Encore un roman de
Naomi Novik que j'aurai dévoré, pleine d'une hâte enthousiaste … Après
Déracinée, nous plongeons (à nouveau) dans l'Europe de l'est, où la magie se mêle au monde réel. C'est comme si deux univers cohabitaient, puis coïncidaient. Par ailleurs, nous suivons principalement l'histoire de trois héroïnes qui, elles aussi, finissent par se croiser, se côtoyer voire se superposer lorsqu'elles se retrouvent en même temps dans une maisonnette qui existe dans différents plans, différentes réalités, ce qui m'a beaucoup plu.
J'ai particulièrement accroché au fait que nous suivions trois héroïnes (et non héros), possédant chacune leurs faiblesses et leurs qualités ; toutes trois prennent les rênes de leur vie, comme elles le peuvent tout d'abord, avec plus d'assurance ensuite.
- La première, Myriem, se décide à prendre le relais de son père qui, par une trop grande bonté d'âme, ne parvient pas à subvenir aux besoins de la famille. Elle le remplace donc en tant que prêteuse, et sa mère déplore le fait que son coeur s'endurcisse, devienne plus froid. Cela fait habilement le lien avec les Staryk, peuple de glace redouté des villageois pour ses pillages et dont elle sera contrainte d'épouser le roi – lui-même n'étant pas très chaud à l'idée, mais il a besoin de son talent de prêteuse : changer l'argent en or…
- La deuxième, Irina, est au départ un simple instrument de pouvoir : son père la marie à Mirnatius, le Tsar, et pense avoir réussi ce coup d'éclat par des machinations ; or, c'est pour une toute autre raison que Mirnatius l'épouse, ce qui donne d'emblée une certaine complexité à Irina. Loin d'être fade, elle est réfléchie, non sans peur mais opiniâtre ; elle sait le danger de l'avidité et, bien avisée, elle reste raisonnable tout en exigeant ce qui lui est dû.
- La troisième, Wanda, cherche à fuir son foyer (qui n'en porte que le nom) et surtout son père violent et alcoolique. Elle veut gagner son indépendance dès le départ, et refuse de se marier – heu, pardon, d'être vendue. Elle qui ne se sentait pas à sa place reconstruit peu à peu sa famille de sang puis de coeur ; elle gagne en autonomie au fur et à mesure qu'elle apprend les chiffres et les lettres. C'est un personnage sur lequel on peut compter tout au long de son évolution.
En ce qui concerne les personnages "malfaisants", le fait qu'ils possèdent plusieurs facettes les rend immédiatement plus intéressants. Les « méchants pour être méchant » me lassent vite.
Je ne vais pas développer l'intrigue (je vous laisse découvrir et trépigner), mais je dois également commenter la fin.
le roman se termine bien et, comme dans les contes, nous arrivons au point fatal – heu, final – de l'histoire : le mariage.
MAIS. le mariage n'est pas vu ici comme le but de l'héroïne, ni comme son accomplissement en tant que femme (ouf).
- Irina et le Tsar restent mariés, MAIS d'une part celui-ci lui est redevable, d'autre part il la trouve dorénavant belle pour ce qu'elle est et non pour sa seule apparence, qui de prime abord n'a rien d'extraordinaire – et tant mieux ! En outre, Irina a toutes les qualités pour être au pouvoir, contrairement à lui, clairement.
- le roi Staryk promet de laisser Myriem partir librement au terme de leur accord MAIS celle-ci accepte d'épouser cette fois-ci de son plein gré cet « homme » dont on ne saura jamais le nom. Cela devient son secret, ce qui montre bien – comme quiconque possède le nom des choses – qu'il est à elle. Et c'est à lui, dorénavant, de s'adapter à ses coutumes religieuses et familiales.
- Quant à Wanda,… pas de mariage à l'horizon ! Et ça, c'est chouette aussi.
Je dois avouer que j'aurais aimé une suite - plus politique peut-être, autour d'Irina, mais également dans le royaume de glace qui n'a été qu'effleuré et qui m'a pourtant m'a fait rêver. Qui sait...