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Sarah Tardy (Traducteur)
EAN : 9782714499141
416 pages
Belfond (24/08/2023)
4.01/5   391 notes
Résumé :
Après Hamnet, Maggie O’Farrell nous entraîne dans la Renaissance italienne pour redonner vie à une femme libre, rebelle, incomprise. Portée par une écriture d’une beauté inouïe, une œuvre lumineuse et poignante.

C’est un grand jour à Ferrare. On y célèbre les noces du duc Alfonso et de Lucrèce de Médicis. La fête est extravagante et la foule n’a d’yeux que pour le couple.
La mariée a quinze ans. Rien ne l’avait préparée à ce rôle. Elle n’était ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (116) Voir plus Ajouter une critique
4,01

sur 391 notes
Je suis ravie. Récemment, quelques lectures m'ont laissée désappointée : mon ressenti était de loin beaucoup moins positif que celui de la plupart des lecteurs.
Ici, cela a été l'inverse. Même si la note sur Babelio est bonne, je me souviens avoir lu quelques critiques qui, sans être très négatives, étaient cependant assez mitigées. J'avais donc remis encore et encore cette lecture, je ne regrette pas d'avoir franchi le pas.

Ce roman se passe en Italie, dans la deuxième moitié du XVIème siècle et nous conte sur une quinzaine d'années, la vie d'une femme. 15 ans seulement, car elle disparaitra avant d'avoir atteint ses 16 ans. C'est une époque où être femme, même dans des familles riches, influentes, n'est pas un sort enviable. Une femme est considérée comme une marchandise, de luxe certes, mais une marchandise qui servira par son mariage à nouer des alliances, à établir de nouvelles relations. Et l'on demandera de plus à cette marchandise d'être fertile, pour permettre à son époux de transmettre son titre et ses richesses à un fils.
Qu'importe qu'elle soit très jeune; qu'importe qu'elle doive quitter ses parents sa famille, sa terre natale, tout ce qu'elle connait pour vivre avec un homme qu'elle n'avait quasiment jamais vu. Ses suppliques à son père, à sa mère seront vaines. Elle sera mariée.

Même si ce livre n'atteint pas l'intensité dramatique de Hamnet, j'y ai retrouvé tout ce que j'aime chez Maggie O'Farell, à la fois dans la peinture de cette jeune femme, de ses désirs, de ses sentiments, de son affolement quand elle devine que son mari veut la tuer, et dans son écriture que j'aime toujours autant.
Lucrèce est une jeune femme sensible, à l'âme d'artiste, elle aime dessiner et peindre et y montre du talent. Elle est encore naïve et veut croire au bonheur possible. Son nouveau mari se montre tendre et attentionné, même s'il la tient à l'écart et ne lui confie rien de ce qui se passe à la cour et dans sa famille, même s'il s'entoure de personnages inquiétants, même si parfois des cris résonnent la nuit, même si des rumeurs circulent. Elle devra vite déchanter, d'autant plus que son ventre reste désespérément plat.

Les autres personnages du roman sont en retrait, l'autrice a vraiment mis l'accent sur ce personnage de femme, qu'elle m'a fait aimer et j'ai craint pour elle, tout au long du livre puisque celui-ci s'ouvre sur ses dernières heures, au coté de son mari isolée dans une forteresse sinistre et que le récit de sa vie alterne avec celui de ces quelques heures oppressantes.

Quant à l'écriture de l'autrice, je l'ai trouvé toujours aussi apte à transmettre à la fois les émotions, les somptuosités de la nature et des décors, la richesse de la vie en Italie à cette époque, les sentiments que provoquent l'art, et notamment la peinture, pour la regarder ou la réaliser. Une écriture à la fois précise dans le choix des mots et poétique par ce qu'ils expriment.

Une autrice dont j'ai lu la majorité des livres et qui a encore réussi à me séduire.



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Décidément, le mariage ne porta pas bonheur aux filles de Cosme 1er de Médicis, maître de Florence pendant la Renaissance. Isabelle fut assassinée par son mari, et si Marie et Lucrèce semblent avoir succombé, l'une à la malaria, l'autre à la tuberculose, la légende colporta une version bien moins naturelle de leur mort, survenue lorsqu'elles n'avaient respectivement que dix-sept et seize ans. L'aînée s'apprêtait alors à épouser Alphonse II, le puissant duc de Ferrare. La plus jeune venait de le faire à sa place. Les rumeurs de leur assassinat ont inspiré deux romans parus presque concomitamment : Marie est au centre de l'intrigue du passionnant Perpective(s) de Laurent Binet, Lucrèce est la tragique héroïne du nouveau livre de Maggie O'Farrell, impatiemment attendu après le succès de Hamnet.


De fait, en dehors des festivités qui soulignèrent de leur exceptionnelle somptuosité le mariage de Lucrèce et d'Alfonso, et aussi du portrait de la jeune épousée par le Bronzino, l'on ne sait pas grand-chose de cette éphémère duchesse de Ferrare. Mariée à treize ans à un homme du double de son âge pour servir d'amples enjeux politiques, elle connaît le sort habituel des filles de familles illustres, élevées dans le seul but d'au plus vite rendre fertile le jeu des alliances de pouvoir. Alors, fallait-il lui consacrer tout un roman ?


Reprenant à son compte la rumeur d'empoisonnement dont Richard Browning s'est fait l'écho en 1842 dans son poème My Last Duchess, Maggie O'Farrell l'imagine en épouse innocente et naïve à peine sortie de l'enfance, sa spontanéité juvénile et ses élans affectifs bientôt douchés par la peur croissante que lui inspire un époux autoritaire et cruel sous le vernis des bonnes manières. Semant le doute dans l'esprit du lecteur quant aux réelles intentions d'Alfonso, l'intrigue se resserre en un huis clos inquiétant, partagé entre l'imposant château d'Este, retranché entre ses douves et ses tours défensives en plein centre de Ferrare, et une austère forteresse isolée en bordure de forêt, à des jours d'inconfortable et malaisé voyage du riant palais florentin qui abrita l'enfance insouciante de Lucrèce.


Hélas, la belle écriture fluide et l'imagination de l'écrivain ont beau fouiller personnages et décors pour parer la narration des reflets chamarrés de la Renaissance italienne, le roman peine à trouver la consistance suffisante pour épargner l'ennui à son lecteur. Non seulement le scénario d'un romanesque presque mièvre accumule les invraisemblances, mais l'ensemble trahit un regard beaucoup trop moderne pour ne pas engendrer une vague mais persistante sensation d'anachronisme. Reste une jolie fantaisie historique, réussie dans la reconstitution de ses décors et de son contexte, mais trop superficielle sur le fond pour convaincre aussi bien que le précédent succès de Maggie O'Farrell.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Elle pourrait mourir. Ce constat se présente à elle comme une mouette sortie de la tempête et Lucrèce l'examine, prostrée, à travers le voile remuant de la maladie. Elle pourrait. Elle le reconnaît ; l'accepte. Car elle a atteint un lieu où tous ses désirs se réduisent à souhaiter la fin de ce tourment, de ce martyre physique. Souhaiter la fin, seulement. »

Eh bien moi aussi j'ai souhaité la fin rapide de cette pauvre Lucrèce, même si je n'ai rien de personnel contre elle. Car dès le début je me suis ennuyée fermement à la lecture des descriptions interminables des états d'âme de cette jeune fille et de son environnement. Certes il est bien triste d'épouser à 13 ans un homme de plus de dix ans son aîné pour des raisons d'intérêt financier et d'État (mais n'est-ce pas ce qui arrive à de nombreuses princesses ?).

De plus Lucrèce de Médicis n'a pas vécu longtemps puisqu'elle est morte à seulement seize ans, après trois brèves années de mariage avec le duc de Ferrare, Alfonso del Este. Ce qui fait peu de matière historique à se mettre sous la dent pour l'auteure, qui a compensé en romançant abondamment la courte vie et la mort de la duchesse de Ferrare, et surtout, ce qui est plus gênant à mes yeux, en transformant le peu que l'on en savait.

Reste le style remarquable de Maggie O'Farell, qui nous fait d'autant plus regretter que le fond ne soit pas à la hauteur de la forme.
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J'enrage à nouveau !
Cette fois ce n'est pas lié à Sorj Chalandon mais à Maggie O'Farrell …
Après le splendide Hamnet qui m'avait enchanté, je n'ai pas trouvé ce portrait de mariage à la hauteur, je m'y suis un peu ennuyée ! J'ai trainé cette lecture pendant une interminable semaine, alors que j'avais prévu 4 jours pour respecter mon planning de lecture serré, étant donné ma sévère boulimie pathologique devant le présentoir de ma médiathèque préférée…
Damned !
Une fois le livre refermé chaque soir, les personnages ne venaient pas me faire un petit brin de causette dans la journée, me questionner, Comment penses-tu que tout cela va finir ? Tu m'aimes ? Tu ne m'oublies pas ? Non, rien, même pas un petit coucou, … le vide, personne, et le soir, en prenant le livre sur ma table de chevet, bon ben j'en étais où déjà…
La dernière partie et la fin sauvent l'ensemble, m'ont à peu près réconciliée avec le tout, mais que je suis loiiiiinnnn de mon coup de coeur pour Hamnet. J'en suis presque à me dire qu'il faudrait que je rejette un oeil à Hamnet pour si voir si c'était aussi bien que dans mon souvenir.
Je n'ai pas trouvé le style spécialement fluide, les tournures de phrases m'ont parfois semblé alambiquées, comme souffrant d'un problème de traduction, en particulier dans la première partie du livre se déroulant dans le palais de Florence pendant l'enfance de Lucrèce.
Je suis sévère sans doute, la barre était trop haute…
Pourtant sur le papier, que le programme était alléchant, doré, croustillant à souhait : l'histoire de la très jeune Lucrèce de Cosme de Médicis mariée à treize ans en 1558 à Alfonso II, pour devenir Duchesse de Ferrare.
Cette très jeune fille va immédiatement sentir sur ses frêles épaules la responsabilité de porter au plus vite le futur héritier mâle du duché. La cour s'empressera de l'accuser d'infertilité et le médecin la soumettra aux régimes et idées les plus farfelues pour qu'enfin l'enfant paraisse… Trahison, manigances et cruauté sont au rendez-vous mais aussi la peinture, la campagne italienne, la vie de la duchesse et de ses dames de compagnie.
J'ai apprécié la note de l'autrice qui nous explique en fin d'ouvrage en quoi son roman diffère de la réalité et pourquoi elle a modifié certains événements.
Un roman qui pourra plaire à ceux qui ont envie de découvrir la vie dans les palais sous la Renaissance italienne et surtout n'auront pas eu un énorme coup de coeur pour Hamnet. Hamnet que je vous encourage plutôt à lire si vous souhaitez découvrir cette autrice…



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Lucrèce de Médicis est née à Florence en 1545, morte à Ferrare en 1561.
Morte à tout juste 16 ans, un an à peine après avoir épousé Alfonso II d'Este, duc de Ferrare.
Un mariage arrangé entre les deux familles, un mariage imprévu pour Lucrèce, puisque c'est sa soeur aînée Maria qui aurait dû épouser Alfonso, si elle n'avait pas été emportée par une mort soudaine.
Un mariage inespéré pour les parents de Lucrèce, qui n'imaginaient pas caser aussi « heureusement » leur troisième fille, si différente de ses deux aînées, sensible, davantage à l'aise avec les animaux qu'avec les humains, un tempérament rebelle qui n'a que faire des robes et des parures, de la broderie et des convenances.
Un mariage d'alliance entre deux lignées, où l'amour n'a aucun rôle à jouer. Mais le jour de son mariage, Lucrèce, qui va bientôt quitter sa famille et sa ville, son monde connu, pour Ferrare, veut y croire. Son fiancé se montre si attentionné, si patient, si respectueux...
Moins d'un an plus tard, Lucrèce n'y croit plus. Elle est persuadée qu'Alfonso veut l'assassiner, elle qui ne réussit pas à remplir la mission pour laquelle on l'a mariée : donner un héritier au Duché de Ferrare.

Ce sont deux fils narratifs que Maggie O'Farrell tisse dans cette biographie très romancée : celui qui court de la naissance de Lucrèce jusqu'au début de son mariage, et celui, beaucoup plus tendu et serré, de ce que la toute jeune femme pense être ses dernières heures.
L'auteure explique, dans une note finale, que, dans l'intérêt de la fiction, elle a pris quelques libertés avec la réalité historique, laquelle, il est vrai, est assez avare en données sur la vie de Lucrèce, probablement décédée de tuberculose. L'idée de son assassinat est tirée d'un poème de Robert Browning (1812-1889), My Last Duchess, lui-même inspiré par les rumeurs d'empoisonnement qui ont couru autour de la mort de la jeune femme.
Pour ce qui est du caractère, du tempérament de Lucrèce, tout est fiction. Une fiction néanmoins réaliste, qui provoque beaucoup d'empathie pour cette enfant trop sensible, incomprise, mal aimée, solitaire, mise de côté jusqu'à ce que le hasard en fasse une monnaie d'échange inespérée. Puis pour la Lucrèce jeune mariée, terriblement seule face à un mari dont elle découvre peu à peu le côté sombre et tyrannique, désespérée par la pression à enfanter qui pèse sur elle, emprisonnée dans une cage dorée où elle comprend vite qu'elle doit étouffer ses envies de rébellion sous peine d'en payer un prix trop lourd.
En ce qui me concerne, « Le portrait de mariage » souffre de la comparaison avec « Hamnet », que j'avais trouvé bouleversant et que j'ai placé bien haut au classement de mes meilleures lectures.
Ici, la plume de Maggie O'Farrell est toujours aussi fine, délicate, perspicace dans la description de toute la palette des émotions, mais elle se perd parfois dans des longueurs et des langueurs qui alourdissent le récit. Quant aux personnages, je ne sais pas trop quoi penser : par moments ils me semblent trop archétypaux pour être vraisemblables, mais d'un autre côté, s'ils étaient lisses et insipides, quel serait l'intérêt d'en raconter l'histoire ?
Quoi qu'il en soit, « le portrait de mariage » est une histoire aux accents féministes, qui conte un destin de femme opprimée, instrumentalisée dès la naissance, puisque sa seule utilité sera de procréer. Une histoire à la fois terrible et romanesque, touchante, bien construite, avec un certain suspense. Mais si vous avez lu « Hamnet », vous risquez une (petite) déception.

En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.
#MaggieOFarrell #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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critiques presse (5)
Bibliobs
23 octobre 2023
Avec « le Portrait de mariage », Maggie O’Farrell livre un conte cruel sur la condition des femmes. La grande romancière irlandaise plonge dans l’Italie de la Renaissance.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaPresse
16 octobre 2023
Voilà un [livre] qui plaira aux amateurs de romans historiques comme "La maison dorée", de Jessie Burton.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaCroix
09 octobre 2023
Couchant les mots comme de pigments, diaphanes ou saturés, sur la toile de son roman, l’Irlandaise Maggie O’Farrell remonte le cours du temps jusqu’à la Renaissance. Celle des nobles et puissantes familles italiennes et de leur cruel destin.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LaTribuneDeGeneve
25 septembre 2023
Au fil des lignes [...], les ponts se créent entre cette princesse et les enjeux féministes d’aujourd’hui, bâtis sur une écriture qui percute.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeFigaro
15 septembre 2023
La romancière a décidé de donner vie à Lucrèce et la dote d’un souffle si vivifiant, si puissant que l’on regardera désormais son portrait, minuscule huile commandée par ses parents après son départ pour le château de son époux, avec un vif pincement au cœur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Il s'agit, je vous l'assure, d'un état assez commun chez la gent féminine. Votre épouse, je me permets de le dire, porte en elle trop de chaleur. Son sang est trop chaud, ce qui excite l'esprit femelle. Il s'agit, bien entendu, d'un problème qu'il m'est possible de traiter. Je préconiserais une série de saignées avec ventouses, et des décoctions à base de plantes et de minéraux. Je veillerai moi-même à les préparer. Elle ne devra plus manger que des aliments froids, un peu de volaille, des légumes verts, de la viande rouge, fromage et lait chaque jour. Plus d'épices, de bouillon, de poivre ou de tomates. Elle devra par ailleurs être entourée d'images douces et fruitées. Ces bêtes sauvages sur ces murs devront être retirées. Ces ossements, ces plumes et ses curieux artefacts également. Des activités précises devront lui être proposées, chaque jour, suivies d'une période de repos après chaque repas, au lit, et après le réveil. Pas d'excitation, de danse, de musique, de loisirs créatifs, de lecture, en dehors des textes religieux.
-Fort bien.
-J'ai la certitude que l'événement que vous attendez arrivera prochainement.
(p.369-370)
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— Il s’agit, je vous l’assure, d’un état assez commun chez la gent féminine. Votre épouse, je me permets de le dire, porte en elle trop de chaleur. Son sang est trop chaud, ce qui excite l’esprit femelle. Il s’agit, bien entendu, d’un problème qu’il m’est possible de traiter. Je préconiserais une série de saignées avec ventouses, et des décoctions à base de plantes et de minéraux. Je veillerai moi-même à les préparer. Elle ne devra plus manger que des aliments froids, un peu de volaille, des légumes verts, de la viande rouge, fromage et lait chaque jour. Plus d’épices, de bouillon, de poivre ou de tomates. Elle devra par ailleurs être entourée d’images douces et fruitées. Ces bêtes sauvages sur ces murs devront être retirées. Ces ossements, ces plumes et ces curieux artefacts également. Des activités précises devront lui être proposées, chaque jour, suivies d’une période de repos après chaque repas, au lit, et après le réveil. Pas d’excitation, de danse, de musique, de loisirs créatifs, de lecture, en dehors des textes religieux.
— Fort bien.
— J’ai la certitude que l’événement que vous attendez arrivera prochainement. »
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La peur commença à l’envahir comme la mousse envahit une pierre. Elle sentait que quelqu’un ou quelque chose s’était glissé derrière elle, là, dans son dos. Elle resta immobile devant son assiette vide tandis que l’angoisse montait. C’était une chose sombre, gélatineuse, aux contours incertains et changeants ; elle n’avait pas d’yeux, seulement une bouche béante et mouillée d’où sortait un souffle humide, gazeux. Cette chose – Lucrèce le savait sans même avoir besoin de se retourner – était sa mort. Si ce mariage se réalisait, elle mourrait, comprit-elle, peut-être pas tout de suite, mais bientôt. Jamais plus ce spectre, fantôme de sa propre déchéance, ne la quitterait.
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C’est à cet instant, agrippée au rebord de la fenêtre, qu’elle la découvrit : une forme effilée, sinueuse, se mouvant d’un bout à l’autre de la cage. La tigresse ne semblait pas marcher, mais couler, comme si son essence même était fluide, bouillonnante, telle la lave d’un volcan. Dans le noir, les barreaux de la cage en regard des rayures de son pelage semblaient presque invisibles. La tigresse était orange, couleur de vieil or, feu fait chair ; elle était puissance et colère, elle était exquise et féroce. Elle portait sur son corps les barres verticales d’une geôle, comme marquée pour ce sort précisément, comme destinée à la captivité depuis le départ.
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Elle tendit la main et promena un doigt hésitant le long du dos de la bête, sentant sous sa peau les bosses et les rugosités de l'huile et des pigments - série de messages secrets laissés par l'anonyme auteur du tableau. Un échantillon de forêt au lieu du portrait morne d'un futur époux. […]
« La faina », murmura-t-elle pour goûter au son de ce mot, à l’incarnation de ces voyelles, ces deux a à la friction du f. Son premier mot dans le dialecte de Ferrare. La fouine - lutin des bois, habitante des arbres, esprit de la forêt - de ses yeux espiègles lui rendit son regard.
Elle toucha les poils drus de la queue, les griffes aux pointes perlées. L’épaisseur de la peinture l'étonnant profondément, ses couches luxuriantes, granitées, cette fierté avec laquelle les huiles ressortaient sur la tavola. Que quelqu'un ait ainsi pu connaître ou deviner le chemin qui menait à son cœur la touchait et la dérangeait à la fois. Comment avait-il pu la percer à ce à jour à ce point alors que leur rencontre, qui remontait à des années, avait été si brève ? (p.110-111)
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Le Portrait de mariage
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