La forteresse, région de Bondeno 1561 : alors qu'elle partage le repas avec son époux Alfonso II d'Este, Duc de Ferrare, dans ce sinistre pavillon de chasse où il l'a emmenée soi-disant pour se reposer, Lucrèce comprend qu'il va la tuer. Sinon, pourquoi ne pas l'avoir emmenée à la Delizia, la villa où ils ont vécu juste après leur mariage, il y a un an à peine ?
Mais revenons à Lucrèce de Médicis, qui avait à peine quinze ans lors de son mariage pour tenter d'en savoir plus sur son enfance en famille. Elle est la fille de Cosme, (alias Cosimo de Medici) grand-duc de Toscane et d'Eléonore de Tolède, un couple auréolé de gloire, avec une progéniture digne de l'époque.
Lucrèce est différente des autres enfant, bébé difficile, insomniaque qui ne s'endort que dans les bras de la nourrice, Sofia, dont elle est infiniment plus proche que de sa mère, ce qui n'est guère étonnant. Elle s'avère douée pour le dessin, la peinture, d'une intelligence rare, ses frères et soeurs la rejettent car elle est différente, plus sensible, et plus rebelle à ce qu'on demande à une fille à l'époque.
A l'âge de treize ans, quand sa soeur Maria, promise à Alfonso décède brutalement, c'est Lucrèce que ses parents vont proposer en mariage à sa place, on ira même jusqu'à retailler la robe de mariage de Maria. En dépit de sa révolte, Lucrèce doit s'incliner…
Après le mariage, elle n'aura plus aucun contact avec ses parents, et devra affronter la cour, la famille de son époux, notamment les soeurs et Leonello Baldassare, le sinistre homme à tout faire : conseiller, surveillance de tous les membres de la cour (et donc dénonciations). Lucrèce est sous surveillance constante ; Une des soeurs d'Alfonso, Elisabetta, est plutôt gentille avec elle, mais l'autre Nunciata ne cesse de l'espionner et de rapporter ses moindres faits et gestes.
Très vite Lucrèce comprend que sa vie est en danger, car pas de grossesse à l'horizon, malgré un régime épouvantable prescrit par le médecin… Seul moment moins stressant : les séances de pose pour le fameux portrait de mariage, où elle est en présence d'un apprenti du peintre.
L'auteure nous brosse un portrait d'Alfonso sans concession : homme aux multiples visages, pouvant passer en une fraction de seconde de la « tendresse » à la violence, ce qui entretient la peur et la suspicion chez Lucrèce. Quand la main de son époux se pose sur la sienne, cela ressemble davantage aux serres d'un aigle sur sa proie.
En fait, on connaît peur de choses sur Lucrèce, car elle est morte très jeune, et il y a peu d'écrits à son sujet, alors Maggie O'Farrell a tenté de lui inventer une vie, aussi courte soit-elle. La vie à la cour est bien abordée, le statut (l'absence de statut serait mieux approprié) de la femme à l'époque, qui doit obéir à son époux, à peine plus considérée qu'un meuble, et dont la fonction est d'engendrer, si possible un fils afin que la lignée perdure …
L'auteure fait alterner les époques : le mariage, l'enfance, l'ambiance sinistre de la cour, ce qui donne du piment au récit, et évite au lecteur de tomber dans la sinistrose, avec le portrait comme fil rouge.
J'ai beaucoup aimé la scène où Lucrèce a réussi à s'approcher d'une tigresse en cage qui son père avait fait capturer, pour sa beauté, et surtout comme trophée à exhiber, comme si ces deux âmes rebelles avaient perdu l'envie de vivre, en étant privées de liberté.
J'ai décidé de lire ce roman, après avoir beaucoup aimé «
Perspectives » le roman épistolaire de
Laurent Binet qui nous parlait d'une soeur de Lucrèce au destin plutôt funeste également mais elle, au moins aura connu l'amour et également parce que j'adore la plume de Maggie O'Farrell.
J'ai passé un bon moment, j'ai aimé l'exercice consistant à « inventer » une vie à cette jeune femme, qui m'a beaucoup plu d'ailleurs, mais je suis un peu restée sur ma faim malgré la belle écriture et le retour à une époque que j'affectionne particulièrement. Peut-être parce que j'ai placé la barre bien trop haute, j'ai tellement aimé «
Hamnet » et surtout «
L'étrange disparition d'Esme Lennox », mais il faut reconnaître que l'exercice était difficile. Peut-être aussi parce que la féministe en moi, hurle de rage intérieurement et d'envie d'occire le duc et son âme damnée, complice…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume d'une auteure que j'apprécie.
#MaggieOFarrell #NetGalleyFrance !
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