AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,63

sur 183 notes
Brume londonienne, époque victorienne, humeurs diluviennes et sexualités incertaines.
Ce n'est pas un voyage aux Seychelles que nous offre l'écrivain Joseph O'Connor, frère ainé de la chanteuse Sinead O'Connor ( « Nothing compares » : évocation pour que vous ayez cette chanson dans la tête toute la journée. Ne me remerciez pas).
Pourtant, je ne regrette pas cette sombre ballade en parapluie, enchanté de faire la connaissance de cet univers gothique au style baroque.
Le roman s'inspire d'une histoire vraie et fait suite à une pièce radiophonique créée par l'auteur il y a quelques années.
Trois illustres personnages ramènent à la vie un théâtre abandonné en 1878 : l'acteur anglais Henry Irving, aussi shakespearien que capricieux, sa plus que partenaire Ellen Terry, Sarah Bernhardt des planches anglaises, et l'irlandais Bram Stocker, futur auteur aux dents longues de Dracula mais à la postérité post mortem, administrateur dévoué du Lyceum Theatre.
Les relations entre ces monstres sacrés sont aussi passionnées que troubles et tempétueuses. Dans un Londres terrorisé par les crimes de Jack l'Eventreur, dans des moeurs troublés par le procès d'Oscar Wilde, le roman s'attache à décrire les méandres les plus sombres de la création littéraire et théâtrale. Par sa capacité à envouter les spectateurs et à vampiriser ses proches, Irving apparait comme une source d'inspiration pour Bram Stocker dans la maturation du personnage de Dracula.
Habilement, le récit est structuré de la même façon que le chef d'oeuvre dentaire et couronné de Stocker, témoignages et commentaires se succèdent sans altérer la puissance romanesque de l'histoire.
Si j'ajoute que le théâtre est hanté, que les dialogues sont flamboyants, que l'auteur parvient à débusquer la source mystérieuse de l'inspiration et que les autres personnages du roman, et notamment l'épouse de Bram Stocker ne sont pas que des éléments figés du décor, tous les ingrédients sont réunis pour garantir un roman gothique de haute tenue. Dracula oblige, il s'agit ici d'une littérature bien carnée où les convives utilisent tous les couverts. Pas de gore au programme mais gare aux végans et autres mangeurs de tofu à l'ail qui peuvent s'abstenir.
Fermons ce bal démasqué avec l'ombre de l'auteur, Carine Chichereau. Ayant fait Brexit première langue, je ne peux que saluer la prose de cette traductrice dont le travail ici constitue un écho magnifiant la traversée de la Manche.
Je vais peut-être laisser ma veilleuse allumée cette nuit.
Commenter  J’apprécie          867
En 1878 à Londres, le grand tragédien Henry Irving reprend le Lyceum Theatre, alors en piteux état. Il en confie l'administration à celui qui deviendra son bras droit, Bram Stoker, futur auteur de Dracula, et engage dans sa troupe la plus célèbre actrice anglaise de l'époque, Ellen Terry. le trio, bientôt inséparable, s'acharne à redresser l'établissement et s'achemine peu à peu vers une réussite suffisamment retentissante pour s'exporter outre-atlantique. Bram Stoker désespère toutefois de rencontrer un jour le succès littéraire…


Loin de la biographie linéaire, ce récit foisonnant ressuscite ses personnages historiques avec le plus grand naturel, recréant la chair et l'émotion autour du squelette des faits réels, dans une évocation d'autant plus crédible qu'elle nous baigne en même temps dans une magistrale restitution du Londres victorien. L'ambiance du roman est ainsi particulièrement prégnante, tant celle, brumeuse et polluée, de la capitale anglaise, pas tout à fait aussi scandalisée du procès d'Oscar Wilde que terrifiée par l'ombre de Jack l'Eventreur, que celle, effervescente et passionnée, d'un théâtre de la fin du XIXe siècle aux mains de personnalités explosives aux égos démesurés.


Au fur et à mesure du parcours des trois protagonistes principaux, entre doute et ambition, ombre et lumière, le texte prend une teinte de plus en plus mélancolique pour le lecteur témoin de leur ascension puis de leur vieillissement, et, globalement, du curieux cheminement qu'emprunte parfois la gloire, tantôt capricieuse, tantôt généreuse, souvent inaccessible et même ironiquement tardive, lorsque, posthume, elle vient couronner un homme finalement convaincu de son insignifiance et mort dans un hospice pour indigents.


Fresque historique, histoire d'amour et d'amitié, récit gothique et odyssée autour du mystère de la création, ce roman aux multiples facettes tient l'intérêt éveillé de bout en bout. Il réussit à émouvoir quant au dépassement de la finitude humaine par l'immortalité de l'oeuvre passée à la postérité.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          744
Un théâtre à Londres, au temps de Jack l'Éventreur, fin XIXème, un théâtre hanté qui plus est, ça promet du frisson, de belles et fortes émotions, non? Et le trio des personnages de Joseph O'Connor a de quoi faire vibrer: le papa de Dracula, Bram Stoker, administrateur du Lyceum Theater; le flamboyant et immense acteur shakespearien, Henry Irving, qui aurait inspiré à Bram son vampire; et la belle et très populaire comédienne Ellen Terry, «qui dégage une magie qui semble dangereuse, venue d'un autre monde». Avec en prime une apparition d'Oscar Wilde.
Malheureusement, l'écriture reste un peu sage pour des personnages qui auraient mérité plus de souffle, quelque chose de plus débridé, de plus audacieux, des ombres plus profondes. C'est intéressant, mais j'ai eu comme la sensation que Joseph O'Connor avait appuyé par mégarde sur une pédale qui étouffe le son, met tout en sourdine, empêche la musique d'éclater.
Bref, un gros potentiel, mais ça reste un peu timoré, ça ne m'a pas complètement emballée.
Commenter  J’apprécie          517
Avant toute chose, je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Rivages pour cet envoi dans le cadre de l'opération masse critique.
Le bal des ombres est un livre plein d'émotions, de passion, de colère, d'amitié, de tristesse, de cris, d'amour, de débordements en tout genre.
L'auteur nous raconte la vie de Bram Stoker, qui avant d'écrire son célèbre « Dracula », fut l'administrateur du théâtre Lyceum pendant plus d'une vingtaine d'années, mais aussi de Henry Irving et de Ellen Terry, deux acteurs du siècle dernier, tous trois étant amis dans la vie.

Les ombres du titre ce sont à la fois les personnages de théâtre incarnés sur scène pendant des dizaines d'années par Henry Irving et Ellen Terry, mais aussi les personnages des romans de Bram Stoker, qu'on voit littéralement prendre vie sous nos yeux au cours de ce récit.
On pourrait y voir aussi tous ceux qu'on côtoie, qu'on les aime ou qu'on les déteste au cours d'une vie, des ombres parfois furtives mais qui nous marquent pour longtemps.

On se délecte à voyager en train de nuit en compagnie de Bram Stoker, à savourer un verre de champagne avec Oscar Wilde dans les coulisses bondées du théâtre, on rit de la jalousie d'Henry Irving à l'égard de George Bernard Shaw, on se sent mal à l'aise en arpentant les ruelles sombres de Whitechapel alors que des malheureuses se font sauvagement assassiner, on boit, on mange, on rit, on tombe amoureux, on devient jaloux, envieux, aigri avec chacun des protagonistes.

Cette plongée à la fois dans l'univers du théâtre et dans une époque, Londres à la fin du XIXème siècle, m'a beaucoup plu.
Cette immersion dans les coulisses d'un théâtre et dans la vie d'un écrivain a été passionnante, on voit comment le processus de création prend forme, sublime la vie mais peut aussi parfois la détruire.
Commenter  J’apprécie          510
Est-ce un destin si flatteur que de créer une oeuvre plus grande que soi ? Dracula est une star, mais qui peut citer spontanément le nom de son créateur ? Et voilà que Bram Stocker devient lui-même un héros de papier, mais c'est au bal des ombres qu'il danse.
Le maître de cérémonie s'appelle Henry Irving. Si duchesses et forts des halles se pâment pareillement quand il joue Shakespeare, ils ne suffisent pas à la gloire d'Irving, bien décidé à hisser sa propre vie au rang d'oeuvre d'art, hâbleur, emphatique et blessant – mordant serait plus juste, puisqu'il fut sans doute le modèle du comte des Carpates.
Ombre parmi les ombres, Stocker à la remorque du grand acteur, ignore encore que la créature qu'il lui inspirera l'enfoncera un peu plus encore dans l'anonymat. Mais les comédiens aussi, incapables de quitter la scène, s'inquiètent de ne pas avoir d'autre visage que les masques portés au théâtre. Furtives, les amours homosexuelles se cachent dans des clubs clandestins et des mariages précipités se nouent après l'arrestation d'Oscar Wilde. Et au coeur du brouillard londonien se tapit une bête immonde et sans visage qui saigne ses victimes : l'éventreur.
Roman de l'emprise, « le Bal des ombres » est aussi le roman des identités diluées : Stocker ne possèdera jamais Irving, ni Ellen Terry, l'amie qui ne sera jamais maîtresse, mais Irving pas davantage n'est maître de lui. Et le lecteur fasciné assiste à ce long jeu de dupes où alternent dialogues désopilants et descriptions lyriques, évocations brillantes, lettres et journaux, narration semblable à un miroir brisé et qui reprend d'ailleurs ce procédé de « Dracula », roman lui-même hybride – comment pourrait-il en être autrement dès lors qu'il décrit une créature hétéroclite, ni vraiment morte, ni très sûre d'être vivante ?
« Je me nourris des autres » dit l'acteur. Ou le vampire.
« L'authenticité, je m'en bats les fesses » dit l'acteur. Et le lecteur de battre des mains, ravi.
Commenter  J’apprécie          390
Dans le Bal des ombres, Joseph O'Connor met en scène trois personnages célèbres. Plus exactement deux personnages immensément célèbres à leur époque, celle de la reine Victoria et de Jack l'Éventreur : l'acteur Henry Irving et l'actrice Ellen Terry. À ces deux monstres sacrés des scènes londoniennes s'ajoute un troisième personnage, bien obscur de son vivant, l'administrateur du théâtre Lyceum pendant vingt ans, à savoir Bram Stocker, aujourd'hui dans toutes les mémoires grâce à son Dracula. Ce sont trois amis (plus que des amis, peut-être) qui s'aiment et se déchirent, qui s'amusent (parfois) et qui souffrent (souvent). D'autres personnages célèbres traversent leur vie ou s'y attardent un moment (Oscar Wilde, Walt Whitman, G. B. Shaw, etc.) dans un Londres gothique terrorisé par Jack l'éventreur et où on rencontre au moins un fantôme ; c'est une ville où existent des bars réservés aux hommes, d'autres aux gentlemen, mais quel que soit leur statut social, les uns et les autres attendent la nuit pour s'y rendre aussi discrètement que possible.
***
Les relations des personnages, comme d'ailleurs l'intrigue, sont passionnantes, mais ce qui m'a vraiment plu dans ce roman, c'est sa construction, la pluralité des voix et des techniques narratives ainsi que l'humour omniprésent, dans les moments tendres comme dans les plus dramatiques. Divisé en trois actes (c'est normal : la plus grande partie du roman se situe dans un théâtre) et une coda, le roman commence par une lettre de Bram à Ellen. Elle a décidé d'écrire ses mémoires, et Bram accepte de lui transmettre divers documents pour l'y aider. Il ne lui reste presque rien, lui explique-t-il, mais il va lui donner les pages d'un journal, une liasse de notes travaillées pour en faire un roman ou une pièce de théâtre, une retranscription d'un entretien avec un journaliste ; la plus grande partie des textes sont en sténo, des passages partiellement codés, certains achevés, d'autres non ; il y parle de lui à la première ou à la troisième personne. Pas d'inquiétude ! tous ces éléments magnifiquement utilisés personnalisent et enrichissent le récit pour le plus grand plaisir de la lectrice admirative que je suis. le roman aborde diverses anecdotes sur la vie quotidienne d'un théâtre à cette époque, mais aussi la vie londonienne dans différents milieux sociaux. On visitera même un asile psychiatrique dont un des pensionnaires fera une grosse impression sur Bram Stocker… L'humour se glisse partout, jusque dans les titres de chapitres parfois. Ironique, cynique, cruel, il s'exerce aux dépens de tous, souvent comme une pirouette pour échapper à l'émotion. C'est un régal de lecture que je recommande chaudement !
Commenter  J’apprécie          280
Je ne sais même pas par où commencer pour vous parler de ce Bal des Ombres, tellement cette lecture m'a enthousiasmée. Fiction historique sur la vie de Bram Stoker, l'auteur de Dracula, c'est un chef d'oeuvre absolu. Joseph O'Connor réussit le tour de force de nous immerger à la fois dans l'époque, dans la vie de Bram et de ses proches, mais aussi dans son oeuvre.

Bram Stoker est né en 1847 à Clontarf, au nord de Dublin. Après ses études il devient fonctionnaire dans la capitale irlandaise. Il est féru de théâtre et à l'étroit dans sa vie à Dublin, il écrit, il aspire à autre chose. Il a toujours aspiré à autre chose. Un soir il rencontre Henry Irving, le comédien le plus talentueux de son époque, et sa vie bascule : il est engagé comme administrateur du Lyceum, le théâtre Londonien qu'Irving vient d'acheter.

La narration est incroyablement habile. Quelques lettres, un journal en partie rédigé, des passages retranscrits de la sténo, on bascule du roman au théâtre, ce roman est presque construit comme le Dracula de Bram Stoker. Une fiction dans la fiction, pistes brouillées, où se situe donc la réalité ?

On vit avec le Lyceum, de la scène où se jouent Shakespeare ou Dr Jekyll et Mr Hyde aux coulisses où quatre-vingt-sept personnes travaillent, cousent, peignent, en passant par le grenier où Bram écrit. Henry Irving prend vie devant nos yeux, génial, flamboyant et odieux ; assez vite on le devine source d'inspiration pour un certain Comte… le roman est truffé de références, d'allusions, de clins d'oeil à l'oeuvre de Bram Stoker ; c'est proprement jubilatoire. On apprend aussi à connaitre l'actrice Ellen Terry, on croise Oscar Wilde, dans les rues de Londres sévit Jack l'éventreur, l'époque est au spiritisme. On s'attache à Bram Stoker, massif, barbu, secret, dévoué au Lyceum et à Irving, hanté par l'écriture, et qui n'arrive pas à percer. J'ai trouvé touchante la démarche du livre, faire sortir Bram Stoker de l'ombre de son oeuvre.

C'est un roman sensationnel, profond, foisonnant, passionnant – saviez-vous qu'à l'époque les droits d'auteur n'existaient pas vraiment pour les livres ? Pour qu'un texte en bénéficie, il fallait qu'il ait été joué au moins une fois au théâtre, et qu'un billet ait été vendu. Les personnages sont incarnés, l'écriture forte et vivante – et la traduction lumineuse. Et cet humour ! Heureusement, le roman fait 450 pages, on a le temps de le savourer, je suis pourtant triste de l'avoir terminé. Si je m'écoutais, je vous en copierais des passages entiers.

Je vous recommande le bal des ombres avec entrain, vous l'aurez compris !
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
Commenter  J’apprécie          270
Cet ouvrage fut… un délice. Je ressors de ce livre émue et emplie d'empathie pour le trio infernal Irving/Stoker/Terry qui nous amènent dans un Londres Victorien nébuleux mais tout autant flamboyant !
Un Londres entre renouveau théâtral, histoires de fantômes, amitiés et amour où l'on peut croiser au détour d'une ruelle Jack l'Éventreur, la reine Victoria ou encore le grand Oscar Wilde.
Entre dialogues flamboyants et oeuvre romanesque, on ne peut que s'accrocher au futur auteur de Dracula, hanté, passionné, dévoué, Mr Bram Stoker ; au plus grand acteur de son époque, monstre sacré et forte personnalité, Mr Henry Irving et à la belle et talentueuse actrice, Mme Hellen Terry.

Cet ouvrage est une machine à remonter le temps et on a énormément de mal à décrocher de ce Londres splendide et décadent !
Commenter  J’apprécie          213
J'avoue, je me suis absolument régalé à la lecture de ce roman historique qui nous plonge dans le Londres de l'époque victorienne, avec d'un côté les premiers prodiges permis par l'électricité et de l'autre les rues mal famées et peu éclairées où sévit l'abominable et insaisissable Jack l'éventreur. le personne principal du roman n'est autre que Bram Stocker moins connu du grand public que sa créature littéraire, le comte Dracula. Hélas pour lui, son vampire ne deviendra célèbre que plusieurs années après sa mort, lorsque le cinéaste allemand Friedrich Murnau en fera une adaptation avec le film muet "Nosferatu le vampire" et que Florence Stoker, la veuve de Bram, se battra (avec succès) pour qu'on reconnaisse ses droits d'auteur sur le scénario.

Sans les bénéfices de cette gloire posthume, Bram, passionné de théâtre, compagnon d'études d'Oscar Wilde au Trinity College de Dublin, trouva un emploi comme administrateur du théâtre londonien du Lyceum, sous les ordres tyranniques de son directeur Henry Irving, un très grand acteur de cette époque, particulièrement renommé dans le répertoire élisabéthain. Un troisième personnage historique, en la personne de la resplendissante comédienne Ellen Terry, viendra compléter la "distribution" des premiers rôles du roman.

Joseph O'Connor, romancier irlandais, se révèle un guide incomparable pour nous faire revivre cette odyssée du Lyceum, théâtre du coeur de Londres qui connu heures somptueuses et périodes de déclin, mais qui est toujours en activité aujourd'hui. Bram, Henry et Ellen, aux identités sexuelles fluctuantes, forment un trio époustouflant de vérité et de sensibilité. L'auteur a le talent de nous faire partager leurs rêves comme leurs ambiguïtés, leurs joies comme leurs désespoirs. La fin du roman, quand le temps a fait son oeuvre et marqué les vies, est particulièrement poignante et vient parachever ce roman épatant.
Commenter  J’apprécie          192
Je n'avais encore jamais lu Joseph O'Connor, grave lacune. La superbe couverture de ce roman avait attiré mon regard, le thème et le décor - le monde du théâtre dans l'Angleterre victorienne - ont achevé de me convaincre. L'ensemble m'a offert quelques heures enchanteresses, loin des actualités dopées au virus, dans les brouillards londoniens et les taffetas des rideaux de scène. Prise par l'atmosphère, par la langue qui ondule et se transforme au gré des supports utilisés par l'auteur (lettres, articles de journaux, récits...) pour nous transporter dans le temps. Celui de Bram Stoker, Henry Irving et Ellen Terry.

Tous trois ont bien existé. Henry Irving fut un grand acteur qui racheta et relança le Théâtre du Lycéum à Londres, Ellen Terry une célèbre actrice et Bram Stoker, l'auteur de Dracula qui ne connut malheureusement jamais le succès de son vivant. Joseph O'Connor les fait donc revivre, ces trois êtres réunis dans un même élan artistique par une amitié singulière, non exempte de jalousies ni de tourments mais sublimée par l'amour de l'art et une certaine fascination pour ceux qui le font vivre. le procédé utilisé est intéressant. le roman est constitué par des documents réunis par Bram Stoker et adressés à Ellen Terry en 1908, des articles de presse, des morceaux de journaux intimes, des lettres qui concernent tous la grande aventure d'Henry Irving dans les années 1870 lorsqu'il décide de relancer le Lycéum alors totalement à l'abandon. le récit se fait beaucoup par la voix de Bram Stoker, jeune homme aux ambitions littéraires déçues qui n'hésite pas à quitter l'Irlande et à suivre Irving sur un coup de tête (de foudre ?), devenant le manager/régisseur/financier/homme à tout faire du théâtre. Fasciné par Henry Irving, sous le charme d'Ellen Terry qui rejoint la troupe, complètement immergé dans son travail il en délaisse sa femme et son fils qui, bizarrement ne lui en voudront jamais réellement. Sans abandonner pour autant son secret espoir d'arriver à produire une oeuvre littéraire.

Si l'on plonge avec tant de plaisir dans l'aventure c'est bien sûr grâce à l'atmosphère de ce Londres artistique et intellectuel où l'on croise Oscar Wilde ou George Bernard Shaw mais également - et beaucoup pour ce qui me concerne - par la grâce de la galerie de personnages auxquels l'auteur prête des personnalités bien affirmées et tout sauf banales. A commencer par les personnages féminins. Florence, la femme de Stoker bien décidée à ne pas rester dans l'ombre de son mari et très investie dans l'idée de faire imposer la notion de droits d'auteur ; Ellen, dont le mode de vie s'écarte obstinément des standards imposés aux femmes. D'ailleurs, dans ce joyeux melting-pot que représente une troupe de théâtre, les apparences sont trompeuses et les travestissements de mise, ce qui rend certaines relations ambiguës et tend à renverser les genres. C'est cette matière vivante que nous offre Joseph O'Connor, au gré des représentations qui envahissent la scène du Lycéum, de Hamlet à Dr Jekyll et Mr Hyde. Au gré des tournées américaines au cours desquelles les amitiés se nouent. Cette matière qui imprègne Bram Stoker, l'entraîne sur la piste de celui qui hante les rues de Whitechapel et que l'on ne tarde pas à appeler Jack L'éventreur. Cette matière qui le nourrit, l'inspire tandis qu'il se réfugie dès que possible dans les greniers du théâtre (hantés, bien sûr) pour écrire...

Un vrai tourbillon qui propose d'explorer les arcanes d'une amitié ambiguë, chaotique, passionnelle et surtout créatrice et inspirante. Qui nous emporte dans les coulisses de la création et nous immerge par la force d'un récit non linéaire à l'atmosphère captivante. Je me suis régalée !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          190




Lecteurs (535) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}