Intéressant témoignage sur la répression par le régime soviétique des intellectuels et artistes ukrainiens dans les années 1960
Tôt le matin, on sonne à la porte de manière insistante chez Mykhaylo Ossadchy, poète, professeur à l'université de Lviv, son appartement est fouillé; tous ses livres sont examinés, on ne lui donne aucune explication et il est emmené et interrogé, il apprend être soupçonné de diffusion de textes nationalistes anti soviétiques. Persuadé à tort d'être rapidement de retour chez lui; il est au contraire mis en prison, puis condamné à deux ans de camp de régime sévère en Mordavie.
Ossadchy relate son arrestation, sa détention préventive; son procès et la vie dans le camp.
C'est un apport important sur la méfiance du régime soviétique envers les élites intellectuelles de l'Ukraine qui oeuvraient pour une certaine autonomie de leur pays. En défendre la langue et la culture menaçait le mythe d'une URSS où aucun problème de nationalité n'existe ni, bien entendu, où aucune minorité n'est oppressée.
L'auteur, communiste, membre du comité régional du Parti, vivait mieux que ses compatriotes et en ressentait parfois de la gêne - « Pourquoi, nous les communistes; qui prônons l'austérité de
Lénine; ne suivons-nous pas son exemple ? Dans les pires moments de disette, il refusait les moindres cadeaux - sucre, vêtements - et les faisait redistribuer aux jardins d'enfants. Tandis que nous en voiture, les mains pleines de victuailles... ».
Dans le camp, il est entouré .d'autres intellectuels, professeurs, écrivains, artistes, il y a aussi beaucoup de références à d'autres intellectuels ayant subi le même sort, d'où énormément de noms sont cités, qui me sont totalement inconnus, me faisant ainsi consulter sans cesse les notes en fin d'ouvrage .
Policiers, le major qui l'interroge, le juge, les gardiens du camp l'insultent, le menacent.
Il nous décrit comment il occupe ses heures durant sa détention; du jeu de Mikado avec des allumettes à la culture d'un oignon en cellule, nous parle d'un mouchard placé dans la même cellule pour le confondre. Des marques d'humour sont présentes, souvent dues à certains comportements ridicules de ses tortionnaires : « A pris chez Bohdan Horyn de la littérature anti soviétique, à savoir : Traité entre Bohdan Khmelnystsky et le Tsar Alexis Mykhaylovytch de 1654... «
La condition des prisonniers, les « zeks » , leur nourriture, les brimades et insultes qui pleuvent sur eux, l'auteur nous relate tout.
Nous constatons à la lecture de ce témoignage l'antagonisme des Russes envers les Ukrainiens : « D'ailleurs, vous savez, ces Ukrainiens n'ont jamais été vraiment nationalistes. Ce sont des chauvins exacerbés qui ont le front de ne pas même s'en cacher. Seulement, on doit les arrêter pour nationalisme, car le crime de chauvinisme n'est pas encore prévu parle Code pénal. Mais ça viendra... »
C'est un témoignage mais c'est aussi une oeuvre littéraire. J'en ai beaucoup appris et j'ai aimé.
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