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sur 1026 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lorsque sa soeur jumelle tombe malade ce jour de 1596, Hamnet, onze ans, cherche désespérément du secours. Sa mère Agnes est partie cueillir des herbes médicinales dans la campagne qui avoisine leur petite ville de Stratford, et son père, comme toujours, est à Londres pour son travail. Tous ignorent encore que la peste bubonique vient de décimer l'équipage d'un navire fraîchement arrivé dans la capitale…


Cette famille a pour patronyme Shakespeare. Dans quatre ans, le père écrira Hamlet. Hamnet, Hamlet : Maggie O'Farrell s'inspire des spéculations qui établissent un lien entre la célèbre pièce de théâtre, et l'enfant mort à onze ans de ce qui aurait pu être la peste. Elle a imaginé son roman dans l'ombre du grand dramaturge, perçu ici sous l'angle du fils, du mari et du père, rôles qui occultent même jusqu'à la seule mention de son prénom. Ce sont donc les proches, ceux dont l'Histoire n'a rien retenu, qui occupent ici le premier plan, au travers de personnages fouillés et crédibles, en tête desquels Agnes.


Cette paysanne illettrée, que son caractère entier et instinctif, associé à ses talents de guérisseuse, marginalise aux yeux de sa belle-famille confortablement établie parmi les notables de sa ville, sentira peu à peu son époux lui échapper, happé par les mystérieuses activités londoniennes qui le tiennent éloigné de son foyer. La mort de son fils, vers laquelle convergent les trois premiers quarts du roman, au rythme d'allers et retours entre passé et présent qui renforcent la perception de la cruelle inéluctabilité du destin, ouvre une dernière partie entièrement consacrée au déchirement de la perte et à l'impossibilité du deuil, thèmes récurrents chez Maggie O'Farrell.


C'est avec intérêt et plaisir que l'on se laisse séduire par cette immersion historique, globalement crédible malgré l'impression donnée d'un cas de peste bizarrement isolé, dans une petite ville par ailleurs curieusement indifférente. Mais, au travers de cette histoire, librement imaginée à partir de quelques faits et personnages réels du XVIe siècle, ce sont finalement des thématiques très universelles et parfaitement contemporaines que Maggie O'Farrell explore avec émotion et poésie : l'amour, la séparation, et surtout, le deuil impossible d'un enfant.

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En apprenant que Shakespeare avait eu un enfant prénommé Hamnet, soit l'équivalent d'Hamlet, mort quelques années avant l'écriture de sa pièce la plus célèbre, Maggie O'Farrell a voulu comprendre le mystère de cette double filiation, par le sang et par la dramaturgie.
Quelles que soient les qualités de cette oeuvre puissante, j'ai eu du mal à comprendre les intentions de l'auteur.
S'il s'agit d'écrire sur le deuil qui peut détruire une famille, convoquer Shakespeare n'apporte rien au récit, quand bien même l'évocation de l'Angleterre élisabéthaine y est passionnante.
S'il s'agit de comprendre par quelle alchimie l'art peut sublimer le réel, le roman me semble doublement raté.
En effet, Maggie O'Farrell imagine comment le héros Shakespearien, qui a peu ou prou l'âge qu'aurait l'enfant s'il avait vécu, permet au couple de ressusciter leur fils et d'atténuer leur souffrance. le père joue le fantôme du roi assassiné et, en contrefaisant le mort sur scène, il rétablit l'équilibre et redonne la vie à son fils. Mais le roman regorge déjà d'échappées vers le surnaturel et de pactes avec le destin. La représentation théâtrale n'est qu'un prodige parmi d'autres; la littérature fait un peu mieux que la sorcellerie, mais à peine. L'art ne sublime pas le réel, et le roman suggère même que si vous êtes une femme, donc un peu sorcière, vous pouvez vous en passer.
D'autre part, la résurrection du mort par le personnage qui porte son nom fait fi des problèmes que cela pose. Parce que seul le début de la pièce est pris en compte. Quand, dans le roman, le père arrive enfin chez lui, après avoir appris l'agonie de son enfant, la scène est ainsi écrite :
« Un spectre, un fantôme se trouve à la porte. Mais pour frapper qui ?
De nouveau, les coups : sourds, secs. Si forts que la porte tremble sur ses gonds.
« Qui est là ? » demande Agnes d'une voix plus assurée qu'elle ne l'aurait cru.
La poignée bouge, la porte s'ouvre d'un coup et apparaît soudain, là sous ses yeux, son mari, qui s'avance sous le linteau, ses habits et ses cheveux trempés, assombris par la pluie, des mèches collées sur ses joues. Son visage livide est celui d'un homme qui n'a pas dormi, que le manque de sommeil a rendu fou. »
L'irruption du père annonce ainsi le début de la pièce et l'arrivée du spectre. Maggie O'Farrell, on l'a vu, joue sur l'inversion des rôles: le père sera mort sur scène pour permettre à son fils de revenir à la vie. Ok. Mais la suite de la pièce est passée sous silence alors que c'est là que loge le mystère. Parce que c'est quand même une pièce sur un fils convaincu que sa mère couche en toute conscience avec l'assassin de son père! Et qui la traite expressément de catin. Que Maggie O'Farrell fasse l'impasse sur l'histoire d'Hamlet me sidère. Pourquoi Shakespeare a-t-il choisi de donner, non pas à un adolescent vertueux, mais à son anti-héros procrastinateur et désespéré le prénom de son fils décédé, ce n'est pas dans ce roman qu'on trouvera la réponse…
Si on veut vraiment comprendre ce que peut la littérature quand on vient de perdre un enfant, c'est vers Molière qu'il faut se tourner. Dans « Le Malade imaginaire », acte II, scène 8, intervient pour la seule fois de la pièce une petite fille. Elle a 8 ans, c'est la fille de deux comédiens de la troupe. Jamais le théâtre classique ne fait monter des enfants sur scène. Et la scène n'est pas indispensable : Argan a besoin de savoir si sa fille aînée a bien reçu son galant, il pourrait l'apprendre de toute autre façon. Oui mais le 3° enfant de Molière est mort 4 mois avant la représentation. Quand Louison est menacée du fouet par Argan pour avoir menti, elle fait semblant d'être morte. Et Argan, amusé, joue le jeu: « ma pauvre fille est morte. » Louison, rassurée sur son sort, se relève alors: « Là, là, mon papa, ne pleurez point tant; je ne suis pas morte tout à fait. »
Quand son enfant est mort, Molière a fermé son théâtre une seule soirée. Deuil ou pas, il a une troupe qui compte sur lui pour gagner sa vie. Alors Molière a écrit une scène adorable où il peut à la fois attendrir les spectateurs et pleurer son fils. Quant à la dernière réplique, elle me noue la gorge à chaque fois que je la relis. Louison vient de partir après s'être insurgée de ce qu'on pût croire qu'elle mentait, et Argan, souriant, s'exclame : « Ah! Il n'y a plus d'enfants. »
Il n'y a plus d'enfant. Et Molière est un génie.
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« Etre ou ne pas être, telle est la question »
Ce vers célèbre de William Shakespeare, traitant de la mort, est issu de la pièce « Hamlet ».
Shakespeare a eu un fils appelé « Hamnet », qui est en fait le même prénom que « Hamlet ».
Ce petit garçon est mort à l'âge de onze ans, et nombre de critiques se sont efforcés de retrouver dans les pièces de Shakespeare, notamment dans « Hamlet » des traces du deuil de son père.

Maguy O'Farell, elle, a laissé chanter son imagination et a posé sur cette histoire la broderie de ses mots délicats, empreints de psychologie et de féminité.
Féminité, oui, il s'agit surtout de cela ici : William Shakespeare, qui n'est d'ailleurs jamais nommé par son nom, n'apparait que rarement, en creux pourrait-on dire.
C'est son épouse Agnès qui nous dévoile le secret de son coeur. Coeur de maman avant tout, mais aussi coeur d'épouse et de femme attentive aux autres, au regard aigu, aux dons de guérisseuse par les plantes. C'est elle qui poussera son mari à partir à Londres, à trouver sa voie et à se réaliser. C'est elle qui prendra soin de ses enfants, des abeilles et des arbres.
C'est elle qui, par son amour infini, abordera les rives du deuil absolu, celui de la perte d'un enfant.

L'auteure nous murmure le chagrin ultime. Mais ce drame personnel est intimement relié à la collectivité, car elle détaille la vie à la fin du 16e siècle : les marchés, l'artisanat – dont la ganterie, puisque le père de Shakespeare est gantier et que la famille habite juste à côté -, le travail dans les fermes, les moyens de locomotion et de communication fastidieux, l'habitat, le théâtre à Londres, et aussi LA maladie redoutée par tous : la peste bubonique.

Une construction binaire passé/présent nous emmène donc à travers une dizaine d'années ou un peu plus, et nous ballote sans répit de la mort à la vie, de la vie à la mort, car toujours, la naissance, la souffrance, le mariage, le deuil, le travail nous ramènent à notre condition humaine.
« Etre ou ne pas être, telle est la question ». Eh oui.
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Je remercie Babelio et les éditions Belfond pour le roman « Hamnet » de Maggie O'Farrell, reçu à l'occasion d'une masse critique spéciale.
Après « L'étrange disparition d'Esme Lennox » et « I am I am I am » que j'avais beaucoup appréciés, ce fut pour moi un réel plaisir qu'on m'offre la possibilité de poursuivre ma découverte des romans d'O'Farrell.
Que le titre de ce dernier roman ait la sonorité proche de l'une des plus grandes tragédies de Shakespeare n'est pas du tout fortuit. Hamnet était en effet le fils de Shakespeare, mort en 1596, à l'âge de 11 ans.
Et comme beaucoup d'autres ont pu l'être, l'auteure irlandaise, intriguée par la similitude entre le prénom du fils et la célèbre pièce de théâtre (dont la 1ère représentation de la tragédie aurait eu lieu entre 1598 et 1601), en a tiré une histoire romancée. Si le dramaturge a pu être inspiré par d'autres oeuvres ou légendes pour écrire cette pièce, on peut tout autant imaginer que cette oeuvre théâtrale est en partie un hommage à son fils défunt.
Avant de commencer ce récit, je n'ai pas résisté à l'envie d'aller fouiller un peu dans la biographie de William Shakespeare pour dénicher les (rares) informations sur sa famille ou sur la mort de son fils (dont la cause de l'épidémie de peste reste hypothétique).
William est le fils d'un gantier de Stratford-Upon-Avon. le renom de ce dernier est un peu en berne (mais il n'en est rien pour son côté buveur, violent et arnaqueur).
Une des hypothèses émise est que le jeune William va rencontrer sa future femme Agnès (ou Anne) Hathaway alors qu'il est précepteur et entretenir alors avec elle une liaison secrète. On sait en effet qu'ils vont se marier rapidement en 1582 (William n'ayant que 18 ans), car Agnès attend un enfant. le couple aura 3 enfants : Susanna née en 1583 et les jumeaux Hamnet et Judith nés en 1585.
On sait également qu'en 1592, une épidémie de peste se déclare et Shakespeare doit quitter Londres, du fait de la fermeture des théâtres (Ici, toute ressemblance avec notre période actuelle est purement fortuite…)
L'auteure a commencé à tisser une toile autour de la mort d'Hamnet en remontant jusqu'à l'origine, à savoir la rencontre entre Shakespeare et sa femme. L'histoire imaginée par O'Farrell alterne entre 2 périodes : celle de la rencontre entre le jeune Shakespeare et sa future femme, leurs premières années de leur mariage et celle plus sombre annonçant la disparition d'Hamnet.
Et pour une fois, ici, Shakespeare est seulement William, pour ne pas dire seulement le mari d'Agnès. Car, dans ce roman, c'est surtout le personnage d'Agnès qui est mis en avant. Déjà, par la nature autoritaire du père, William est plutôt un adolescent effacé. Plus tard, il brillera par ses absences prolongées du fait de son travail de dramaturge nécessitant de résider à Londres. Au point que j'ai parfois eu du mal à me représenter Shakespeare dans les traits de William. M'attendant à ce que l'homme célèbre soit au-devant de la scène, j'ai fini par trouver qu'il manquait d'envergure comparée à sa femme, tel un spectre au sein de sa famille.
L'amour entre les deux jeunes gens ne fait pas de doute (au moins dans cette histoire). Elle est charnelle, presque fusionnelle. William est très attiré par la beauté et la singularité de cette jeune femme. Tous deux sont attentionnés l'un vis-à-vis de l'autre (avant que le théâtre ne prenne tout le temps du dramaturge).
Agnès est une jeune femme différente des autres depuis son enfance. Elle a des dons de voyance, elle pratique l'apiculture et l'herboristerie et aime tout ce qui est en rapport à la nature. Ses particularités ajoutées à sa beauté et à sa nature solitaire font qu'elle est souvent rejetée jusqu'à être parfois considérée comme une sorcière. de par sa sensibilité aigüe, la mort de sa mère alors qu'elle était jeune (et pour avoir subi les animosités de ses belles-mères – la seconde femme de son père, puis de la mère de son mari), elle aime les membres de sa famille -son mari, ses enfants et son frère- au plus profond de sa chair.

Par une description minutieuse, Maggie O'Farrell a su recréer l'ambiance de l'époque et cette période d'épidémie. Et si le style d'écriture m'a parfois dérouté dans la première partie du roman, elle a ensuite réussi à m'embarquer grâce au personnage intéressant d'Agnès.
Sa façon quasi sensorielle de nous raconter les évènements l'est plus encore lorsqu'elle fait le portrait d'Agnès. Nous nous sentons physiquement proche de la jeune femme au point d'avoir la sensation de se retrouver en plein coeur de ses intuitions, ses interrogations, ses émotions. Au fil des pages, on éprouve un attachement de plus en plus vif pour cette femme hypra sensible, douce, ayant parfois des intuitions difficiles à gérer. A travers cette histoire, Maggie O'Farrell nous offre vraiment un beau portrait de femme.
Ce roman nous confirme, s'il en était encore besoin, ses qualités de conteuse. Et si l'histoire racontée n'est pas biographique ; si certains faits sont peut-être loin de la réalité (la connaitrons-nous avec certitude un jour ?), l'histoire d'amour entre les deux jeunes gens et surtout les personnages d'Agnès et Hamnet sont si émouvants qu'on a envie d'y croire, ne serait-ce que le temps d'un roman.


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Ne m'étant jamais vraiment penchée sur la biographie de William Shakespeare, je ne me l'imaginais pas marié.
Et pourtant, c'était bien le cas. L'illustre dramaturge londonien avait femme et enfants. de son épouse Anne Hathaway, il eut trois enfants : Susanna, puis des jumeaux Hamnet et Judith.
Un de ses enfants mourut à l'âge de 11 ans. On ne connait pas les causes. La peste, peut être ?

Il ne fallait pas plus que cette supposition pour que Maggie O' Farrell laisse libre cours à son imagination et couche sur le papier cette belle histoire. Qui ne se veut en aucun cas être une biographie de Shakespeare mais plutôt le portrait d'une femme du 16eme siècle en prise avec les affres de l'amour et du deuil.
L'auteure fait d'Anne Hathaway un personnage très attachant et digne d'intérêt.
Agnes ( c'est ainsi que choisit de la nommer l'auteure) est une jeune femme différente des autres. Un peu sauvage, un brin visionnaire, ayant une solide connaissance des plantes médicinales, elle tombe amoureuse de William, le jeune précepteur de ses demis-frères.
C'est elle qui forcera le destin pour faire de cet homme, jugé comme un bon-à-rien, son époux.

On sait ce qu'il advint plus tard de son "bon-à-rien" de mari...Son destin à elle fut tout autre car elle ne suivra jamais William et restera dans leur campagne natale à Stratford loin de l'agitation londonienne.
C'est cette histoire qui nous est contée ici. Celle d'une femme courageuse abandonnée par son mari, qui devra faire face à la pire des choses qui puisse arriver à une mère : le décès d'un de ses petits.
Et si ce roman s'appelle Hamnet, c'est aussi parce qu'il se pourrait que son père se soit inspiré de lui pour écrire l'une de ses plus célèbres pièces !
Mais, si vous voulez en savoir plus , je vous conseille de le lire jusqu'à la fin...

Un roman intime, subtile et passionnant !

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Maggie O'Farrel nous offre une façon très originale de pénétrer l'intimité du grand dramaturge de la littérature anglaise. Elle le fait au travers du prisme de sa vie de famille dans une fiction collant à la réalité autant que l'histoire a pu en laisser de traces. Son imagination comblant les vides avec bonheur. L'exercice était difficile, les controverses sont nombreuses quant aux zones d'ombre de la vie de Shakespeare. C'est une superbe fiction très convaincante qu'elle nous adresse. Je ne cède pas à la popularité de l'ouvrage pour en convenir, je m'associe sans influence au satisfecit général. Son écriture écarte toute velléité de qualifier l'ouvrage de biographie ou de roman historique. Maggie O'Farrel en fait un exercice de style très réussi complétant les faits d'une part d'imaginaire opportuniste et crédible, propre à stimuler la sensibilité du lecteur.

De mort il est question dans cet ouvrage. Une mort qui a pesé certainement plus qu'il ne voulait le laisser paraître. Shakespeare a perdu son fils Hamnet dans sa onzième année. Mort d'une maladie que Maggie O'Farrel prend le parti de désigner comme la peste. le chagrin de sa femme, la mère d'Hamnet, Agnès dans le roman Anne dans l'histoire, est immense et l'enfonce dans la dépression. Elle qui avait le don de prémonition entre en butte à la volonté divine.

Oui, au sortir du moyen-âge on pouvait souffrir de la mort d'un enfant, même si c'était chose courante. On a l'impression de nos jours qu'en ces temps d'ignorance de la médecine, gouvernés par la toute puissante religion, la vie d'un enfant ne comptait pas plus que celle d'une portée de chiots. Maggie O'Farrel nous détourne de ce stéréotype façonné par la vulgarisation de l'histoire. Agnès est anéantie. Elle en veut à son mari de ne pas être démonstratif de la même souffrance, d'être absent, de se consacrer à divertir ses contemporains et donc lui-même. Lui donnera-t-il la preuve du contraire ? L'autrice nous le fait comprendre dans les tout derniers mots de son roman. Hamnet, Hamlet, une peine endurée au sein d'une famille peut-elle s'éponger en un drame livré à la postérité ? En forme de perpétuation.

Fabuleux exercice de style que ce roman dont l'emphase surprend quelque peu en son début. Elle prend son sens et sa valeur au fur et à mesure de la montée en intensité dramatique du roman. C'est un style qui soumet ses péripéties au lecteur sous forme d'énigmes, approchant son fait par de vagues associations imagées – les occurrences de la conjonction comme sont innombrables - pour le préciser par petites touches et le dévoiler en une respiration offerte au lecteur entretenu dans la soif de savoir. Les parcours de la puce qui transmet la peste, de la lettre qui chemine vers son destinataire, le travail de l'enfantement qu'elle nous livre par le détail procèdent de la même révélation séquentielle, de la même montée en intensité. Long combat de l'espoir contre l'ignorance, de la superstition contre la destinée, de la douleur de la mort contre celle qui donne la vie.

Agnès est le personnage de ce très beau roman qui évolue aux confins de l'irréel en gardant les pieds sur terre avec ce personnage livré sa solitude de mère. Une mère comme toutes en ces temps de rudesse condamnée à mettre au monde, à ployer sous la tâche, à craindre et finalement pleurer l'être disparu. Un présage ne lui avait-il pas dit qu'elle n'aurait que deux enfants, quand trois sont sortis de ses entrailles.

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Je remercie les éditions Belfond et Masse Critique pour l'envoi de ce roman.
L'auteure ne m'est pas inconnue. Je l'ai découverte avec l'excellent l'étrange disparition d'Esme Lennox. Si vous ne l'avez pas lu, je vous le recommande pour une première immersion dans son univers.
L'auteure construit son roman en se basant sur le peu d'élément connus de la vie de Shakespeare concernant ses parents, son mariage, sa femme et ses enfants, avant d'être connu en tant qu'acteur et auteur de théâtre. A partir des ces faits avérés, elle met son talent en oeuvre pour combler les manques.
Le roman se concentre surtout sur sa femme Agnès, une femme différente des autres par ses connaissances médicinales, et sur Hamnet, son fils, décédé à l'âge de 11 ans. Une très belle histoire qui fait revivre la campagne anglaise de la fin du 16 ème siècle.
Les personnages d'Agnès et d'Hamnet sont très attachants. Les descriptions des relations familiales et les difficultés du quotidien font vivre ce roman et le rendent passionnant à lire.
Et comme si le quotidien n'était pas assez compliqué pour Agnès avec les relations conflictuelles entre son mari et son beau-père (seul un mur sépare les deux familles), la peste, maladie courante à cette époque, rajoute des tensions et du malheur.
J'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'auteure, douce, agréable et très sentimentale, qui fait revivre Shakespeare à travers sa famille et ses enfants.
Une belle lecture, un roman à découvrir, de belles descriptions de la campagne anglaise.
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Ce livre est la vie romancée de la famille de Shakespeare plus que de la sienne.
Le roman s'ouvre sur Hamnet, 11 ans, qui cherche un adulte ; Judith, sa soeur jumelle ne se sent pas bien. Sauf que ce n'est pas Judith qui succombera à la peste.
Le fil conducteur de ce roman est la disparition d'Hamnet et nous emportera de la rencontre de ses parents à la pièce qui porte son nom.
Le personnage principal est Agnès, la mère, femme atypique, libre, guérisseuse et un peu voyante.
Il faut prendre le temps de rentrer dans l'histoire.
Il y a de la lenteur. Chaque mouvement, chaque pensée, chaque plante est joliment détaillé.
La description du lavage du corps d'Hamnet est déchirante.
Il est question d'amour maternel, de liens entre frères et soeurs, de chagrin, de deuil impossible et d'un amour indestructible.
Un magnifique livre.
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Un beau roman, émouvant, sur le deuil. Je me suis lancée dans cette lecture sans savoir de quoi il retournait, à l'occasion d'une lecture commune avec d'autres membres de Babelio, et j'ai été prise par surprise, entraînée dans cette Angleterre de la fin du 16ème siècle, rurale, croyant encore fermement à la sorcellerie.
Agnès, épouse d'un futur dramaturge célèbre dans le monde, est ici le personnage principal, quoiqu'en dise le titre. Femme forte, maternante mais indépendante, visionnaire, empathique et guérisseuse, vit dans un double monde où les sens et les intuitions prennent une place prépondérante.
En reprenant la vie de Shakespeare, peu connue à part certaines dates retrouvées dans les documents d'état civil, l'auteure élabore le récit de cette image féminine à travers sa jeunesse et en parallèle le deuil de l'un de ses enfants une dizaine d'années plus tard. Shakespeare quant à lui est une figure de plus en plus lointaine mais dont les oeuvres seront marquées - selon l'auteure qui prend bien sûr des libertés - par les événements narrés dans ce roman.
J'ai aimé me glisser dans cette époque, sa vie, redécouvrir les plantes médicinales qu'utilise Agnès, j'ai bien sûr été bouleversée par les jumeaux Hamnet et Judith (qui ont réellement existé, et dont la gémellité a peut-être inspiré Shakespeare, symboliquement, dans plusieurs de ses pièces). Et ce deuil, lourd, éprouvant, pas à pas.
Je ne regrette pas cette découverte.
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Encore un roman qui sort de l'ordinaire (mais qu'est-ce qu'un roman ordinaire ?), original, unique en son genre. Entre roman historique, oeuvre de fiction, et chef d'oeuvre littéraire faisant référence à Shakespeare et son célèbre Hamlet, ce roman est avant tout, à mon sens, un roman très sensible qui parle d'hypersensibilité et d'instinct à travers le personnage un peu sorcière de Agnès, un roman sur la fusion entre deux jumeaux inséparables, et enfin, un roman sur le deuil.
Parmi toutes les belles critiques au sujet de ce roman, j'avais à peine aperçu que le deuil était le sujet principal de l'histoire et je fus très émue, bouleversée de lire la détresse d'Agnès devant la perte de son enfant, le fantôme de Judith la jumelle, cassée en deux, perdue depuis la perte de son frère...

L'écriture est belle, prenante, le livre se dévore. L'histoire est extrêmement touchante, bouleversante.
J'ai eu plus de mal à comprendre le père en revanche, bien qu'il conclut le roman à travers le chef d'oeuvre que l'on connaît tous : Hamlet. Cette fin m'a paru assez déroutante, bien qu'on devinait l'issue depuis le début, je n'ai pas vraiment eu d'empathie pour le père ni compris pourquoi il avait tu son oeuvre à sa femme, la mère de ses enfants.

Très beau roman. Je retiendrai surtout l'aspect sensible et la grande âme de Agnès, la relation si fusionnelle entre deux jumeaux, ainsi que la douleur tragique et terrible de la perte d'un enfant jeune pour une mère, seule.
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