"Cet ouvrage n'est pas un labyrinthe pour "initiés" où le simple lecteur se perd dans des méandres ésotériques et littéraires tracés aux seules fins de le déboussoler"
C'est ainsi que commence l'avertissement au lecteur de "
La Paix est mon Royaume". Lecteur considéré par Oria comme "substance" du message délivré... Et faisant partie de cette Existence que le héros du livre, passé du céleste Etranger de "L'Évangile de la Colombe" à un Être-Ange plus incarné, va visiter de haut en bas et de droite à gauche, et inversement, dans une sorte d'ecartelement librement consenti. Salvateur et mouvant et non statique et éploré.
En reprenant la lecture de ce livre, et malgré les explications ou justifications de l'auteur au sujet du vocabulaire adopté, je vois ce qui va, d'emblée, non pas égarer le lecteur mais bel et bien ( ou pas bien ?) l'etourdir autant que l'esbaudir. Avec tant de néologismes de verbes inventés, de lettres mises entre parenthèses pour créer plusieurs mots en un seul !
On peut, à la rigueur, chercher secours dans le glossaire, mais l'auteur elle-même le déconseille. Alors pourquoi cette abondance de jeux de mots ? Hauts et beaux, pour la plupart, certes ! Mais nuisant à la lecture si on ne sait pas se laisser porter par la vagues des lignes, par son lyrisme et le flux vivant du récit.
Pour déstabiliser le "mental" humain dont on fait un personnage ? Faire un croche-pied à sa démarche ? L'hypnotiser le temps de lui injecter un "bon" venin ou un salutaire vaccin ?... Oui, c'est compréhensible ! Mais dans cette forêt de paroles précieuses jalonnée de mots surprenants, surgissant à la fois de la terre et du ciel, le lecteur inquiet peut redouter les coups de foudre et rebrousser chemin.
Le dieu des racines étymologiques a-t-il pu reconnaître les siennes ?... Pas toujours à mon avis ! Mais ce qui est certain c'est que ce livre d'Oria, plus encore que les deux autres est INTRADUISIBLE. Et comme d'autres auteurs elle a pris le risque d'être incomprise. À moins de superviser elle-même la tâche de traduction afin que celle-ci ne devienne pas trahison. Quoiqu'il en soit, dans l'obligation de créer d'autres mots l'ouvrage serait "autre" et empesé de notes au bas de chaque page. Bref, il m'apparait, aujourd'hui plus qu'hier, que cela est "dommage".
Mais ne boudons pas notre plaisir ! Surtout lorsque l'humour est étroitement lié à l'Amour de l'Être-Ange charismatique. Notamment dans son échange mémorable avec celui que l'intelligentsia biblique nous a appris à nommer Lucifer et que l'auteur, à travers son héros, a renoncé à nommer de la sorte, en refusant non seulement ce qu'on nous a inculqué, mais aussi d'amoindrir ou de blesser un éventuel bouc émissaire tout de même nommé "porteur de lumière".
Plus exactement ce n'est pas lui qu'elle reconnait sous les traits vainement grimés de celui qu'elle appelle "Vocifer"
( à cause du verbe vociférer. Ça c'est facile à comprendre et à retenir ) Une personnification du Bruit ! Lequel n'est pas que cela, ni un borné mort-né face au rappel du Vivant et à la puissance du Verbe.
Il n'est pas insensible à la Grâce de celui qui est décrit en ces termes : " oiseau d'argent et oiseau d'or" à la fois, lune et soleil, en somme, rappelant l'androgynie de Yahal-Yahalia dans "L'Évangile de la Colombe".
Quant au passage, il n'est pas sans évoquer la parole de l'Étranger disant au Cavalier : "Je suis venu sur Terre pour dire au prince de ce monde: "JE SUIS Toi"
Vocifer ici, le "serpent" ou tout autre symbole redouté du Cavalier de L'Évangile, met en garde le Messager contre une ingrate Humanité en quête de connaissance, qui va forcément le fuir, le calomnier, l'abandonner ou le renier après avoir pris sa "lumière" au vol. Mais en même temps il est à deux doigts de tomber sous le charme de l'Être-Ange. Malin, il en prend conscience, s'en défend, se rebiffe, montre ses griffes, réajuste le diabolique masque auquel l'Être-Ange ne croit pas.
...
C'est un moment essentiel du livre. Car ce Vocifer, par ses sbires, c'est tout ce que nous allons voir et entendre s'exprimer tout au long du récit, à travers les rencontres que vont faire l'Etre-Ange et son fidèle Ami accompagnateur. Tantôt modérateur de sa Flamme, tantôt poussant ses pas freinés vers une foule et des communautés qui attendent sa parole comme une manne ou s'y opposent avec férocité.
L'Être-Ange veut bien parler aux nations, aux sages et même aux insensés mais en aucun cas il ne veut être pris pour un "maître". Piégé par des adorateurs ou des disciples prêts à se l'attacher et se le disputer.
C'est un "Messie récalcitrant" en quelque sorte, invitant sans relâche tout oiseau rencontré à devenir, au moins, un libre "
Jonathan Livingston le Goeland" ( voir ces oeuvres de
Richard Bach qui a aussi un nid sur Babelio)
On devine une peur, ou des cicatrices mal refermées chez l'Être-Ange... Ou l'amère leçon des Mythes, qui sait ? dans ce refus de porter la "bonne parole" ou de se donner complètement en pâture à la Terre des Hommes.
Pourtant, ce n'est pas "elle" que craint l'Être-Ange. Elle est aimée ! Et cet Amour est déclaré dans un poème époustouflant de sensualité, au sein d'un Prologue qui commence ainsi :
"Il était une fois, il est, et il sera, le récit de l'Être-Ange aux ailes interdites, descendu mille fois, exclu et revenu sur un monde fébrile pour y chanter la Loi.
Verbe au c(h)oeur bâillonné, portant du fond des âges, les notes égrenées de l'Éternel Message.
Fakir aux pieds saignants sur les clous des labours, où tout semeur sévit pour que pointe au grand jour... le Germe rare."
( avez-vous noté : tout se meurt, se vit ?)
Ces quelques lignes sont de la même veine exactement que celles du prologue de "L"Evangile de la Colombe" Mais la suite de "
La Paix est mon Royaume " annonce à coup sûr, bien qu'à fleurets mouchetés, l'épée tranchante et tournoyante de "
La Révolte Essentielle".
C'est comme si le héros se retirait après avoir dit aux êtres qui étaient venus vers lui : Bon ! Vous n'avez rien compris ? Vous souhaitez rester dans vos délires et délits ? Eh bien je laisse plus grand et plus fort que moi désigner plus crûment les maux que vous ne cessez de mâcher.
La Paix est mon Royaume " se situe donc dans un entre-deux dont "l'état d'Esprit" fluctuerait entre la Colombe de L'Évangile et celle de "
La Révolte Essentielle" où l'Oiseau-ESPRIT fond sur l'Humanité pour la "refondre" d'une certaine manière, à un Feu libérateur.