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Citations sur Biographie de la faim (201)

soudain, ma mère vit le monstre qu'elle avait enfanté, elle vit la faim en personne, avec ses yeux géants, qui exigeait un assouvissement hors norme.
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Même prévenu, le regard restait poreux. Je recevais dans l'estomac le direct de ces corps d'une maigreur inconnue, de ces mignons surgissant là où ils étaient inconcevables, de ces plaies, de ces goitres, de ces œdèmes, mais surtout de cette faim hurlée par tant d'yeux à la fois qu'aucune paupière n'eût pu empêcher de l'entendre.
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«Trop sucré»: l'expression me paraît aussi absurde que « trop beau » ou « trop amoureux ». II n'existe pas de choses trop belles: il n'existe que des perceptions dont la faim de beauté est médiocre. Et qu'on ne vienne pas me parler non plus de baroque opposé au classique: ceux qui ne voient pas la surabondance qui éclate au cœur même du sens de la mesure ont de pauvres perceptions.
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Etait-ce parce que j'avais treize ans et demi, l'âge où les besoins alimentaires sont les plus démentiels ? La faim fut lente à mourir au creux de mon ventre. Son agonie dura deux mois qui me parurent un long supplice. La mémoire fut autrement facile à mettre au pas.
Après deux mois de douleur, le miracle eut enfin lieu : la faim disparut, laissant place à une joie torrentielle. J'avais tué mon corps. Je le vécus comme une victoire époustouflante
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Jamais était le pays que j'habitais. C'était un pays sans retour. Je ne l'aimais pas. [...] Jamais m'avait désignée : j'étais ressortissante du pays de jamais.
Les habitants de jamais n'ont pas d'espoir. La langue qu'ils parlent est la nostalgie. Leur monnaie est le temps qui passe : ils sont incapables d'en mettre de côté et leur vie se dilapide en direction d'un gouffre qui s'appelle la mort et qui est la capitale de leur pays.
Les jamaisiens sont de grands bâtisseurs d'amours, d'amitiés, d'écritures, et autres édifices déchirants qui contiennent déjà leur ruine, mais ils sont incapables de construire une maison, une demeure, ou même quoi que ce soit qui ressemble à un logis stable et habitable. Rien, pourtant, ne leur parait aussi digne de convoitise qu'un tas de pierres qui serait leur domicile.
[...]
Les jamaisiens savent à l'âge de trois ans ce que les gens des autres pays savent à peine à soixante-trois ans.
Il ne faudrait pas en déduire que les jamaisiens sont tristes. C'est le contraire : il n'y a pas de peuple plus joyeux. Les moindres miettes de grâce les plongent dans l'ébriété. Leur propension à rire, à se réjouir et à s'éblouir est sans exemple. La mort les hante si fort qu'ils ont de la vie un appétit délirant.
[...]
Le symbole qui fleurit leur blason est la jusquiame.
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Au fond de mon néant hormonal, ne régnait que le chaos. La nuit, je me relevais pour aller dans la cuisine me battre contre des ananas : j'avais remarqué que l'excès de fruit me faisait saigner les gencives et j'avais besoin de ce combat au corps à corps
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Je ne mourus pas. J’aurais préféré mourir : les souffrances de la guérison furent inhumaines. La voix de haine que l’anorexie avait chloroformée pendant deux ans se réveilla et m’insulta comme jamais.
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Ceux qui évoquent la richesse spirituelle des ascètes mériteraient de souffrir d’anorexie. Il n’est pas meilleure école du matérialisme pur et dur que le jeûne prolongé. Au-delà d’une certaine limite, ce que l’on prend pour l’âme s’étiole jusqu’à disparaître.
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« Trop sucré » : l’expression me parait aussi absurde que « trop beau » ou « trop amoureux ». Il n’existe pas de choses trop belles : il n’existe que des perceptions dont la faim de beauté est médiocre.
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Les êtres nés rassasiés –il y en a beaucoup- ne connaîtront jamais cette angoisse permanente, cette attente active, cette fébrilité, cette misère qui éveille jour et nuit. L’homme se construit à partir de ce qu’il a connu au cours des premiers mois de sa vie : s’il n’a pas éprouvé la faim, il sera l’un de ces étranges élus, ou de ces étranges damnés, qui n’édifieront pas leur existence autour du manque.
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