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sur 1044 notes
Startford, à la fin du XVI ème. Un petit garçon , Hamnet, se désespère de trouver sa mère pour venir en aide à sa soeur jumelle Judith. Il la voit dépérir sous ses yeux sans rien pouvoir faire.
Parallèlement à cette histoire , le roman revient sur la rencontre des parents d'Hamnet.

Si ce roman m'a semblé posséder quelques longueurs au début de l'ouvrage , la deuxième partie est absolument remarquable et dresse un portrait de femme étincelant . Elle a raison Agnès, il n'y a pas de mot pour désigner une mère qui perd son enfant.
Loin de son mari , se servant du prétexte de la vente de gants à Londres pour s'émanciper dans le théâtre , elle va faire son deuil seule , dans un climat de jalousie et d'hostilité. Elle va chercher son enfant dans tous les souffles de la vie , dans tous les sourires juvéniles . Elle va chercher son homme aussi , chercher à comprendre sa réaction.

Avant cela, on aura plongé dans le XVI ème siècle , avec tout ce qu'il comporte d'inconfort, de solidarité et d'injustice. On y aura plongé avec l'écriture envoutante de Maggie O'Farrell qui m'avait déjà emporté dans le très bon I am,I am,I am. Bien entendu , on aura aussi appréhendé ce que fut l'existence de William Shakespeare. Romancé de façon magnifique .

Merci à @PetiteBichette pour le conseil.
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«  Je ne saurais la comparer à personne . Elle n'a que faire de ce que les gens pensent d'elle .Elle n'écoute qu'elle même » .
«  Elle sait voir l'âme des gens . Il n'y a pas en elle une once de dureté » .

Ainsi parle un jeune lettré de la ville , à sa soeur Elisa , jeune précepteur de latin , en train de s'éprendre d'une orpheline: Agnès aux dons étranges tout à tour voyante , chercheuse de plantes , et guérisseuse. elle les comprend et ne se sépare Jamais de sa crécerelle.

Nous sommes à l'aube des années 1580 ,dans le Warwickshire …..

Cet ouvrage situé à la lisière des forêts , d'une beauté incomparable occupa une grande partie de ma nuit…
Je désire faire court vu le nombre élevé de commentaires .
Le pourrai - je ? .
De l'union du précepteur et d'Agnes naîtront Susanna, l'aînée , puis Judith et son Jumeau Hamnet , qui mourra à onze ans , dont le prénom et la très courte trajectoire auraient , semble t - il inspiré le plus célèbre des drames SHAKESPEARIENS, HAMLET .

Un jour , dans la campagne anglaise une petite fille tombe malade et son frère jumeau part chercher de l'aide car aucun des parents n'est à la maison….
Coup de coeur pour ce roman anglais , qui nous plonge au coeur de l'ère Élisabéthaine , au sein d'une tragédie , entre présent et passé , le quotidien de la famille Shaskespeare retraçant d'une part les amour d'Agnes et de Will , d'autre part les derniers jours poignants de Hamnet.

C'est un livre délicat, sublime aux mots d'une telle beauté , sans pathos, puissant : phases longues et poétiques , infiniment qui émerveillent le lecteur , résonnent en lui d'une façon tellement bouleversante !

Fine psychologue et conteuse hors pair , l'auteure transcende , par sa langue poétique , les sujets qu'elle aborde avec une grâce infinie , une délicatesse un peu éthérée , à la fois intime et universelle .
Cette plume douce,, à la folle beauté explore le deuil parental, l'incroyable puissance de l'amour conjugal, paternel , maternel et familial .

Pour dévoiler les éléments du récit , explorer les arcanes de la condition féminine, l'écriture se fait vibrante d'émotions , en résonance avec le coeur de chacun.
Une belle et triste histoire profondément humaine, magnifique, tendre histoire d'amour et de deuil' impossible , chaque page descriptive étincelle .

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« Hamnet » est un saut dans le temps, fin du 16ème siècle, dans la campagne anglaise. On y fait la rencontre de deux enfants : Hamnet et sa soeur jumelle, Judith, fortement malade. Ces jumeaux vivent en compagnie de leur mère et de leurs grand-parents. Leur père n'est pas présent car il se trouve à Londres. Ce dernier n'est pas n'importe qui car c'est William Shakespeare mais il n'a pas encore rencontré le succès que nous lui connaissons.

Maggie O'Farrell a une plume talentueuse et poétique. Elle parvient à immerger le lecteur dans son atmosphère et à lui faire oublier le temps présent. Par cette lecture, j'ai eu l'impression d'avoir fait – grâce à une machine à remonter le temps – un saut dans son univers, tant ses descriptions sont précises et visuelles. Cette campagne anglaise du Warwickshire m'a semblée si réelle et les personnages si vivants !

Malgré le patronyme célèbre du père du garçon, l'auteure a la pudeur de ne jamais l'écrire car c'est bien l'histoire romancée du fils qui importe et sur lequel elle focalise son travail. A la fois belle et tragique, cette histoire ne vous laissera pas indifférent par ses thèmes si omniscients : le deuil impossible d'un enfant, la séparation, l'Amour avec une majuscule, les relations familiales.

Outre le fait s'il s'agisse d'une oeuvre de fiction, l'auteure s'est appuyée sur des réalités historiques pour coller au mieux aux faits. Elle explique d'ailleurs les discordances, qui sont peu nombreuses, à la fin du bouquin. Elle nous fait aussi découvrir la genèse de la terrible épidémie de peste bubonique qui toucha l'Angleterre et fit des milliers de morts.

L'histoire de ce fils, Hamnet, aurait inspiré son père à en écrire une pièce, selon de nombreuses spéculations. Comme vous avez pu sûrement deviner vous-même le parallèle, il s'agit bien de « Hamlet ».

La seule chose qui m'a moins plue est que j'ai trouvé qu'il y avait certaines longueurs au texte. Mais ce faisant, cela reste un très beau livre qui ravira les amateurs de romans historiques et de textes enchanteurs.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs de L'Actu Littéraire.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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PLUMES FEMININES 2022
HAMNET, MAGGIE O'FARRELL*****

Avez-vous des étoiles à me prêter ? J'en aurais besoin d'une ou deux en plus des cinq autorisées, pour couronner ce livre bouleversant, énorme coup de coeur, moment d'enchantement.
Avez-vous jamais senti un livre vous tenir dans ses feuilles-bras ? Vous envahir de parfums, vous griser d'une sensualité extrême, vous porter sur les ailes du temps d'une histoire à une autre, de celle d'un homme à celle d'un nom, vous entraîner furtivement entre les mains de deux amoureux en train de découvrir l'émotion de leurs sentiments, vous raconter avec l'imparfait du mythe, du conte et de la légende les vieux temps révolus, encore vivants dans la mémoire de la forêt, vous parler du théâtre et de ses jeux incertains  ?
Hamnet c'est Hamlet, bien sûr, et l'histoire de la naissance de la pièce de Shakespeare la plus complexe et la plus profonde.
Le nom qui appelle Hamnet a simplement remplacé le « l » de Hamlet, interchangeable avec le « n » à l'époque élisabéthaine.
Le roman est l'histoire de la vie privée de William Shakespeare, de son mariage avec Anne Hathaway, Agnes dans le livre, et de la tragédie qu'ils ont vécue à la perte de leur fils.
Le temps, fil conducteur et fil d'égarement de la vie de l'homme vers la vie des arbres, trompe-l'oeil des arbres vers le théâtre et du théâtre vers la vie avec des certitudes qui n'arrivent que rarement et durent l'espace d'un moment. Multiples visages entre être et ne pas être, entre vie et mort ou entre faire vivre et laisser mourir, des plis, des rides dans le temps qui disparaîtront peut être un jour, pour que tout reprenne comme avant ou comme jamais.
L'histoire commence avec le jeune Hamnet au chevet de sa soeur jumelle Judith, très malade, pour continuer en allers et retours sans fin entre le présent et des moments du passé qui, comme les fils d'une toile, se croisent se chevauchent se nouent pour tisser ensemble des chemins de vie, celle qu'un carrousel grisant nous prête et nous reprend après.
Un va et vient, en branches multiples, entre un aujourd'hui le jour où nous sommes et un hier ou un avant-hier ou des jours encore plus lointains d'un temps chronologique, et aussi d'un autre temps que constituent quelques éclats de la mémoire. Par moments le temps se fige l'espace d'un paragraphe. L'image et le suspense créent ce pic de tension où le souffle s'arrête. Un film muet où on entend tout et où les plans séquence sont agencés par un metteur en scène magicien.
Un fil de soie, invisible, solide et de qualité, comme un lien et un liant pour toute l'histoire, une texture soigneusement tissée, aucune part ne peut en être enlevée, aucun rajout ne serait accepté sans détruire l'ensemble et son entière harmonie.
Maggie O'Farrell, à coups de serpe, décrit la violence des gestes et des regards , le stylet vient après pour la précision des découpes et des traits et l'opération continue en finesse par le travail du scalpel pour des incisions très délicates où l'orfèvre s'y emploie avec connaissance et maîtrise : « elle grandit aussi avec le souvenir de ce que cela fait d'être véritablement aimée, aimée pour ce que l'on est et non ce que l'on devrait être... elle grandit avec cette profonde envie qu'une main se pose sur elle, sur ses cheveux, son épaule, que des doigts lui frôlent le bras. Que lui soit donnée une preuve de tendresse, d'humanité… elle est fascinée par les mains des gens. »
Agnes et son mari, leur nuit de noces amène des souvenirs, des réflexions et des compréhensions qui donnent naissance aux craintes et appréhensions, les mots prennent chair, les lettres sont des signes et des symboles :
« Que fais-tu là-bas , alors que ta place est ici ? Il désigne l'espace vide, près de lui.
Je n'arrive pas à dormir.
- Pourquoi cela ?
- La maison est en A. »
Quand la vie se manifeste, elle porte dans ses bras deux grands cadeaux, précieux tant qu'ils restent ensemble comme deux siamois : la force et la faiblesse.
Un mot un nom une écriture sur une page abandonnée, un souvenir qui effleure la pensée, le ventre rond de l'épouse qui porte le bébé à naître, un geste de tendresse ou un poing violent, un trou dans un arbre avec deux enfants dedans, chaque détail est un univers qui déploie ses ailes, s'ouvre en grand lentement et récite son chapelet d'histoires.
Le style de Maggie O'Farrell est sorcier, elle s'attache au choix des mots et à leurs rythmes musicaux, à leur enlacement dans des séquences racontées en tissages experts aux mailles raffinées, sortes de grands yeux d'enfants qui demandent sans cesses : et après ?
La traduction, reflète-t-elle la musique du texte anglais, lui est-elle fidèle ? La curiosité me pousse à aller à l'origine pour découvrir la source et le lit de cette rivière si abondante en images, textures, chemins dans l'espace et le temps, en harmonies musicales qui passent des nuages aux forêts pour arriver chez les humains.
Pendant la lecture, le livre son style et son histoire entraient en moi, m'enveloppaient, créaient des entailles comme une gravure, je devenais cette gravure, je devenais le miroir du roman, sa fidèle image, pas à l'envers mais à l'endroit, et dans mes petites notes j'anticipais des mots que je retrouvais quelques pages plus loin : de la terre et la forêt, des sens premiers et essentiels vers les mots et les lettres ; de la naissance aux pieds des arbres où les mains nues accueillent et offrent la vie, aux gants qui cachent ou qui protègent ; de la représentation théâtrale aux deux faces et aux sens multiples, jusqu'au jeu pour dissimuler ou pour mieux dire la vérité.
Entre naissance et mort, nombreuses sont les respirations de la vie et le vivant peut en ressentir chaque expression. Mais après la mort ? Après le départ des êtres chers ? Nous pouvons encore leur parler, ils restent toujours avec nous, autrement « dans le plongeon d'un oiseau… dans la manière dont un poney secoue sa crinière, dont la grêle martèle les carreaux, dont le vent tend son bras en soufflant par la cheminée, dont son toit de peau bruisse au-dessus de sa tête » ou dans l'écriture : « créer des histoires… elles sont le refuge de son esprit...et une fois sur scène… il guette, cherche dans la foule absorbée un visage... »
Entre document et imagination, les gros plans s'attachent à délicatement éplucher une sensibilité et une émotion que seul un regard attentif pourrait toucher sans blesser. Beaucoup de heurts entre la civilisation et le monde de la forêt, deux langages qui ne se comprennent pas toujours et souvent très mal, un symbolisme qui me parle au-delà du tableau du 16e s où la campagne, comme la ville, abritait un illettrisme majoritaire ; Agnes ne savait pas lire les mots mais elle lisait mieux que n'importe qui à l'intérieur des êtres, ce que la forêt écrivait sur les feuilles et les troncs des arbres, dans le vol des crécerelles et dans les plantes qui guérissaient.
L'histoire, comme les elfes, respire la magie et l'éternité, sa lecture est légère ses réflexions profondes.
Hamlet, le prince qui a perdu son père assassiné, construit sa vengeance, son père ne sera pas oublié. le dramaturge, le père de Hamnet dans le livre, écrit cette pièce après la mort de son fils, son prince, et le ramène à la vie pour l'éternité. Jeu de miroirs et de mise en abîme, référence et hommage à l'illustre Will, à sa pièce et à sa vie tout en gardant le voile d'incertitudes et de mystères que l'histoire à créé et qui interroge sans cesse dans le roman.
« Le fantôme tourne la tête… et prononce ses derniers mots : Souviens-toi de moi. » Et l'écriture est là pour nous sauver, pour nous aider à oublier et à se souvenir, pour ne pas nous laisser mourir.
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Maggie O'Farrell, auteure de “Hamnet nous transporte jusque dans l'Angleterre élisabéthaine pour percer le mystère de la mort du seul fils de William Shakespeare et de Anne Hathaway, qui porte le même nom que la pièce la plus célèbre du barde d'Avon.

On ne connait de Maggie O'Farrel que ses écrits mais je l'imagine comme une écrivaine se lançant des défis. Après avoir relevé très haut la main avec I am, I am, I am l'exercice 'anti-biographie (elle parlait de sa vie à travers toutes les fois où elle a frôlé la mort), Maggie O'Farrel s'attaque avec Hamnet à un géant de la littérature anglaise : Shakespeare !

On avait peur d'être moins enthousiaste que tous les très bons retours lus et au contraire on a adoré Hamnet bien plus encore :

Pour que son récit soit enlevé et pas sentencieux, pour qu'il ne croule pas sous le poids du nom, jamais elle ne le nomme et c'est par les yeux de son fils, dont l'existence reste peu connue et les causes de sa mort incertaines, qu'elle s'attaque à ce génie des lettres de l'Angleterre élisabéthaine.Est-il seulement le personnage principal d'Hamnet ? N'est pas plutôt Agnès (Anne Hattaway, femme de Shakespeare) ? Son portrait de femme libre, indépendante, traitée de sorcière car elle soigne avec les plantes et a des dons de médium, est bouleversant face au deuil de son enfant.

Est-ce Hamnet lui-même, lui qui, dans la scène inaugurale du livre, court de pièce en pièce de la maison, pour chercher de l'aide alors que sa soeur est souffrante ?

L'une des forces de Maggie O'Farrel est de nous plonger dans la vie d'un jeune homme avec des désirs, des doutes, des peurs communs à bien d'autres jeunes gens et alors que l'intrigue se situe en 1596, dans la campagne anglaise, de rendre son récit profondément universel et touchant.

Maggie O'Farrel a voulu sortir de l'ombre ce petit garçon qui inspira la pièce Hamlet .

A travers ce pan de l'histoire, elle écrit un magnifique roman sur l'amour entre deux êtres (superbe scène dans le grenier), la maternité et le deuil parental auquel il est impensable de survivre. Et puis viennent les mots, l'art pour ressusciter celui qui n'est plus, pour rapprocher ceux que le terrible chagrin éloigne et sépare.

On pouvait craindre que le sujet lointain nous tienne quelque peu à distance, on y a vu au contraire de belles parentés avec notre époque comme cette puce qui transmet la peste de continent en continent avec les navires transportant des marchandises (cela égratigne l'idée que le covid serait lié à la mondialisation).

A lire absolument !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un très joli roman, émouvant et documenté.
Hamnet est le seul fils de William Shakespeare, père également de Susanna et de Judith, la soeur jumelle d'Hamnet.
Hamnet est celui aussi qui va inspirer au père cette grande pièce au titre si proche, "Hamlet".
.
Angleterre fin du 16e siècle.
Nous allons suivre William et Agnes qui deviendra sa femme. Nous allons découvrir cette vie de famille particulière entre Stratford et Londres. Un quotidien laborieux où grandissent les 3 enfants du couple.
.
S'il fallait lire ce livre, c'est pour l'écriture fine et fluide de l'auteure, pour la description de la vie dans la campagne anglaise du 16e.
S'il fallait lire ce livre, ce serait également pour les pages finales, éblouissantes.
S'il fallait lire ce lire, c'est pour rencontrer cet enfant lumineux qu'est Hamnet.
Une histoire émouvante, touchante, une réussite !
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Hamnet, c'est tout d'abord une partie romancée de la vie de William Shakespeare (jamais cité en tant que tel dans les 400 pages du roman). Mais c'est surtout le portrait éblouissant d'une femme : celui d'Agnès, épouse de l'illustre homme, mère de ses 3 enfants, Susanna, Hamnet et Judith. Agnès, une mère louve pour sa couvée, douée pour imaginer l'avenir, férue de botanique et guérisseuse avisée. Une femme de son temps, d'une grande abnégation, confrontée à son époque, à la jalousie, aux deuils et à la maladie. Une femme forte, soumise à la pire des douleurs.

L'écriture, superbe, lui rend un vibrant hommage, et décrit parfaitement un siècle asservi à la pauvreté, la saleté, la pestilence. Les pages sur Londres et sur la propagation de la peste sont d'une grande virtuosité. J'y étais. Celles sur la mise en habit d'Hamnet bouleversantes. Celles sur la création et le théâtre formidables. L'autrice raconte les corps avec beaucoup de justesse.
Maggie O'Farrell, découverte avec I am, I am, I am (à lire absolument) montre à nouveau son talent romanesque dans ce superbe texte et me donne qu'une seule envie à l'issue de cette lecture : relire Hamlet.
Il me tarde aussi de découvrir ses premiers romans.
Un coup de coeur ♥️
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Agnès est assise à même le sol au pied de la paillasse où repose sa fille Judith. La fièvre est toujours aussi élevée, le bubon sur son cou a encore grossi. Elle essaye de retenir la vie à l'intérieur de sa fille. Les présages lui avaient dit qu'elle n'aurait que deux enfants, alors elle protège ses trois petits, elle s'interpose entre eux et la porte qui mène vers les griffes de la mort. Agnès sait comment chasser n'importe quel désagrément, n'importe quelle maladie. Elle devine ce dont le corps a besoin, elle décèle les âmes agitées. Certains disent que c'est un don, d'autres une malédiction.

L'auteur tient à le préciser, ce roman est une fiction qui s'inspire de la courte vie d'un petit garçon mort en 1596. le titre de ce roman est en effet trompeur, Hamnet le fils de William Shakespeare n'est pas le personnage principal de ce récit, Shakespeare lui-même n'est qu'une simple ombre que l'on devine parfois. le personnage central est bien Agnès la mère du garçon, la femme d'un dramaturge anglais.

Toute l'histoire tourne autour de cette jeune femme liée à la nature, elle connaît les plantes, elle lit dans les âmes, moitié sauvageonne, moitié sorcière. Dans une première partie, le récit alterne entre l'enfance campagnarde d'Agnès, sa rencontre et sa passion pour ce jeune précepteur et la vie quotidienne et domestique de l'épouse et jeune maman qu'elle est devenue. La seconde partie se recentre sur le deuil, la douleur et l'absence, et l'écriture devient sublime.

Un roman sur le chagrin, la culpabilité et l'amour. Maggie O'Farrell a l'art des descriptions, la propagation de la peste, l'agonie de la fragile Judith veillée par sa mère, la toilette du jeune fils décédé, toutes ces pages sont d'une grande beauté littéraire et d'une émotion intense. Un roman puissant sur la condition des femmes et des mères en Angleterre sous le règne d'Élisabeth I.
La couverture est magnifique, quand on la touche on a l'impression de caresser du velours.

Merci aux éditions Belfond et Babelio pour leur confiance

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Mon gros gros coup de coeur 2022.
Hamnet, on le connaît (tous) sans le savoir. Fils de William Shakespeare, il décède à 11 ans, et son père, face à ce deuil impossible, lui rendra hommage à travers sla pièce qu'il nommera d'après lui.

Le roman commence avec Hamnet, qui cherche désespérément quelqu'un qui pourra aider Judith, sa soeur jumelle, qui est tombée subitement, mais gravement malade de la « pestilence ». Personne n'est présent, son grand-père est parti gérer ses affaires, qui vont assez mal, la grand-mère est au marché avec sa soeur aînée, sa mère Agnes est dans les champs à s'occuper de ses abeilles et de ses plantes médicinales. La gravité de l'écriture nous fait sentir de suite que ça se finira mal. Cette première histoire s'entremêle alors subtilement, quand Agnes sera au chevet de son enfant, avec celle du début de l'histoire de celle-ci avec William, son mari, soit quand une vie heureuse de famille prend fin, et que commence une nouvelle ère éprouvante, celle du deuil d'un enfant. Se mêle également à ces histoires celles des origines du mal, la fameuse « fièvre noire », jamais nommée explicitement, pour comprendre comment, venue d'aussi loin, elle a pu toucher des enfants innocents.

« Hamnet » est, entre autres, le roman d'un deuil insurmontable, du deuil le pire qui soit, celui de parents qui enterrent leur enfant. Comment surmonter cette épreuve ? Comment y procéder quand celui-ci creuse en outre un sillon profond, peut-être indépassable, entre une femme et son mari ? Agnes deviendra en effet changée à jamais par cette épreuve, en perdant le goût à tout, pendant que William (que l'autrice ne nommera jamais, car « Hamnet » n'est pas, et c'est l'une de ses forces, un roman directement centré sur Shakespeare ; celui-ci est en effet décrit par les autres, principalement Agnes) magnifiera son deuil par l'écriture de sa pièce Hamlet, façon pour lui de ressusciter son fils (les pages dédiées à la tragédie étant parmi les plus magnifiques du roman). Mais c'est aussi l'histoire d'un deuil familial, celui des soeurs d'Hamnet, et particulièrement de sa jumelle, Judith, qui a été amputée de sa moitié. Comment grandir, et laisser son frère dans l'enfance, alors que les années passent inexorablement ?

« Hamnet » est aussi, et peut-être surtout, le roman d'une femme impressionnante, admirable, hors norme, Agnes. Jeune fille à moitié sauvage, dotée d'un pouvoir de voyance, fine connaisseuse des plantes médicinales dont elle semble faire son métier, elle détonne clairement dans la société d'alors (le qualificatif, dangereux à l'époque, de « sorcière » n'apparaîtra jamais dans le roman) et apporte un peu de lumière, et de magie, dans ce roman si sombre. Jeune femme éperdument amoureuse de son mari, Agnes trouvera la force de le laisser s'éloigner d'elle et vivre sa vie à Londres, loin de sa famille. Et de se débattre comme elle le peut dans ce deuil qui l'aura vidée de sa substance.

« Hamnet » est ainsi un roman passionnant, émouvant, qui traite d'un sujet particulièrement difficile, sans mièvrerie ni facilité. Son écriture est d'une beauté rare, ciselée, précise, poétique parfois, pour évoquer l'amour maternel, l'amour d'une soeur pour son frère, d'une femme pour son mari face à la mort. J'ai lu ce roman d'une traite, prise par l'histoire de ces personnages si dignes. Un grand moment de lecture
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En apprenant que Shakespeare avait eu un enfant prénommé Hamnet, soit l'équivalent d'Hamlet, mort quelques années avant l'écriture de sa pièce la plus célèbre, Maggie O'Farrell a voulu comprendre le mystère de cette double filiation, par le sang et par la dramaturgie.
Quelles que soient les qualités de cette oeuvre puissante, j'ai eu du mal à comprendre les intentions de l'auteur.
S'il s'agit d'écrire sur le deuil qui peut détruire une famille, convoquer Shakespeare n'apporte rien au récit, quand bien même l'évocation de l'Angleterre élisabéthaine y est passionnante.
S'il s'agit de comprendre par quelle alchimie l'art peut sublimer le réel, le roman me semble doublement raté.
En effet, Maggie O'Farrell imagine comment le héros Shakespearien, qui a peu ou prou l'âge qu'aurait l'enfant s'il avait vécu, permet au couple de ressusciter leur fils et d'atténuer leur souffrance. le père joue le fantôme du roi assassiné et, en contrefaisant le mort sur scène, il rétablit l'équilibre et redonne la vie à son fils. Mais le roman regorge déjà d'échappées vers le surnaturel et de pactes avec le destin. La représentation théâtrale n'est qu'un prodige parmi d'autres; la littérature fait un peu mieux que la sorcellerie, mais à peine. L'art ne sublime pas le réel, et le roman suggère même que si vous êtes une femme, donc un peu sorcière, vous pouvez vous en passer.
D'autre part, la résurrection du mort par le personnage qui porte son nom fait fi des problèmes que cela pose. Parce que seul le début de la pièce est pris en compte. Quand, dans le roman, le père arrive enfin chez lui, après avoir appris l'agonie de son enfant, la scène est ainsi écrite :
« Un spectre, un fantôme se trouve à la porte. Mais pour frapper qui ?
De nouveau, les coups : sourds, secs. Si forts que la porte tremble sur ses gonds.
« Qui est là ? » demande Agnes d'une voix plus assurée qu'elle ne l'aurait cru.
La poignée bouge, la porte s'ouvre d'un coup et apparaît soudain, là sous ses yeux, son mari, qui s'avance sous le linteau, ses habits et ses cheveux trempés, assombris par la pluie, des mèches collées sur ses joues. Son visage livide est celui d'un homme qui n'a pas dormi, que le manque de sommeil a rendu fou. »
L'irruption du père annonce ainsi le début de la pièce et l'arrivée du spectre. Maggie O'Farrell, on l'a vu, joue sur l'inversion des rôles: le père sera mort sur scène pour permettre à son fils de revenir à la vie. Ok. Mais la suite de la pièce est passée sous silence alors que c'est là que loge le mystère. Parce que c'est quand même une pièce sur un fils convaincu que sa mère couche en toute conscience avec l'assassin de son père! Et qui la traite expressément de catin. Que Maggie O'Farrell fasse l'impasse sur l'histoire d'Hamlet me sidère. Pourquoi Shakespeare a-t-il choisi de donner, non pas à un adolescent vertueux, mais à son anti-héros procrastinateur et désespéré le prénom de son fils décédé, ce n'est pas dans ce roman qu'on trouvera la réponse…
Si on veut vraiment comprendre ce que peut la littérature quand on vient de perdre un enfant, c'est vers Molière qu'il faut se tourner. Dans « Le Malade imaginaire », acte II, scène 8, intervient pour la seule fois de la pièce une petite fille. Elle a 8 ans, c'est la fille de deux comédiens de la troupe. Jamais le théâtre classique ne fait monter des enfants sur scène. Et la scène n'est pas indispensable : Argan a besoin de savoir si sa fille aînée a bien reçu son galant, il pourrait l'apprendre de toute autre façon. Oui mais le 3° enfant de Molière est mort 4 mois avant la représentation. Quand Louison est menacée du fouet par Argan pour avoir menti, elle fait semblant d'être morte. Et Argan, amusé, joue le jeu: « ma pauvre fille est morte. » Louison, rassurée sur son sort, se relève alors: « Là, là, mon papa, ne pleurez point tant; je ne suis pas morte tout à fait. »
Quand son enfant est mort, Molière a fermé son théâtre une seule soirée. Deuil ou pas, il a une troupe qui compte sur lui pour gagner sa vie. Alors Molière a écrit une scène adorable où il peut à la fois attendrir les spectateurs et pleurer son fils. Quant à la dernière réplique, elle me noue la gorge à chaque fois que je la relis. Louison vient de partir après s'être insurgée de ce qu'on pût croire qu'elle mentait, et Argan, souriant, s'exclame : « Ah! Il n'y a plus d'enfants. »
Il n'y a plus d'enfant. Et Molière est un génie.
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