la voir néanmoins se faner lentement dans vos mains, telle une fleur. La forme en demeure, mais elle n'a plus ni couleur, ni parfum. C'est à-dire que l'on a beau s'en souvenir mot pour mot, que sa valeur logique peut bien être intacte, elle ne rode plus qu'à la surface de notre être, au hasard, et sans nous enrichir. Jusqu'à ce que revienne soudain quelques années plus tard peut-être - un moment où nous prenons conscience que dans l'intervalle, même si notre logique a paru en tenir compte, nous avons complètement négligé sa présence.
P. 231
C'est une chose bien étrange que les pensées. Elles ne sont souvent rien de plus que des accidents qui disparaissent sans laisser de traces, elles ont leur temps morts et leurs saisons florissantes. On peut faire une découverte géniale et la voir néanmoins se faner lentement dans vos mains, telle une fleur. La forme en demeure, mais elle n'a plus ni couleur ni parfum [...]
Une pensée qui peut avoir traversé depuis longtemps notre cerveau ne devient vivante qu'au moment où quelque chose qui n'est plus de la pensée, qui ne relève plus de la logique, s'y ajoute: de sorte que nous éprouvons sa vérité indépendamment de toute preuve, comme si elle avait jeté l'ancre dans la chair vivante, irriguée de sang...
« Je puis l'expliquer seulement en disant que je vois les choses sous un double aspect, toutes les choses ; mais aussi bien les pensées. […]
C'est quelque chose en moi d'obscur, au-dessus des pensées, je ne puis le mesurer rationnellement, c'est une vie que les mots ne cernent point et qui est pourtant ma vie...
Cette vie muette m'a oppressé, m'a épuisé, je ne parvenais plus à m'en détourner. J'étais angoissé à l'idée que notre vie toute entière pouvait être telle et que je risquais de ne la connaître que par fragments épars... j'éprouvais une terrible inquiétude... j'étais égaré... » (pp. 232-233)