Les désarrois de l'élève Torless

Il faut apprendre à éprouver sa vie comme un long glissement calme. Au moment où l’on y parvient, on est aussi près de la mort que de la vie. On ne vit plus, selon nos critères communs, mais l’on ne peut davantage mourir, puisque avec la vie on a suspendu aussi la mort. C’est le moment de l’immortalité, le moment où notre âme, sortant de la prison du cerveau, pénètre dans ses merveilleux jardins.

Immanquablement, ce que nous avons vécu l’espace d’un instant comme un tout et sans nous poser aucune question devient incompréhensible et confus dès que nous voulons l’enchaîner par la pensée pour nous en assurer la propriété. Et ce qui nous paraît considérable et mystérieux tant que nos mots ne font qu’essayer de le cerner de loin, se simplifie et perd tout pouvoir d’inquiéter dès qu’il pénètre dans l’espace de nos tâches quotidiennes.

Non, je ne me trompais point quand je parlais d'une seconde vie, d'une vie secrète, inaperçue, des choses! Je ne l'entends point au sens propre; je ne veux pas dire que ces choses vivaient vraiment, ni que Basini eût deux visages; mais qu'il y avait en moi "quelque chose d'autre" qui n'empruntait pas pour observer cela, les yeux de la raison. Aussi clairement que je sens une pensée prendre vie pour moi, je sens "quelque chose" en moi s'éveiller à la vue des choses, au moment où les pensées se taisent. C'est quelque chose en moi d'obscur, au-dessus des pensées je ne puis le mesurer rationnellement, c'est une vie que les mots ne cernent point et qui est pourtant ma vie...

Cela et tout le reste, il le voyait avec une netteté merveilleuse, parfaitement limpide... et minuscule. Comme on le voit dans la pureté du petit jour, quand les premiers rayons du soleil ont séché nos sueurs d'angoisse, quand la table, l'armoire, les ennemis et le destin reculent en rampant pour retrouver leurs dimensions naturelles.

Jamais le théâtre ne l’avait bouleversé à ce point ; il croyait sentir dans le feu des mélodies le battement d’ailes de grands oiseaux sombres, et suivre dans son cœur les traces de leur vol.

Quand il était tout petit, qu’il portait une robe et n’allait pas encore à l’école, il avait souhaité parfois avec une nostalgie inexprimable d’être une fille. Cette nostalgie non plus n’était pas dans la tête, certes non ! pas davantage dans le cœur, c’était un agacement de tout le corps, un frémissement sous la peau. Oui, il y avait eu des moments où il avait si vivement la sensation d’être une fille qu’il jugeait impossible que ce ne fût pas vrai. Car il ne savait rien encore de l’importance des différences physiques, et il ne comprenait pas pourquoi tout le monde lui disait qu’il était condamné à rester toujours un garçon. Et quand on lui demandait pourquoi il croyait plutôt être une fille, il sentait bien que ce n’était pas une chose que l’on pût expliquer.
Aujourd’hui, pour la première fois, il éprouvait de nouveau un sentiment un peu semblable. Et de nouveau c’était seulement répandu sous la peau.
Quelque chose qui semblait être à la fois physique et psychique. Comme le passage rapide de mille antennes veloutées de papillon sur son corps.

....Tous ces facteurs d'inhibition dont on ne saurait trop apprécier l'efficacité manquait à Törless. Il avait bronché en toute naïveté.
Il lui manquait enfin la force de résistance morale. Cette extrême sensibilité de l'esprit qu'il devait tant respecter plus tard . Pourtant, elle s' annonçait déjà. Törless allait à la dérive, il ne voyait encore que les ombres projetées dans sa conscience par une puissance provisoirement inconnue , et il les prenait à tort pour du réel; mais il avait découvert une tâche à remplir, un travail à effectuer sur son âme, même
s' il n'était pas mûr pour l'accomplir.
Il savait seulement qu'il avait poursuivi une forme encore indistincte sur un chemin qui menait aux profondeurs de son être; cette course l'avait rompu.Il s' était mis à espérer des découvertes extraordinaires, mystérieuses, et il n'avait fait que s' égarer dans l'étroit labyrinthe des sens. Non par perversité, mais pour s' être trouvé soudain, spirituellement, sur une voie sans issue.

--J'ai retourné la question dans tous les sens, et tu sais que j'ai mes idées là-dessus. En ce qui concerne d'abord Basini mon avis est que de toute façon il ne mérite aucune pitié, que nous le dénonçions, que nous l'assommions, ou même que nous le torturions à mort par pur plaisir.Je ne puis concevoir qu'un type de ce genre ait le moindre rôle à jouer dans le merveilleux mécanisme de l'univers. A mes yeux, il a dû être créé par hasard, en marge de l'ordre des choses, C'est-à-dire qu'il a sans doute un sens quelconque , mais que ce sens est aussi mal fixé que celui de n'importe quel ver de terre ou un caillousur le chemin , dont nous ne savons pas s' il nous faut passer dessus ou à côté. Autant dire rien.Quand l'âme du monde désire qu'un de ses éléments soit conservé, elle le dit plus clairement. Elle dit non, suscite un obstacle, nous oblige à éviter le ver ou donne à la pierre une dureté telle que nous ne pouvons la briser sans outil.

Immanquablement, ce que nous avons vécu l'espace d'un instant comme un tout et sans nous poser aucune question devient incompréhensible et confus dès que nous voulons l'enchaîner par la pensée pour nous en assurer la propriété.

Bonjour! Est ce que quelqu’un ayant lu le viré pourrai me dégager et détailler les principales étapes du récit svp! Cela me sauverai vraiment! Merci bcp