Implacable.
Michel Onfray nous propose un portrait croisé particulièrement instructif de Charles de Gaulle et
François Mitterrand. le résultat était attendu. Il se révèle néanmoins d'une inégalable cruauté. Sa conclusion : « L'homme de Colombey était une ligne droite ; celui de Jarnac un noeud de vipères. L'un a laissé une trace dans l'histoire ; l'autre pèse désormais autant qu'un obscur président du Conseil de la IVe République. L'un a fait la France ; l'autre a largement contribué à la défaire. » Miterrandolâtres s'abstenir, Tontonmaniaques, passez votre chemin !
De Gaulle exerce une puissante fascination sur
Onfray. Y a-t-il à redire à l'action qu'il a menée pendant un demi-siècle ? Il sauve l'honneur de la France en juin 40, organise la Résistance, tient tête aux Anglais et aux Américains. Il reconstruit le pays dès 1944, réunissant toutes les forces politiques derrière lui. Il redonne une force à la France avec la Constitution de la Ve république. Il décolonise, rend à la France son rang dans le concert des nations. Il développe le pays et propose une politique inspirée par le socialisme français et le catholicisme social : la participation.
De Gaulle tombera en 1969, victime d'une « union des médiocres » : la droite bourgeoise, affairiste et européiste, le parti communiste, le parti socialiste « déjà instrumentalisé par Mitterrand qui veut être calife à la place du calife ».
Onfray convoque
Malraux, l'ami génial du Général. Il définit un « corpus gaulliste transcendental », marqué notamment par une mystique de la France, une radicalité démocratique, un souverainisme exigeant, une école d'énergie positive, une éthique de la moralité pratique du chef et une volonté de grandeur.
Comparativement,
Michel Onfray a bien du mal à définir le moindre point de doctrine mitterrandienne. On déplore en effet l'insigne pauvreté des sources à ce sujet. Triste conclusion : l'assimilation du mitterrandisme à l'opportunisme de Mitterrand paraît la définition la plus pertinente. le mitterrandisme est une aventure personnelle.
Mitterrand a été proche de l'extrême-droite avant-guerre, ce qu'il a toujours nié. Il fut pétainiste, vichyste, giraudiste. Il s'est ensuite prétendu résistant, a défendu l'Algérie française avant de déclarer avoir été anticolonialiste. Il a été anticommuniste avant de faire alliance avec le parti communiste. Il a craché sur la Constitution de la Ve république avant d'en jouir goulûment pendant quatorze ans. Il a traité de Gaulle de dictateur avant de refuser de se retirer quand, à deux reprises, les électeurs l'ont désavoué. Il a menti sur son passé, sur sa santé, sur ses familles, sur ses fréquentations, sur ses affaires. Au pouvoir, il n'a mené une politique de gauche (d'
ailleurs désastreuse) que pendant 22 mois.
Onfray distribue de multiples coups de griffe. Il moque les conversations philosophantes de Mitterrand avec un vieux penseur vichyste (
Jean Guitton) ou avec une « envoyée spéciale de
Nostradamus » (Elizabeth Tessier). Il distingue particulièrement les journalistes serviles (Elkabbach, Duhamel, Benamou…), les politiques stipendiés (Jean Monnet), les courtisans dévots (Charasse, Lang…), les intellectuels complaisants (
Sollers,
Duras,
Le Clézio,
Kundera,
Sagan…).
Par-delà les multiples témoignages et les anecdotes inénarrables, au-delà de la sévérité de ce portrait croisé,
Michel Onfray constate amèrement la disparition du gaullisme. Il exprime son mépris pour les successeurs du Général (Pompidou, Chirac,
Sarkozy), qui se prétendent gaullistes mais qui multiplient les renoncements de souveraineté au profit d'une Europe supranationale, libérale et pro-américaine. L'Europe gaullienne est une Europe au service des nations. L'Europe de Maastricht est un instrument de dilution des nations, dirigée par des technocrates qui écartent les peuples du pouvoir.