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Une BD qui "décortique, dissèque" un moment précis de la vie du héros, par le texte et par le dessin. Fort !
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En librairie depuis le 28 mai, "Carnation" est le second album autobiographique - après "Sainte Famille" - de l'illustrateur et scénariste français Xavier Mussat.

1993. Xavier termine ses études artistiques à Angoulême et trouve un boulot qui paie bien mais ne l'enthousiasme pas vraiment et renforce son sentiment de solitude.
Il rencontre Alice, une jeune mère au foyer mariée avec laquelle il entretient une relation platonique et pour qui il dépense sans compter.
Alice finit par divorcer et trouve du boulot à Paris. Xavier, sentant qu'elle n'a plus besoin de lui se détache à son tour. Alors qu'Alice finit pourtant par lui céder, son désir pour elle s'évanouit complètement.
Xavier s'investit dans un projet de grande envergure qui l'occupera durant 2 ans : "Kirikou et la sorcière".
Au terme du projet, il sait qu'il ne pourra plus jouer les moutons comme avant et démissionne, sans réel plan de carrière.
C'est à cette période qu'il croise la route de Sylvia, jeune femme paumée, éternelle insatisfaite et toujours en colère, qu'il aimera plus que de raison...

Bien que "Carnation" soit centré sur la relation toxique que Xavier entretient avec Sylvia, il rend également compte d'un background qui devait fatalement les réunir.
Sylvia a quitté la Bretagne pour Angoulême avec dans l'idée de rencontrer des artistes et de se faire une place dans leur monde. Or elle ne semble pas cultiver un talent particulier et vivote en attendant que quelque chose se passe.
Ce qui est aussi le cas de Xavier qui cherche vaguement l'inspiration et vit du RMI.
Il n'y a ni ambition ni projet derrière leur refus de la norme, seulement un déni de l'échec.

Xavier et Sylvia se sont enfermés dans une relation casse-gueule qui se veut plus de l'ordre de la dépendance affective que de l'amour.
Xavier voit peut-être en Sylvia un challenge, un coeur à conquérir, mais la jeune femme est tellement imprévisible qu'il ne parvient pas à s'en saisir et se retrouve finalement enchaîné à elle.

Les amis ont progressivement disparu. Autoritaire et égoïste, Sylvia isole Xavier de tout et de tout le monde, surtout de lui-même.
Trouvant toujours un moyen de le tirer un peu plus vers le bas, elle passe son temps à le culpabiliser, à souffler le chaud et le froid, poussant le chantage affectif à l'extrême.
Repliés sur eux-mêmes dans une spirale malsaine que chacun entretient à sa manière, ils ne peuvent en sortir qu'à condition que l'un des deux coupe les ponts.

La première partie - l'avant Sylvia - m'a beaucoup fait penser à l'univers de Larcenet. Personnage central en pleine crise existentielle et créative, incapable de s'engager avec une femme ou de gérer la relation compliquée avec son père, il prend parfois l'envie à Xavier de quitter le monde civilisé pour lui préférer la nature.
La comparaison s'arrête là.
Du reste, le choix du noir et blanc et les illustrations parsemées de symboles et de concepts rendent compte du caractère chaotique de cette relation et de l'état d'esprit du narrateur.
La représentation des deux personnages principaux ne laisse aucun doute quant à qui mène la barque: Xavier, qui arbore un monosourcil qui lui barre le front et lui donne un air constamment soucieux, courbe l'échine, éreinté et recroquevillé sur lui-même, face à une Sylvia dont la malice se devine à ces yeux énormes et ce petit nez pointu.

Il faudra du temps à Xavier Mussat pour réaliser la portée de la violence psychologique subie au quotidien et 10 ans pour parvenir à coucher son introspection sur 250 pages.

On ne lit pas "Carnation" sans émotion et sans l'envie de jouer les arbitres et de secouer Xavier pour lui éviter de s'enliser complètement.
Un album riche, fort dont j'ai vraiment aimé la profondeur psychologique appuyée par un traitement graphique vraiment original.
Je suis certaine que "Carnation" trouvera ses lecteurs si ce n'est pas déjà fait :)
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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Un étrange album, aux dessins qui m'ont évoqués des planches en sérigraphie. Je ne m'attendais pas à grand chose de cet album que j'ai emprunté pour la couverture plutôt sympa.

C'est une lecture assez spéciale, dans l'ensemble. Les planches ne sont pas toujours conventionnelles et de nombreuses cases contiennent des dessins figuratifs, métaphoriques, qui permettent de souligner le texte d'une manière parfois originale. Une façon de faire qui n'est pas sans me rappeler l'utilisation que fait Squarzoni dans ses oeuvres du même procédé (d'ailleurs il est cité en remerciement à la fin).

La lecture est donc assez ambitieuse, qu'il ne faut pas faire rapidement dans un coin entre deux rendez-vous. C'est plutôt verbeux et parfois complexe puisque l'auteur mélange des citations, des passages assez complexes narrativement et une voix-off qui présente les sentiments intérieurs du personnage. Mais en se laissant porter par le récit on voit la façon dont l'auteur se met à nue dans une relation toxique dont il est à la fois victime et bourreau, se complaisant dans une relation où il peut se croire dans le beau rôle.

C'est une BD introspective, mettant à nue des aspects sombres du narrateur qui ne se cache pas d'avoir fait une bonne quantité de bêtises durant ses jeunes années. Cela dit, si la lecture fut sympathique, j'ai surtout en de l'antipathie pour les deux protagonistes et de fait, peu envie de relire la BD. Surtout que la fin m'a semblé abrupte, même si compréhensible. C'est une BD qui s'arrête à cette relation et ne développera pas plus. Pour ma part, je ne regrette pas ma lecture mais je ne chercherais pas à la relire !
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Carnation est d'abord un magnifique objet, fruit d'un travail éditorial soigné. Signet, couverture cartonnée et gaufrée, trait doré rappelant la gravure lui confèrent un aspect luxueux. L'illustration intrigue, subjugue par sa force symbolique et donne furieusement envie d'ouvrir l'album. La typographie annonce elle aussi le contenu : les lettres A du nom de l'auteur et du titre, symétriquement positionnés sur la couverture, semblent fonctionner en miroir. Miroir de l'altérité, miroir de l'introspection dans lesquels pourra se mirer et se « réfléchir » le lecteur. La force de ce récit cathartique réside en sa capacité à transformer une histoire intime en oeuvre littéraire, à universaliser une expérience personnelle, autobiographique. Autour du drame d'un enchaînement de relations amoureuses « toxiques » vécues par l'auteur, qui trouve son apogée avec Sylvia, sont passés au crible les métiers de l'image, la complexité et les méandres des relations familiales, de l'amitié ou encore la conjoncture économique des années 90.
Utilisant au maximum les potentialités symboliques du graphisme, Xavier Mussat propose une illustration inventive riche de sens, qui complète, augmente le texte à la manière de David B, Craig Thompson ou Philippe Squarzoni. Ainsi emprunte-t-il les personnages-balais de Fantasia (p. 21) pour appuyer sa critique acerbe de l'industrie du dessin animé, véritable usine culturelle faisant appel à la main-d'oeuvre peu onéreuse de chômeurs non qualifiés.
Xavier Mussat fait voir et questionne avec tact l'éternel recommencement de comportements nocifs et destructeurs dans lequel des hommes et des femmes se trouvent pris au piège, à travers des relations sentimentales basées sur des malentendus : pure attirance sexuelle, besoin de domination, élans protecteurs, fuite de la solitude se camouflent derrière la cristallisation amoureuse...

« Est-ce que tu crois qu'on est capable de s'infliger inconsciemment ce qui va contre soi ? On serait à ce point maso qu'on s'éprendrait de ce qui nous détruit ? » (p. 110)

Carnation invite à un retour sur nous-même, remuant nos années d'errances, qu'elles soient nos vingtaines ou nos trentaines, sur les psychodrames surjoués que nous avons pu vivre, explosions de violences et d'agressivité jalonnant notre quête de l'autre masquant une quête de soi. Comme les mains qui soulèvent délicatement la peau de la jeune femme sur l'illustration de couverture, ce récit nous pousse à disséquer notre propre intimité passée, à laquelle nous avons tourné le dos, celle que nous avons cru laisser derrière nous, mais qui est toujours là dans nos entrailles. Xavier Mussat illustre deux voies parallèles, à mon avis jamais définitivement suivies ou abandonnées, celle d'une complaisance dans le malheur inconsciente ou consentie, celle d'une recherche d'équilibre et d'apaisement.

« La soie, la joie... le bonheur ! Ne reviens pas ! » (Pigalle, Ne reviens !)

Lien : http://5emedecouverture.blog..
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Selon Frédéric Beigbeder, critique et romancier en vue,  l'autodérision est l'ingrédient indispensable d'une bonne autobiographie. On évite ainsi d'infliger au lecteur un examen de conscience pénible.
La force d'ouvrages tels que les « Confessions » de Rousseau, le « Candide » de Voltaire, ou encore « Mort à crédit » de Louis-Ferdinand Céline, tient de fait largement à la capacité d'autodérision de leurs auteurs (y compris Rousseau, bien qu'il soit plus réputé pour son style ou ses idées morales).
« Carnation » est le récit des illusions et désillusions sentimentales d'un jeune dessinateur, Xavier Mussat, demeurant à Angoulême après y avoir fait ses études, puis entamant une carrière dans le dessin-animé (sous la houlette de Michel Ocelot/Kirikou). Pas ou peu d'autodérision dans ce récit autobiographique, cependant l'auteur évite l'écueil de l'auto-complaisance. Il a le mérite de suggérer que la conjugaison amoureuse de deux âmes un peu paumées est sans issue autre que fatale ; et de rappeler aussi cette vieille analogie qui remonte à l'Antiquité, entre les amours humains et la prédation ou la chasse (indiquée par l'arc et les flèches d'Eros), en se représentant d'emblée, dès les premières pages de ce récit qui en compte 250, sous l'apparence d'un vautour. Le lecteur est ainsi incité à se poser la question : - Quelle sorte de prédateur sexuel suis-je ?, de façon utile en des temps où, pour le besoin de la consommation, les publicitaires martèlent et forgent du matin au soir une idée de la liberté comme la satisfaction de l'instinct ou de la passion, afin d'augmenter les recettes.
Cette figure du vautour, sur laquelle l'auteur aurait été mieux inspiré de se concentrer afin de lui donner une tournure plus poétique, est une figure baudelairienne particulièrement moderne. Contrairement au tigre ou au lion, le vautour humain, dévoreur de charognes et non de proies vives, peut plus facilement se bercer de l'illusion de l'amour ; en effet, il ne tue pas lui-même ses proies, mais se nourrit des restes. Les femmes, autour desquelles X. Mussat tourne, ont toutes eu le coeur brisé par quelque jeune fauve.
La patience dont fait preuve Xavier Mussat, doté d'un physique plutôt ingrat, à l'égard de jeunes femmes belles et désirables qui ne consentent que de guerre lasse à le laisser entrer dans leur lit, prouve à ses yeux qu'il les aime et ne se contente pas de les convoiter. X. Mussat se comporte comme un bon Samaritain du sexe. Mais les vautours ne font-ils pas que se délecter des restes laissés par les tigres ?
Cette peinture des moeurs de jeunes gens assez réfractaires à la société de consommation, tout en étant paradoxalement obsédés par des questions sentimentales, est psychologiquement ou sociologiquement intéressante alors que la société française se divise sur des questions d'ordre sentimental sur fond de manoeuvres politiciennes. Consciemment ou pas, X. Mussat illustre le propos du contempteur le plus radical de la culture moderne, Nietzsche, qui décrit celle-ci imprégnée de moraline judéo-chrétienne masochiste. L'expression de « bon samaritain du sexe » rend bien l'idée développée par ce philosophe ultra-conservateur d'un dieu passé dans les moeurs, complètement absorbé par la morale, à la fois invisible et omniprésent, la morale occidentale chrétienne s'avérant un facteur de mystification des relations sociales catastrophique. La place grandissante prise par la fiction ou l'onirisme dans l'art moderne trahit aussi cet excès de sentimentalisme religieux.
La connotation macabre du duo amoureux central que forment Xavier et Sylvia, jeune Briochine mi-allumeuse, mi-allumée, est renforcée par un dessin plutôt atone.
L'amour humain est tout aussi improbable que l'existence de dieu, et ces deux preuves sont liées. C'est là le point positif de « Carnation » et la morale qu'on peut en retirer. En détruisant les preuves de cet amour, qui prenait la forme d'un érotisme bizarrement altruiste, X. Mussat atteint une sorte d'athéisme amoureux, garant d'une plus grande indépendance vis-à-vis d'une société très largement régentée par le principe de « l'attrape-couillon ».
Lien : http://fanzine.hautetfort.co..
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