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sur 285 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un roman sur le thème du vampire qui… vampirise d'innombrables autres oeuvres et le temps du lecteur

Pas du tout fan de Twilight ou de Bit-Lit, assez allergique au steampunk qui partage avec ce roman un cadre Victorien, c'est avec méfiance que j'ai abordé ce roman. Mes à-priori étaient-ils justifiés ?

Newman vampirise le monde artistique

A la base, Anno Dracula part d'une question : que se serait-il passé si, dans le roman de Bram Stoker, le fameux Comte avait mis en déroute l'équipe de van Helsing, avait bâti une véritable invasion silencieuse en transformant de plus en plus d'humains en vampires, puis en faisant venir des vampires qui lui étaient inféodés d'Europe Centrale ? Que ce serait-il passé s'il avait réussi à séduire et épouser la Reine Victoria en plein veuvage et à devenir Prince consort, c'est-à-dire dans les faits le véritable maître de l'Angleterre ?

Très logiquement, certains personnages du roman de Stoker, ainsi bien évidemment que certains personnages historiques (en raison de l'époque et du fait que l'intrigue est basée sur les meurtres de Jack l'Éventreur), sont de la partie. Newman utilise aussi, en tant que héros, deux personnages créés pour d'autres romans ou écrits (dont Geneviève, créée à la base pour le monde de… Warhammer). Mais le recyclage de personnages ne s'arrête pas là, en réalité il ne fait que commencer : dans la postface, l'auteur explique, en détails, d'où est venu chaque personnage secondaire, de quelle oeuvre de littérature de genre, de littérature blanche ou de cinéma (de la Hammer, bien entendu, mais pas que). C'est l'occasion pour vous de tester vos connaissances historiques, littéraires ou cinématographiques, mais il y a tellement d'emprunts, dont certains de personnages tertiaires du roman en question, ou même de romans / films relativement peu connus du grand public, que l'exercice va se révéler malaisé. Tout de même, certains personnages imaginaires ou historiques seront connus de tous, à commencer par Jekyll & Hyde, le Docteur Moreau, Elephant Man, Holmes ou bien entendu Jack l'Éventreur.

Univers

Bien, donc imaginez une Angleterre uchronique de 1888, dans laquelle Dracula est aux commandes du pays, et où une portion significative de la population du pays est formée par des Vampires. Les gens cherchent activement à recevoir le Baiser des ténèbres, car celui-ci donne rien moins que l'immortalité (et fige la personne à l'âge qu'elle avait au moment de sa transformation). Mais le vampire n'a pas intérêt à faire disparaître l'humain normal, car il lui est indispensable en tant que réserve de sang et pour faire tourner le pays de jour. Car le vampire de Newman, particulièrement celui qui vient juste de le devenir, est mortellement sensible aux rayons du soleil. Même les Anciens comme Dracula le supportent, certes, mais difficilement.

Clairement, une atmosphère très Troisième Reich plane sur la description de ce royaume vampire : du camp de travail / rééducation / concentration de Devil's Dyke (accessoirement garde-manger pour les vampires) aux descriptions de la très SS / Gestapo « Garde Karpathe (Sic) », l'influence est très claire. Et forcément, vu le thème, les protagonistes et le fait que la grosse majorité de l'intrigue se déroule de nuit, l'ambiance ne peut être que ténébreuse.

Le Vampire chez Kim Newman

Il est nettement sous-entendu par l'auteur que le Vampirisme ne relève pas de la magie mais d'une maladie ou d'une mutation, transmissible lorsque le vampire et l'humain qu'il veut transformer boivent respectivement le sang de l'autre. Malgré tout, il y a certains éléments surnaturels, qui classent le roman dans le Fantastique (et l'Horreur, bien entendu), comme l'absence de reflet des vampires ou les capacités des Lignées. En effet, comme dans certains univers de la littérature vampirique, l'un d'eux peut créer une « lignée » en transformant des humains en ses semblables, et en leur transmettant ses pouvoirs spécifiques (transformation en animal, contrôle des animaux, télépathie, etc). En vieillissant, le jeune vampire ainsi créé finira même par ressembler à son « père en ténèbres ». Plus un vampire est âgé, plus il est puissant. le statut redouté et envié d'aîné est ainsi acquis après au moins deux vies humaines d'existence.

Les vampires de la Lignée de Dracula (la majorité de ceux d'Angleterre) sont aussi susceptibles de développer des mutations permanentes rappelant la morphologie d'un animal, comme des poils très drus par exemple. Certaines prostituées vampires s'en servent pour attirer des clients aux goûts disons… particuliers.

L'auteur va au bout de sa logique

J'ai beaucoup apprécié le fait que l'auteur tire très minutieusement les conséquences de sa transformation de l'Angleterre en pays dirigé par des vampires, avec une partie de la population transformée en ces créatures. Un exemple : certaines prostituées sont des vampires. Cela ne les sort pas du caniveau, et elles sont obligées de continuer leur activité. Cela leur crée aussi un nouveau besoin, celui de se nourrir de sang. Mais de nouvelles opportunités se sont aussi créées : au lieu de se faire payer en argent, elles peuvent aussi se faire payer… en sang, en évitant de tuer le client. Client qui, au-delà de banales faveurs sexuelles, pourra aussi chercher à assouvir de troubles fantasmes en se faisant sucer le sang ou en allant trouver une de ces prostituées avec des mutations quasi-animales décrites plus haut.

Anarchy in the UK

Si pour certains, le Vampirisme est une opportunité (d'immortalité ou sociale / économique), si pour d'autres, l'obéissance à la reine (même une reine vampire) prime sur tout, pour certains autres, en revanche, la domination du Prince consort Dracula est inacceptable. Plus le roman avance, plus une sorte de mouvement contre-révolutionnaire se développe, mouvement qui balaye large, des socialistes aux chrétiens intégristes.

Bref, malgré sa puissance et sa cruauté, le Nosferatu est haï d'une partie de la population, qu'aucun avantage au monde, immortalité ou autre, ne convaincra d'abandonner son humanité ou son pays aux ténèbres. Il faut dire que la justice à base d'empalements, les exactions des vampires (l'un d'eux se sert par exemple de son pouvoir hypnotique pour violer et boire le sang des femmes impunément durant le roman) et leur extrême brutalité, celle de la Garde Karpathe (Sic) notamment, ne font rien pour arranger la situation (brutalité qui, avec celle de Jack, donne lieu à quelques scènes franchement gores ou horrifiques). Ce sont les meurtres de Jack l'Éventreur qui vont mettre le feu aux poudres.

Intrigue, style & rythme

Toute l'intrigue du roman est structurée autour des meurtres de Jack, dont, je le précise, l'identité est très vite dévoilée. On suit Beauregard, un humain normal (non-Vampire) agent secret du gouvernement (enfin, du gouvernement… de fidèles de la Reine, plutôt), qui va être conduit à faire équipe avec la belle Geneviève, une vampire française encore plus vieille que Dracula en personne. le duo fonctionne bien, mais pas du tout avec les ressorts semi-comiques ou au contraire fortement antagonistes qui sont des classiques avec ce genre de protagoniste à deux têtes. Une originalité de plus du roman, à mon avis.

Si la structure de l'intrigue est rythmée par les meurtres, le rythme lui-même est constant. Certains romans proposent une montée progressive du rythme, d'autres un début lent suivi d'une brutale accélération, sans décélération avant la fin. Anno Dracula maintient le même rythme, prenant et haletant, du début à la fin. C'est facile et agréable à lire, et c'est avec regret qu'on lâche le roman. L'auteur a, enfin, bien su rendre l'ambiance et les convenances victoriennes, sans excès de style lourd ou pénible à lire.

Malgré tout, il faut prévenir la lectrice ou le lecteur potentiel : c'est gore, c'est horrifique, c'est sanglant par moment, que ce soit à cause des meurtres de Jack ou des exactions des Vampires.

Un roman original, avec beaucoup de qualités… et que des qualités ?

Soyons clair, cette fois c'est un vrai roman de vampires, pas de doute là-dessus (notamment sur un point mineur mais qui me paraît personnellement important, la nette relation entre vampirisme et érotisme). La démarche de continuation et de transformation appliquée au roman de Bram Stoker est intéressante, bien que pas particulièrement originale. Les qualités d'écriture de l'auteur sont certaines, ses personnages principaux intéressants, le monde et l'idée centrale du roman sont bien décrits et exploités, mais…

… Mais la fin ne m'a pas parue très satisfaisante, un peu cousue de fil blanc, pas super-réaliste et surtout tronquée par rapport à la façon dont d'autres événements sont beaucoup plus largement décrits. de plus, la surabondance de placements de personnages appréciés par l'auteur dans d'autres oeuvres, littéraires ou non, fait parfois frôler l'overdose au lecteur.

Dans l'ensemble, cependant, c'est une lecture extrêmement recommandable, pour l'érudition historique de l'auteur, sa démarche d'hommage à l'oeuvre de Stoker, la méticulosité de la construction et de l'exploitation de l'univers, le mélange Dracula + Jack l'Éventreur, les qualités d'écriture et le rythme prenant du roman (les chapitres courts aidant beaucoup à donner envie de poursuivre la lecture, au passage), le sympathique duo de protagonistes, et ce, et c'est le plus important, que vous soyez amateur de vampires ou pas.

Retrouvez une version (légèrement plus) longue de la critique sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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Habituellement pas fan de récits de vampires, surtout lassée du vampire pour adolescent, je me suis laissée tenter par cette série qui prenait racine directement dans le récit originel de Bram Stoker.
Je suis tout de suite rentrée dedans et j'ai beaucoup aimé ma lecture.
Le récit est bien construit et assez sombre, les personnages sont attachants et jamais manichéens.
Dans une Angleterre où les vampires cohabitent avec les "sang-chaud", où la population a perdu ses repères, Kim Newman nous emmène dans les quartiers les plus sordides de la capitale britannique sur les traces d'un mystérieux tueur de vampires.
Bourré de références (littéraires, cinématographiques, historiques...), mêlant personnages historiques et fiction, Kim Newman réaliser un tour de force : construire un récit prenant, cohérent et addictif.
En revanche, je pense qu'il est préférable d'avoir lu le roman de Bram Stoker avant car les personnages principaux de Dracula se retrouvent dans le récit de Newman.
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Je distingue toujours le roman du vampire des "Draculas". Et depuis ma découverte du roman de Bram Stoker, je suis assez difficle dès qu'un auteur met en scène le célèbre vampire. Effectivement, je n'ai pas les mêmes critères, ni les mêmes attentes quand il s'agit d'un roman dont le thème sont les vampires que quand il s'agit de Dracula. Il y a tout de même une constante, je veux du vampire et du vrai, de celui qui conserve non seulement une part d'obscure fascination mais également une bonne capacité d'effroi.



Je lis, en fait, peu de romans de vampires malgré l'abondance de la Bit-Lit en librairie et les couvertures aguicheuses. (Le dernier en date est l'incontournable Salem de Stephen King.) En fait, après l'aventure Dracula l'Immortel, j'ai cessé de lire toute oeuvre relative à ce fameux personnage.



C'est la critique d'Apophis - que je vous encourage à lire - qui m'a fait changer d'avis et à laquelle je souscris en totalité.



Anno Dracula est une oeuvre fantastique qui tend vers le roman horrifique. Il est aussi plus que cela.



En effet, Kim Newman brosse une Angleterre en 1888 dans laquelle Dracula est prince consort et les vampires ont fait leur coming-out. Ils occupent d'ailleurs la plupart des postes à responsabilité du royaume. Les sujets britaniques - vivants et non-morts - sont dirigés par une poigne de fer, les sanctions sont terribles et à la "hauteur" de la réputation de notre vampire. Dracula n'a pas un rôle prépondérant dans l'intrigue, mais son aura sinistre fait planer une ambiance proprement angoissante sur Londres. Les tensions entre les communautés sont des plus vives, illustrant les grandes mutations de la société fin XIX°. le prince consort promulgue des décrets à l'envi et ils sont souvent accompagnés de châtiments exemplaires.

En outre, en 1888, le quartier de Whitechapel est la scène de meurtres horribles. Les membres de la police dirigée par l'inspecteur Abberline enquête, Charles Beauregard est dépêché par le Diogene Club, pour faire la lumière sur l'affaire. le meutrier s'en prend sauvagement aux prostituées réssucitées ( lire jeunes vampires). L'identité de Jack l'éventreur nous est rapidement dévoilèe au travers de ses "mémoires". Nous suivons la progression de l'enquête - ou son absence de progression alors que les victimes s'accumulent - aux côtés de l'agent spécial Beauregard. L'intérêt de l'intrigue réside justement dans cette connaissance, alors que le lecteur assiste à l'impuissance des forces publiques.



Au-délà de l'aspect roman policier et fantastique, il s'agit également d'un livre d'ambiance victorienne. Certes un funeste Londres de 1888, mais tant d'élements sont associés avec harmonie et brio! L'auteur visite ou revisite, plus exactement, l'époque et invite le lecteur a y plonger. Nous pouvons ainsi cotoyer des personnages célébres fictifs ou réels : La Reine Victoria, Oscar Wilde, l'inpecteur Abberline, le prefet Warren, l'acteur Mansield, Dr Jekill et Moreau, Holmes, Stoker et tellement d'autres! Les descritpions sont éloquentes, les moeurs d'alors conservées dans leur pudeur et leur rigidité. L'odeur des chevaux est presque perceptible, tout comme l'âcre saveur du sang.



Les personnages principaux sont tout aussi "vivants" et savoureux que le livre lui-même : empreint de doutes, partiellement hermétiques aux évidences et enfermés dans les convenances d'alors. Que ce soit Charles Beauregard ou Geneviève, l'ensemble de leur qualités et défauts sont parfaitement exploités et écrits, et au final ils subissent les événements plutôt que d'en être les acteurs. Et que dire du Dr Seward, un homme en pleine dérive qui ne reconnaît plus le monde dans lequel il vit... Bref, ils sont humains!



Certes les nuances et les clins d'oeil dissiminés çà et là exigent un minimum d'intérêt et de connaissance de l'époque Victorienne, mais ce n'est en aucun cas un frein à la saveur du roman. Il est toujours possible de faire une rapide révision et immersion en regardant la série Tv avec Michael Caine, Jack l'éventreur (1988).



Je suis réconciliée avec le fantastique.
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Ben, ma critique sur ce bouquin était d'un laconisme confondant, alors que j'ai été plutôt diserte ailleurs. du coup je reprends...

"Ce bouquin est absolument FANTASTIQUE dans tous les sens du terme !!!

Uchronie vampirique, nous nous retrouvons en 1888, face aux crimes d'un Jack l'Eventreur très particulier, dans un contexte très particulier, car les vampires sont devenus "la crème" de la société (enfin, certains vampires, pas tous, car ils restent dans la couche de la société dans laquelle ils étaient avant de "passer aux ténèbres"...).

Je ne peux pas en dire grand chose sans spoiler un max, ce qui serait dommage pour les gros curieux que je connais ici. Sachez qu'il y a des allusions à au moins une cinquantaine de personnages historiques et littéraires, à tel point qu'au début on en a la tête qui tourne, et on s'y perd à essayer de retrouver qui vient d'où tellement il y en a. Il vaut mieux ne pas s'attarder sur ceux qu'on ne remet pas de suite, en fait...
Mais très vite, l'intrigue prend le dessus, des chapitres courts favorisent la lecture, et c'est très rapidement qu'on se retrouve aux derniers chapitres. Bien qu'il n'y ait pas d'humour à proprement parler dans ce livre et qu'il soit classé "ténèbres", il est sous-tendu par une ironie continue et donc fort réjouissant !
La dernière scène avec Dracula est vraiment ENORME dans tous les sens du terme, une scène d'anthologie ! Et elle clôt ce livre.

C'est un nouveau coup de coeur pour moi, le 3ème de cette année 2013. Je ne comprends d'ailleurs pas que la trilogie ne soit plus éditée. D'après ce que j'ai lu ici et là il semblerait qu'elle n'ait pas rencontré en Francophonie le succès escompté. je pleure...
J'ai le second. Je me passerai du troisième, qui est passé en "ouvrage de collection" et coûte beaucoup trop cher à mon goût... Mais sachez que les deux suivants ne sont pas nécessaires pour apprécier celui-ci !

(PS : je lui ai vu une étiquette "bit-lit", ce qui est faux. Rien à voir avec la bit-lit, qu'on se le dise !)"

Livre lu au mois d'Avril 2013, en fait... Je vais préciser également que j'ai acheté les deux premiers tomes en "poche" d'occasion, donc je n'ai pas les "addenda" dont il est question dans l'édition Bragelonne...

Oui aussi : il faut au moins connaître un peu le "Dracula" de Bram Stoker pour apprécier ce livre. Et une grosse culture historique et livresque est nécessaire si on ne veut pas passer à côté de moult références !
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Un must have !

Les éditions du cuivre des Editions Bragelonne, c'est le mal mais c'est aussi le bien. C'est mitigé quoi. C'est le mal parce que monsieur le Banquier vous déteste cordialement après et que vous avez veau lui expliquer que ce sont les Edition du cuivre, il comprend que dalle. C'est le bien parce que cela vous fait découvrir des titres Steampunk que jamais vous n'auriez idée d'aller cherche. Parce que, franchement, on ne peut pas tout savoir. J'ai eu de sacrés pépites en piochant là dedans et je suis fière de ma petite collection. Et Anno Dracula, en plus, il a contenté monsieur le Banquier parce que je suis allée dans ma bouquinerie d'occasion préférée et là je le trouve en parfait état pour moitié moins cher. Je vous laisse imaginer la scène de couinage intensif que même mes enfants ils ont eu honte.

Et pourquoi c'est un must have ? de suite, comme ça pouf ? Tout simplement pour le speech. Imaginez le Dracula de Bram Stocker. Imaginez qu'il existe en vrai, qu'il a gagné contre Mina et les autres, qu'il est retourné à Londres et qu'il séduise la Reine Victoria en semant ses petits dans tout Londres. Arrive une série de meurtres contre des prostituées vampires par un certain Scalpel d'argent que nous connaissons tous sous le nom de Jack l'Evantreur. Et je ne vous raconte pas tous les persos de la littérature de l'époque Victorienne que vous allez croiser sinon vous ferez carrément pipi dans votre culotte.


Une intrigue extrêmement bien menée

Déjà les personnages et la présentation, j'étais réellement soufflée. Mais alors le récit qui est mené par des tas de protagonistes d'où les points de vue qui diffèrent à chaque fois. Inutile de vous dire que vous serez réellement transportés dans les mystères de la recherche de ce bon vieux Jack, que l'ambiance malsaine qui se dégage de ce Londres est suave à souhait et que vous retrouvez avec bonheur moultes personnages de littérature.

Aussi, pour les amoureux de la littérature de cette époque, pour les amoureux du monde vampirique et surtout ceux qui aiment les intrigues corsés et l'écriture soignée. Ce livre est carrément pour vous, qu'il soit en occasion ou pas (je vous rassure, il est sorti en poche et sa suite aussi). Bref, c'est un monstre à lire, littéralement.
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J'avais acheté ce roman lors de l'opération spéciale de Bragelonne à 1 euro mais ne m'étais pas encore décidée à le lire. En peaufinant ma liste pour le challenge ABC littérature de l'imaginaire 2018, je me suis dit que c'était l'occasion de le sortir de ma PAL.

Les livres et films sur les vampires sont légions et le personnage de Dracula a beaucoup inspiré l'imaginaire, si bien qu'il est difficile de trouver un roman qui sorte un peu de l'ordinaire sur ce thème. Anno Dracula a réussi à sortir lu lot en partant d'une idée simple: changer la fin de Dracula et lui donner la victoire sur van Helsing. À partir de cette idée, Kim Newman développe un univers où les vampires font partie de notre monde et ne vivent pas cachés. Anno Dracula prend appui sur le roman de Bram Stocker paru en 1897 mais s'en démarque sur bien des points.

Dracula est un roman épistolaire, le procédé narratif utilisé par Kim Newman est tout à fait différent. On a un récit avec un narrateur omniscient et quelques chapitres à la première personne. le thème du vampirisme est traité de manière plus approfondi par Kim Newman qui a fait des vampires des personnes presque communes que l'on peut croiser dans toutes les strates de la société, du noble aux prostituées. Si l'auteur a gardé certains aspects du vampirisme commun comme l'absence de reflet, il a développé le fait que les vampires peuvent créer des lignées (cela m'a un peu fait penser au jeu de rôle Vampire). En transformant un humain en vampire, le vampire lui transmet aussi ses caractéristiques et des pouvoirs particuliers: pour ceux de la lignée de Vlad Tepes, le pouvoir particulier est lié à la transformation animale. Pour d'autres lignées, il s'agira de pouvoirs liés à la prescience. Les vampires sont également fragiles au soleil, même si les vampires les plus anciens le craignent moins que les « nouveaux nés ». Bien entendu, plus un vampire est âgé, plus il a acquis de puissance.

Imaginer une fin différente au roman culte de Bram Stoker entraine aussi une Angleterre différente. Dracula avait voyagé de sa Transylvanie natale vers l'Angleterre afin d'acheter une maison à Londres. N'ayant pas été tué par van Helsing, Dracula fait le choix de rester en Angleterre et gravit facilement les échelons de la noblesse en épousant la reine Victoria, devenue une vampire elle aussi, faisant de lui le prince Consort. le premier ministre du pays est Lord Ruthven, personnage connu de la littérature puisqu'il vient d'une nouvelle de John William Polidori intitulée le Vampire et publiée en 1819. Cette nouvelle a popularisé le thème du vampire et Kim Newman lui rend ainsi hommage. Lord Ruthven dans Anno Dracula est un vampire comme beaucoup de proches de Dracula. On a ainsi un des pays les plus puissants du monde à la fin du XIX ème siècle dirigé par des vampires, ce qui ne plait pas à tout le monde. En effet, un mouvement révolutionnaire apparait et désire contrer la puissance de Dracula. Il faut dire que le prince consort agit comme bon lui semble et rend une justice à la Vlad Tepes, donc des plus expéditives, empalant à tour de bras.

J'ai parlé du vampirisme vu par l'auteur, de son univers mais pas encore de l'intrigue qui est la seule chose qui est à mon avis en dessous du reste. L'idée de départ du roman et l'univers mis en place par l'auteur sont de grandes réussites mais l'intrigue est moins convaincante, sans être mauvaise pour autant. Kim Newman explique d'ailleurs dans la postface du roman qu'il a pensé à l'intrigue en dernier dans la construction de son roman qui est surtout fondé sur le fait que Dracula ait vaincu Abraham van Helsing. L'intrigue du roman repose sur une enquête concernant les meurtres de Jack l'éventreur en 1888. Bram Stoker a d'ailleurs écrit Dracula à cette période même s'il n'a été publié que quelques années après. On retrouvait aussi cette idée de mêler les crimes de Jack l'éventreur et Dracula dans l'excellent Je suis le sang de Ludovic Lamarque et Pierre Portrait.

Les meurtres de Jack mettent à mal un pays déjà marqué par la division entre son dirigeant et le peuple, surtout que Jack ne s'en prend qu'à des prostituées vampires dans le quartier de Withechapel, le plus pauvre de la ville. L'auteur a construit son roman en dévoilant dès le départ l'identité de Jack, on comprend ses motivations peu à peu dans les chapitres racontés directement par le meurtrier. L'enquête est menée par un humain Charles Beauregard, agent secret au service de la reine et il va être amené à faire équipe avec Geneviève Dieudonné (dommage pour le nom), une vampire d'origine française et d'une lignée très ancienne, elle a été transformée en vampire avant Dracula. le roman contient de nombreux personnages mais les plus intéressants sont le duo d'enquêteurs. Geneviève est une vampire mais elle ne commet pas d'exactions, elle travaille dans un cabinet médical dans le quartier de Withechapel et aide les vampires « nouveaux nés ». Beauregard est marqué par son passé, son devoir. Ces deux personnages ne viennent pas de la littérature ni du roman d'origine.

Parmi les autres personnages, on retrouve beaucoup de références historiques et littéraires : on croise Oscar Wilde ou encore Florence, la femme de Bram Stoker, Carmilla la vampire du roman de Sheridan le Fanu, mais aussi l'inspecteur Lestrade, le docteur Moreau et le docteur Jekyll. Kim Newman a également utilisé des personnages du roman de Bram Stocker, on croise Mina Harker, femme de Johnathan Harker. Surtout, deux autres personnages ont beaucoup plus d'importance dans le récit, il s'agit de Art Holmwood alias Lord Godalming qui était fiancé à Lucy Westenra, amie de Mina et une des premières victimes de Dracula à son arrivée à Londres, et aussi du Docteur John « Jack » Seward qui dirigeait un hôpital psychiatrique et qui était amoureux de Lucy. Kim Newman utilise à très bon escient ces personnages dans son récit et les intègre parfaitement à son intrigue. Il fait preuve d'une excellente connaissance du roman de Bram Stoker et d'une grande maîtrise dans la construction de ses personnages.

L'ambiance du roman est également très réussie en mélangeant habilement uchronie, fantastique et époque victorienne. On ressent bien le climat pesant de l'époque et du lieu avec cette brume londonienne omniprésente. L'auteur a également très bien utilisé les codes des récits du XIX ème siècle sans trop en faire. Les multiples références littéraires et historiques sont très bien intégrées aux récits et contribuent à cette ambiance oppressante de la ville.

Kim Newman signe un grand roman avec Anno Dracula en partant d'une idée excellente: changer la fin d'un classique de la littérature fantastique. Il arrive à développer à partir de cette idée un univers qui lui est propre où les vampires vivent au milieu des humains et non dans l'ombre, même si la cohabitation n'est pas rose tous les jours. Son roman rend un bel hommage au Dracula de Bram Stoker et à la littérature fantastique de la même époque.
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Beaucoup de bonnes choses sont à relever dans Anno Dracula. Il est d'abord très agréable de croiser une série de personnages aux noms familiers qui appartiennent aussi bien à l'Histoire qu'à la fiction. Certains ne feront que passer, d'autres auront un rôle plus important. Nous rencontrons Jekyll, Oscar Wilde, Bernard Shaw sera parfois cité, plusieurs scènes se passent au Diogene's Club… Chaque référence est un hommage à la littérature britannique du XIXe siècle dont les livre est un héritier direct. Nous sommes invités à un jeu de metalecture qui donne souvent à l'avance les clés du récit. Mais la plupart des noms ne servent qu'au clin d'oeil pour construire un monde où les oeuvres majeures de l'époque victorienne sont réelles. L'auteur se concentre en particulier sur les protagonistes secondaires de Dracula. Newman interroge une victime directe du comte, le Docteur Seward, courtisan désabusé de Lucy.
Distrayante, l'intrigue du tueur de Whitechapel est un bon moyen de révéler les problèmes que peut rencontrer une civilisation dominée par une créature tyrannique venu d'un autre temps. Vlad Tepes veut modeler le monde à sa vision de fanatique religieux tout juste sorti du Moyen-âge, ce qui implique beaucoup d'exécutions arbitraires et une ingérence totale de la capitale. Dans ce joyeux chaos, les vampires ne sont pas plus chanceux que les humains. Comme l'auteur le souligne avec un certain cynisme, la plupart des « ressuscités » meurent bien avant d'avoir dépassé un siècle, tués par leurs semblables, affaiblis par un appétit difficile à sustenter. En effet, le sang humain est une denrée rare pour les pauvres qui n'ont pas les moyens de s'en faire livrer, quand une milice vampirique n'hésite pas à condamner les meurtres de leurs pairs. Plus que les emprunts au thriller, j'ai surtout été séduite par l'intelligence avec laquelle était dépeintes les créatures. A la fois figures pathétiques et tumeurs malgré-elles de Londres, on ne peut pas dire qu'elles inspirent l'admiration.

Le duo vampire/humain (Genevieve et Charles) qui domine le récit entretient à ce titre des rapports très intéressants, un amour passion impossible qui n'a rien de romantique. Immortelle depuis cinq siècles, Geneviève est désespérément réaliste sur l'avenir de ses sentiments. L'homme qu'elle aime finira par vieillir. Elle pourrait le transformer, mais le temps finirait par les séparer. le vampire reste condamné à sa nature d'être solitaire.
Un autre aspect abordé est la ligne fragile entre animalité et humanité au moment de la transformation. le basculement est d'autant plus rapide avec une personne qui s'est imposé trop de limites, un véritable fléau pour les dames guindées de la société victorienne.
En bref, de nombreux petits détails en amont de l'histoire principale ajoutent beaucoup de réalisme à l'univers, et montrent une réflexion très poussée de la part d'un auteur qui maîtrise parfaitement son sujet.
Si le fin mot de la série de meurtre est annoncée très rapidement, l'idée de base est amusante et une série de rebondissement parvient à nous tenir en haleine jusqu'au bout. le tout n'est pas de trouver le tueur, mais de voir comment cette catastrophe annoncée pourra bien se terminer. Certes, le final a un côté un peu brouillon, mais je n'ai pas trouvé qu'il gâche l'ensemble. Il permet simplement de refermer une chronique avant de nous plonger quelques 50 ans plus tard, dans une autre époque, pour le Baron Rouge.

Pour conclure, je ne parlerai pas d'une révélation littéraire (le style manque de rythme) mais assez de bonnes idées pour mériter la lecture des amateurs d'uchronies et de réinterprétation des mythes. La période historique dépeinte ne souffre pas de l'idéalisation un peu trop fréquente du XIXe siècle dans les roman fantasy contemporains qui s'y intéressent, une bonne nouvelle pour les blasés du steampunk. L'écriture rappelle même celle du feuilleton populaire.
Lien : http://unityeiden.fr/anno-dr..
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Ce roman est une sorte d'uchronie au roman de Bram Stoker "Dracula".
Van Helsing et sa bande n'ont pas réussi à arrêter le comte qui a donc pu faire main basse sur le royaume brittanique en épousant la reine Victoria.
C'est aussi un très bel hommage aux personnages réels ou imaginaires peuplant le XIXème siècle mais aussi aux vampires mythiques classiques et modernes. Je pense même avoir trouvé une référence à Anne Rice, car un des dandys vampires s'appelle Lioncourt.
Un très bon roman que je coneille à tous, fans de vampires ou non.
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Apparemment, certaines personnes sont déçues par ce roman car pensaient se trouver en présence d'un thriller ou d'un roman policier. ATTENTION ce n'est absolument pas le cas, d'ailleurs l'identité du criminel est connue trés vite et le propos du livre n'est ABSOLUMENT PAS de découvrir le coupable, c'est avant tout un roman fantastique à mi-chemin entre horreur et histoire doublé d'une excellente uchronie. Vous voilà prévenus ;-)

En revanche, cet ouvrage est à réserver à un public TRES AVERTI car il pourra choquer les plus jeunes.

UN COUP DE COEUR !

A l'instar des grands romans populaires du XIXème siècle, Anno Dracula est un roman décomplexé, qui, comble du délicieux ! ne se prend jamais au sérieux, ce qui favorise une lecture au second degré, et tend avant tout à divertir le lecteur. Et ça fonctionne magnifiquement bien !

Multipliant les péripéties dignes d'un feuilleton de cape et d'épées des années 60 et les scènes sanglantes d'un réalisme cru qui le rapproche du giallo, ces films d'épouvante italiens, Anno Dracula peut-être perçu comme une suite outrancière du Dracula de Stoker. Mais là où la suite « officielle » Dracula L'immortel de Dacre Stoker (arrière-petit-neveu de…comme son nom l'indique) échoue lamentablement à ressusciter le mythe de Vlad Tepes dans nos inconscients collectifs, Kim Newman réussi totalement, transcendant un sujet qu'on croyait pourtant éculé depuis longtemps ou pire voué à la redite, il confère beaucoup d'originalité, de romanesque et un gouleyant et irrésistible panache à son ouvrage.

Sous couvent de rendre hommage à Stoker et Stevenson ou d'évoquer Jack the Ripper, Newman reconstitue superbement l'ère victorienne et entremêle histoire réelle et histoire imaginaire. Il nous offre une uchronie brillante et pleine de verve (les dialogues sont particulièrement réussis) qui convoque personnages politiques, historiques, culturels ou imaginaires de l'époque victorienne et analyse sous un angle presque totalement vampirique les petits et grands événements ayant marqués l'an 1888.

Quelques personnages crées par Bram Stoker interviennent dans le récit et nous découvrons, parfois avec effarement, ce que sont devenus les héros qui ont tenté de sauver Lucy des griffes de Dracula et comment les événements passés ont influé sur le caractère du Dr Seward ou d'Arthur Goldaming. Certains, vous le constaterez, ont embrassées des destinées inattendues et c'est très intéressant de les retrouver des années plus tard et dans un autre contexte. Ils sont accompagnés de nouveaux personnages, inventés de toutes pièces (et avec brio) par Kim Newman, des petits nouveaux qui se révèlent tout aussi fascinants à suivre que les anciens personnages dans les dédales des rues de ce Londres enténébré et puant, recouvert d'un linceul de fog montant de la Tamise qui confère son atmosphère si particulière, si poisseuse et mystérieuse à ce roman. Je pense surtout à Charles Beauregard et Geneviève en disant cela, qu'on peut considérer comme le « couple vedette » du roman et que j'ai beaucoup aimé voir évoluer.

Une excellente réécriture du 19ième siècle à ne pas mettre entre toutes les mains cependant. Kim Newman ne fait pas dans la dentelle. C'est cru, violent, érotique et très sanglant (certaines scènes sont même répugnantes) mais le récit est fort heureusement allégé par beaucoup d'humour et d'ironie.

En guise de conclusion, je dirai que si vous avez aimé Dracula de Stoker, et si vous aimez les classiques en général, vous aimerez très certainement Anno Dracula de Kim Newman. Même Neil Gaiman a adoré parait-il, alors plus d'hésitations, procurez-vous ce livre au plus vite !
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Kim Newman, dandy et esthète anglais, nous livre ici son premier opus de la suite Dracula ... une suite au roman de Stocker tout en étant pas nécessairement une vraie suite ... Dracula is alive ! le postulat de départ est excellent, les idées déployées sont forcément du même acabit ! C'est un travail minutieux et puissant, un travail acharné puisqu'en outre, Newman farcit son bouquin de clins d'oeil, de référence à toute la littérature victorienne, mais aussi d'horreur, ainsi qu'aux films d'horreur célèbres ... à force de cligner des yeux d'ailleurs, on en oublie de ire le livre ... donc le lire une fois, revenir ensuite dessus et commencer à dépiauter la bête ! C'est radicalement bien écrit, documenté, fouillé, le récit est correctement monté, l'histoire formidable ... ne boudez pas votre plaisir !
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