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sur 1635 notes
Ainsi parlait Zarathoustra est un livre controversé en philosophie en raison de son manque d'accessibilité. A la différence des autres philosophes et même de ses autres ouvrages, Nietzsche au travers de Zarathoustra ne veut pas nous convaincre par ses raisonnements mais parler à notre ressenti, d'où son excès de poésie.

Zarathoustra est présenté comme un prophète, et tout prophète porte avec lui des enseignements nouveaux. Il conte le surhumain, l'homme qui s'élève parmi les autres hommes. Qui est le surhumain ? L'homme qui se connaît lui-même et, de là, qui a pu établir ses propres règles, ses propres vertus, sans qu'elles nient ce monde, la Terre, au profit d'un quelqu'autre monde qui serait une chimère. Ce surhumain doit d'abord prendre conscience de toutes ces illusions qu'on lui a fait tenir pour vrai, en particulier le bien et le mal ainsi que les indications qui en découlent : "tu dois", "tu ne dois pas". Cet homme se fait donc d'abord lion : il chasse les chimères, ces règles qui le précédent, qui sont le dragon, afin d'imposer ses propres règles.

Cependant, si l'on applique à Zarathoustra lui-même ses préceptes, on se rend compte de certaines incohérences. le surhumain se connaît lui-même, connaît ses désirs et en fait ses règles. On remarque au travers de Zarathoustra, la grande solitude dans laquelle se plonge celui qui prend conscience du caractère arbitraire des règles préétablies. Les autres hommes vivent conformément à ces règles et ne les remettent pas en cause. Ce décalage plonge donc dans une grande solitude Zarathoustra, et lui fait éprouver pour les hommes des sentiments ambivalents : un amour teinté de pitié pour ceux qui ne se sont pas encore faits lions mais également de l'envie pour ces mêmes hommes qui jouissent d'une tranquillité, voire d'un bonheur, qu'il ne peut pas - plus - connaître.
Ce rapport ambigüe que Zarathoustra entretient avec les hommes marque sa chute. Zarathoustra critique ces hommes, ignares mais heureux, et qui, en plus, prônent un détachement des plus grands plaisirs par lâcheté et jalousie des courageux (par exemple la critique chrétienne de la volupté, qui selon Nietzsche serait due au fait que les chrétiens sont trop peureux pour rechercher la volupté, mais jaloux des courageux qui y accèdent ; alors, même à ces courageux, on leur retire volupté en apposant sur celle-ci un sceau d'immoralité).

Or, Zarathoustra ne sombre-t-il lui-même pas dans les travers de ses ennemis ? de toute évidence, Zarathoustra est un prédicateur de la solitude, il demande que l'on s'éloigne des autres afin de se rapprocher de soi. Ce recentrement pourtant devrait être source de gaîté, devrait être bercé de rires et de danses ; à l'inverse de ce que commande les ascétiques. Et pourtant, Zarathoustra est dépeint comme un homme éminemment triste en raison de son détachement des hommes. Zarathoustra ne parvient pas à devenir un surhumain, tout le rapporte aux hommes qu'il le veuille ou non, et dans son avancée, ou dans son ascension, il ne peut s'empêcher de reculer, rechuter, vers ces hommes qu'il aime et méprise.

Prédiquer de vivre comme Zarathoustra, n'est-ce donc pas prédiquer une nouvelle forme d'ascétisme ? Retenons que le surhumain est conté par un prophète, comme les enseignements du Christ l'ont été, alors qu'ils sont la première cible de Nietzsche dans cet ouvrage. le surhumain, qui plus est n'a pas plus de réalité que les chimères du passé : y a-t-il seulement un surhumain pour appuyer les dires de Zarathoustra ? Un fait, une preuve ? "Soyez fidèles à la Terre", scandait Zarathoustra, mais à cela nous pouvons lui demander : "et toi Zarathoustra : lui es-tu fidèle ?"
Le surhumain peut-il seulement exister, ou n'est-il qu'une autre chimère qui exige de nouveaux sacrifices dont l'isolement ?

Loin de trouver des réponses dans cet essai, j'y ai puisé de nouveaux questionnements. Et c'est sûrement la raison pour laquelle il m'a tant fascinée. Au lieu de nous présenter par des arguments clairs ce qu'il considère comme étant vrai, Nietzsche nous livre dans cet ouvrage ses doutes et ses incertitudes ; une philosophie si frappante, à laquelle il a consacré sa vie, et pourtant dans laquelle il est le premier à perdre pied.
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C'est du lourd, ça fait des mois que je suis dessus, avec quelques pauses. du coup comme je ne prends pas de notes j'ai un peu perdu le fil.

C'est vraiment un livre très étrange, et plutôt dur à lire. 400 pages de phrases à la construction atypique. Je tiens à saluer le travail du traducteur, y'a plein de jeux de mots en allemand.

Faut s'accrocher, on s'habitue au style, ne vous laissez pas décourager.

Il est agréable de lire de la philo "non-technique", faite comme un/e poème/roman/ode et non comme un essai. C'est par endroits même très joli.

Quelques petits morceaux pour illustrer (je prends au pif en feuilletant) :

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Qui n'est pas charmé par la musicalité des phrases, par les aphorismes qui agitent dans l'esprit des images bien curieuses. Ce lyrisme puissant, enflammé, dionysien. Qui n'est pas charmé par la personnalité de Zarathoustra. Ce courage, cette sympathie, qui doit surmonter les épreuves. Ainsi parlait Zarathoustra est considéré comme le livre dont Nietzsche est le plus fier.
le lecteur rencontre immédiatement un livre « pour tous et pour personne. » Il ne faut pas voir, dans le livre de Nietzsche une ballade joyeuse, qui fredonne à nos esprits, qui nous promène sur un chemin poétique. Et par là, qui est donné à lire, pour sa simple poésie. Il faut lire avec une certaine attention de l'esprit, une certaine prudence. Après tout les « poètes ne sont que des menteurs ». Ce qu'il faut retenir, c'est que Nietzsche ne donne pas une grille de lecture au préalable. Pas de carte, pas de boussole, pas de lampe dans la forêt nietzschéenne.
L'entrée dans le livre est une entrée dans l'univers nietzschéen, dont le style est savoureux, ironique, absolument poétique.
Zarathoustra est venu annoncer le surhomme. « L'homme doit être surmonté » dit-il. On éprouve les difficultés que rencontre Zarathoustra, prophète incompris, auprès des nihilistes. le message est difficile à transmettre. le livre est parsemé d'épisodes qui tirent des leçons.
Création, dépassement du dégoût, avenir, éternel retour, zuchtung ( élévation) sont les maîtres mots du livre. Ainsi parlait Zarathoustra, s'achève sur le midi. Non, le surhomme n'est pas encore là, mais il est à préparer, ou plus précisément à venir. En fait, il nous faut paradoxalement chercher dans la modernité, qui est décadence, un tissu de valeurs affirmatives de la vie (qui sont des types d'existence, donc pratiques). C'est par l'histoire, ce grand « laboratoire » qu'il faut chercher le surhomme. Quelles valeurs produisent tel type d'homme ? Telle est la piste d'orientation. Par exemple, la morale judéo-chrétienne amène le nihiliste. Quelles valeurs amèneront le surhomme, celui qui aime la vie jusque dans son virage tragique ?
On l'aura compris, Ainsi Parlait Zarathoustra, est un souffle poétique, un vent qui désoriente la pensée traditionnelle, pour la transporter sur l'île de l'affirmation dont le murmure dit déjà un « oui ! » à la vie.
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A la lecture de ce livre on comprend mieux pourquoi les nazis l'ont pris pour modèle mais en déviant les idées de Nietzsche, notamment sur son concept de "surhomme". Nietzsche ne parlait pas de race supérieure mais la possibilité à l'homme de dépasser sa condition
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Le vaccin contre la misanthropie dédaigneuse?
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passages mythiques dans des textes très compliqués !
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Découvert Zarathoustra en écoutant Michael Lonsdale le lire, sublime. Alors je l'ai acheté, je l'ai lu, relu, laissé, repris. Encore aujourd'hui je pique dedans et me laisse emporter par la sagesse de l'ouvrage. Rares sont les oeuvres à faire autant s'interroger tout en restant sage.
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Pas que philosophe, un peu poète....
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j'aime bien la pensée philosophique
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Une lecture qui dérange... du moins ce fut le cas pour moi ; et c'est ce qui fait l'intérêt de le lire, et l'intérêt de cette critique, sûrement difficile puisque... je n'ai peut-être pas tout compris...
Cela faisait longtemps que je l'avais dans bibliothèque, et j'hésitais à l'ouvrir, en raison de ses interprétations posthumes plus ou moins sulfureuses.
Pour commencer, je dirais qu'il est -comme souvent- bien dommage que les éditeurs oublient d'afficher le sous-titre : "un livre pour tous et pour personne".
En effet, dans la forme, "Ainsi parlait Zarathoustra", se démarque radicalement d'un ouvrage de philosophie, du modèle kantien par exemple. Il se présente sous la forme d'un long poème, presque romantique -puisque "je" semble nous livrer, que dis-je, nous balancer à la figure, nous vomir ses états d'âme et sa révolte contre l'inaction et les valeurs établies. Quant à l'expression poétique, je partage le sentiment d'illustres lecteurs avant moi -Heidegger, Gide- : certains passages sont magnifiques, dans leur élévation de l'Homme et de la Volonté -me faisant penser, sur un même mode "messianique" aux poèmes d'Homère ou à Citadelle de Saint Ex- d'autres sont carrément insipides... la référence biblique est de ce point de vue réussie.
"Un livre pour tous et pour personne" en effet : personne d'autre que l'auteur, me semble-t-il , ne peut se reconnaître complètement dans ce "je", et pourtant le livre s'adresse à tous...
Non sans humour, Nietzsche nous somme en quelque sorte d'ouvrir les yeux et de suivre ses aphorismes et préceptes, qu'il met dans la bouche de Zarathoustra -que je crois finalement beaucoup plus proche du christianisme que l'auteur- , de nous laisser évangéliser par lui, de le suivre sur la voie des surhommes...
Le choix de cette approche philosophique enlevée, romancée, qui touche au coeur et au corps, à la psyché plutôt qu'à une raison aristotélicienne ou kantienne, est remarquable par son audace mais -rétrospectivement- remarquablement dangereuse aussi, le lion de Nietzsche pouvant aisément dévorer l'esprit des imbéciles se contentant de survoler le livre et croyant avoir tout compris parce qu'il leur renvoie en positif leurs propres névroses...
"Celui qui écrit en aphorismes et avec du sang, celui-là ne veut pas être lu, mais appris par coeur", est-il écrit dans le livre même.
Au final, car cet ouvrage reste bien malgré sa forme originale, un ouvrage de philosophie, est ce que Nietzsche m'a fait adhérer à ses thèses ? NON, la violence, la radicalité, la flagellation autodestructrice, jusque dans la forme, ne peut tenter l'hédoniste humaniste mâtiné de mystique que je suis, admirateur d'Aristote, Montaigne, Comte-Sponville,et du bouddhisme -dans lequel il puise rationalisme, impermanence, mais remplace le diptyque vacuité -compassion par une espèce d'exaltation de la souffrance humaine dans une ascèse personnelle et la volonté de dépassement de soi...
En revanche la radicalité comme questionnement de toute morale et recherche d'un "supplément d'âme" est intéressante... ouvrant la voie d'une forme de nihilisme, il détruit des concepts anciens, pour proposer le sien -qui me parait fragile- mais, ce faisant, a ouvert la voie à d'autres pensées plus construites, telles que l'existentialisme, le déconstructivisme et le multiculturalisme -en cousinant avec Lévi-Strauss et Freud-, jusqu'à la pensée sociologique de Bourdieu. Il ouvre une voie nouvelle de relativisation et désacralisation des dichotomies de la philosophie classique sur le bien et le mal et, ce faisant, rend mieux compte de la complexité de l'homme et du monde dans lequel il évolue.
Cependant, ces poursuites, après Nietzsche, ne me semblent pas parvenir à proposer un système qui parle à l'être, comme l'a dit Heidegger ; autrement dit -cette fois par moi-, ces approches améliorent encore la compréhension de l'homme par lui-même, mais ne l'aident pas à vivre... ce en quoi je préfère donc le retour aux anciens, tel Marcel Conche.
Bref, un lecture contournable, qui élève par ses questionnements, mais dérange, par l'abîme qu'elle ouvre sous les pieds de l'humain, ne lançant pour poursuivre qu'une passerelle bien fragile et branlante...


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