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Lassé des chiffres du COVID, je décidai de lire la poésie d'Ovide. Pour rêver les amours en 23 avant JC, et rêver ce qu'il adviendra du sexe, quand demain Castex, en donnera le mode d'emploi. Sexe sans contact, sans french kiss, sexe platonique : à la Barbarella, mais sans se toucher la paume. Corinne et Ovide, eux, s'embrassent et Ovide tremble beaucoup. Corinne est en mer, il tremble qu'elle coule; Corinne a un mari, il tremble qu'elle l'aime ; Corinne en embrasse d'autres, il tremble qu'elle ne l'aime pas. Il surveille, s'inquiète. Si des chiens aboient dans le silence de la nuit, c'est que des servantes portent des billets doux, et rapportent des réponses épicées. Ovide dispense des conseils pleins d'ironie. Aux maris jaloux : « surveillez vos femmes afin de me les faire désirer davantage ». A la femme mariée : « laisse-moi couché sur le seuil de ta porte, endurer le froid et les frimas : voilà ce qui me plaît. Un amour trop facile me fait mal, comme à l'estomac un mets trop sucré. ». C'est bon quand ça pique. L'enchantement de la conquête le dispute néanmoins au ravissement d'être cocu. « Pourquoi sous mes yeux, tant de billets envoyés et reçus, pourquoi le devant et le fond du lit sont-ils foulés, pourquoi ta chevelure me montre-t-elle un désordre que ne réussirait pas à produire le sommeil et ton cou les marques de dents ? Il ne manque plus qu'une chose : c'est que tout se passe sous mes yeux. » Ovide se torture et se régale : « Alors je t'aime, alors je te hais. Alors je voudrais être mort, mais avec toi. » Quelle idée de s'amouracher d'une cocotte, d'une hétaïre, vraiment ces poètes aiment souffrir. « D'ailleurs je ne ferai aucune enquête ; ce que tu voudras me cacher, je n'y insisterai pas ; et je serai trop heureux d'être trompé». La béatitude est atteinte quand il comprend que celle qu'il aime pourra, enquête ou pas, le tromper en rêve : il n'a plus qu'à imaginer ce à quoi elle songe. le poète a atteint une source inépuisable de tourments délicieux: lui-même. Et au sommet de son excitation... "quelles postures n'avais-je pas imaginées et préparées"... Patatras! Ce n'est pas parce qu'il a un grand nez, qu'Ovide n'a pas de pannes. « Elle a eu beau passer autour de mon cou ses bras d'ivoire plus blancs que la neige de Sithonie (...) glisser sa cuisse lascive sous la mienne, me dire mille douceurs, m'appeler son vainqueur (...) je suis demeuré comme un tronc sans vigueur. (...) Mais voyant que, oubliant ses anciens exploits, il restait là inerte, elle s'écria : "(...) ou bien l'empoisonneuse d'Ea t'a ensorcelé, au moyen de tablettes transpercées, ou tu t'es épuisé à en aimer une autre avant de venir ici." Aussitôt elle saute à bas du lit, couverte simplement de sa tunique flottante, et, pour que ses femmes ne puissent savoir qu'elle sortait intacte du combat, elle dissimula cet affront en se lavant. » Mais déjà, m'arrachant à ma rêverie, les enfants me rappellent qu'il faut remplir le frigo. Les oreilles écartées par les élastiques du masque, les lunettes embuées par mes expirations, je saisis le ticket que la caissière me tend. Elle sourit derrière son plexi et j'entends Ovide : « sa langue toute entière entre mes lèvres, et ma langue entre les siennes » . J'essaye de lui rendre son sourire avec les yeux, mais la buée envahit mes lunettes. En marchant sur le parking je me dis que, décidément, les Amours en 2020 sont une lecture plus mélancolique que jamais.
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Comme chacun sait, Publius Ovidius Naso a achevé sa vie dans un triste exil. Auparavant, il s'était illustré par ses poésies, notamment par "Les amours" dont la dernière version a été publiée en 4 av. J. C. C'est un recueil d'élégies écrites en distiques, c'est-à-dire avec des couples formés d'un hexamètre dactylique et d'un pentamètre. L'élégie est l'une des formes poétiques de la plainte. Le moteur de ce type d'expression est très souvent l'amour, amour impossible ou contrarié.

Dans le cas d'Ovide, l'amour n'a rien de platonique: jeune et ardent, il ne pense qu'à "ça". Il se fixe sur une certaine Corinne, pour laquelle il éprouve un fort désir. C'est avec une grande franchise que le poète nous parle de son amour (voir, par exemple, l'extrait que je mets en citation). Mais aussi il s'étend sur les intrigues nouées pour organiser les rencontres, sur ses sentiments de jalousie, et en général sur sa stratégie amoureuse. Ovide écrit dans sa subjectivité toute empreinte de désir, de sentiments enflammés, d'obsessions, d'égoïsme, et même d'humour. Je trouve délicieux, par exemple, le face-à-face de l'amant avec sa maîtresse en présence du mari, lors d'un repas pris en commun (livre 1, élégie 4).

Faut-il croire qu'Ovide était un adepte fanatique de Priape ? Le rédacteur de la préface (dans l'édition dont je dispose) le nie; il en veut pour preuve le choix du narrateur de se désigner sous le nom de Nason (Naso) et non d'Ovide (Ovidius), sans doute pour prendre de la distance par rapport à ses aimables délires amoureux. J'ajoute que le poète n'oublie jamais toutes ses références culturelles (notamment mythologiques). De plus, il écrit d'une manière élégante et fluide. Le lecteur moderne peut lire sans grande difficulté cette poésie - à condition d'admettre les conventions du genre, évidemment.

P. S. Je dispose d'une édition bilingue. J'ai ainsi remarqué que la poésie en latin est beaucoup plus concise que sa traduction (en prose) en français moderne.
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souvenir de lecture en lisant l'éphéméride...
-043 naissance d'Ovide, poète

Les Amours

Après avoir chanté les amours des héros, Ovide chanta les siennes, qui lui avaient acquis une singulière célébrité. Il n'était bruit dans Rome que de ses exploits amoureux ; ils faisaient l'entretien des riches dans leurs festins, du peuple, dans les carrefours, et partout on se le montrait quand il venait à passer.

Attirées plutôt qu'éloignées par cette réputation, toutes les belles sollicitaient son hommage, se disputaient le renom que donnaient son amour et ses vers ; et il se vante d'avoir, en les faisant connaître, doté d'une foule d'adorateurs leurs charmes jusqu'alors ignorés.

Il avoue d'ailleurs ingénument qu'il n'est point en lui de ne pas aimer toutes les femmes, même à la fois, et les raisons qu'il en donne, quoique peu édifiantes, font de cette confession une de ses plus charmantes élégies.

Le mal était surtout que ses maîtresses avaient quelquefois des rivales jusque parmi leurs suivantes. Corinne l'accusa un jour d'une intrigue avec Cypassis sa coiffeuse ;

Ovide, indigné d'un tel soupçon, se répand en plaintes pathétiques, prend tous les dieux à témoin de son innocence, renouvelle les protestations d'un amour sans partage et d'une fidélité sans bornes.

Corinne dut être entièrement rassurée. Mais l'épître suivante (et ce rapprochement est déjà très piquant ) est, adressée à cette Cypassis ; il la gronde doucement d'avoir, par quelque indiscrétion, livré le secret de leur amour aux regards jaloux de sa maîtresse, d'avoir peut-être rougi devant elle comme un enfant ; il lui enseigne à mentir désormais avec le même sang-froid que lui, et finit par lui demander un rendez-vous.

Le recueil de ses élégies fut d'abord publié en cinq livres, qu'il réduisit ensuite à trois, "ayant, corrigé, dit-il, en les brûlant," celles qu'il jugea indignes des regards de la postérité.

A l'exemple de Gallus, de Properce et de Tibulle qui avaient chanté leurs belles sous les noms empruntés de Lycoris, de Cynthie et de Némésis Ovide célébra sous celui de Corinne la maîtresse qu'il aima le plus. Tel est du moins le nom que plusieurs manuscrits ont donné pour titre aux livres des Amours. Mais quelle était cette Corinne ?

Qui était Corinne ?

Cette question, qui n'est un peu importante que si on la rattache à la cause de l'exil d'Ovide, a longtemps exercé, sans la satisfaire, la patiente curiosité des siècles ; et comment eût-on pénétré un secret si bien caché même au sicle d'Ovide, que ses amis lui en demandaient la révélation comme une faveur, et que plus d'une femme, profitant, pour se faire valoir, de la discrétion de l'amant de Corinne, usurpa le nom, devenir célèbre, de cette maîtresse mystérieuse, et se donna publiquement pour l'héroïne des chants du poète ?

Du soin même qu'il a mis à taire le nom de la véritable, on a induit qu'elle appartenait à la famille des Césars.

On a nommé Livie, femme de l'empereur ; mais la maîtresse eût été bien vieille et l'amant bien jeune : on a nommé Julie, fille de Tibère ; mais alors, au contraire, la maîtresse eût été bien jeune et l'amant bien vieux ; ce que ne permettent de supposer ni la date ni aucun passage des Amours.

On a nommé Julie, fille d'Auguste, et cette opinion, consacrée par l'autorité d'une tradition dont Sidoine Apollinaire s'est fait l'écho, n'est pas aussi dépourvue de toute vraisemblance, quoiqu'on ne l'ait appuyée que sur de bien futiles raisons.

Julie, veuve de Marcellus, avait épousé Marcus Agrippa ; or, dit-on, les élégies parlent du mari de Corinne, de ses suivantes, d'un eunuque.

Ailleurs, il la compare à Sémiramis ; ailleurs encore, il lui cite, pour l'encourager à aimer en lui un simple chevalier romain, l'exemple de Calypso qui brûla d'amour pour un mortel, et celui de la nymphe Égérie, rendue sensible par le juste Numa.

Corinne ayant, pour conserver sa beauté, détruit dans soir sein le fruit de leur amour, Ovide indigné lui adresse ces mots, le triomphe et la joie du commentateur : "Si Vénus, avant de donner le jour à Énée, eût attenté à sa vie, la terre n'eût point, vu les Césars !"

Enfin, s'écrie-t-on victorieusement, le tableau qu'Ovide a tracé, dans une des dernières élégies de ses Amours, des moeurs dissolues de sa maîtresse n'est que celui des prostitutions de cette Julie qu'accompagnaient en public des troupes d'amants éhontés, qui affichait jusque dans le Forum, dit Sénèque, le scandaleux spectacle de ses orgies nocturnes, et que ses débordements firent exiler par Auguste lui-même dans l'île déserte où elle mourut de faim.

Mais toutes ces phrases d'Ovide à sa Corinne peuvent n'être que des hyperboles poétiques, assez ordinaires aux amants, et applicables à d'autres femmes que Julie, et n'avoir point le sens caché qu'on a cru y découvrir.

Il en est qui ont pensé mettre fin à toutes les conjectures en disant qu'Ovide n'avait, en réalité, chanté aucune femme, et que ses amours, comme celles de Tibulle et de Properce, n'existèrent jamais que dans son imagination et dans celle des commentateurs ; ce qui n'est qu'une manière expéditive de trancher une difficulté insoluble.

Médée

Les plaisirs ne détournaient pas Ovide de sa passion pour la gloire : "Je cours, disait-il , après une renommée éternelle, et je veux que mon nom soit connu de l'univers."

L'oeuvre qui nourrissait en lui cette immense espérance était une tragédie ; et le témoignage qu'il se rend à lui-même, en termes, il est vrai, peu modestes, d'avoir créé la tragédie romaine, peut avoir un grand fond de vérité, à en juger par les efforts plus louables qu'heureux des écrivains qui s'étaient déjà essayés dans ce genre, à l'exemple du prince, lequel, au rapport de Suétone, avait composé une tragédie d'Ajax, connue seulement par le trait d'esprit dont elle fut pour lui l'occasion quand il la détruisit.

La postérité ne peut prononcer sur le talent dont Ovide fit preuve dans cette nouvelle carrière, puisque sa Médée est aujourd'hui perdue.

On a nié qu'il eût pu être un bon auteur dramatique, en ce qu'il est trop souvent, dans ses autres ouvrages, hors du sentiment et de la vérité.

Un fait qu'on n'a pas remarqué donne à cette assertion quelque vraisemblance ; c'est que Lucain, peu de temps après, composa une tragédie sur le même sujet ; il ne l'aurait point osé, si celle d'Ovide eût été réputée un chef-d'oeuvre.

Toutefois elle jouit longtemps d'une grande renommée : "Médée, dit Quintilien, me paraît montrer de quoi Ovide eût été capable, s'il eut maîtrisé son génie au lieu de s'y abandonner ; " et l'auteur, inconnu mais fameux, du Dialogue sur les orateurs, met cette pièce au-dessus de celles de Messala et de Pollion, qu'on a surnommé le Sophocle romain, et à côté du Thyeste de Varius, le chef-d'oeuvre de la scène latine.

Deux vers, voilà ce qui reste de la Médée d'Ovide, parce qu'on les trouve cités, l'un, dans Quintilien :

Servare potui, perdere an possim rogas?
l'autre, dans Sénèque le rhéteur :
Feror huc illuc, ut plana deo.

source : http://remacle.org/bloodwolf/poetes/Ovide/intro.htm
Lien : http://mazel-livres.blogspot..
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Ovide est facétieux, on le sait. Son caractère correspond donc totalement à ce genre "levis" qu'est l'élégie, par opposition à la pesante épopée. Mais Ovide s'amuse de tout, y compris de l'élégie, de ses codes, ses canons. N'en déplaise à l'empereur !
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Je ressors déçue de cette lecture. Je m'attendais à quelque chose de plus prenant, plus accrocheur, et j'ai finalement eu du mal à suivre le filon de bout en bout. Cela ne me décourage pourtant pas à tenter les Métamorphoses dans leur ensemble.
Lien : http://la-riviere-des-mots.b..
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Nous retrouvons bien le côté « osé » d'Ovide. Les quelques traits d'humour peuvent faire sourire de temps en temps, toutefois l'ensemble de l'oeuvre me semblait un peu creux : les poèmes tournent vite en rond, hormis une petite poignée teintée d'érotisme (comme l'élégie 15 du premier livre) ou la déploration face à la porte close de l'amante. En dehors de ces exceptions, il m'a été difficile de vraiment accrocher avec l'oeuvre.
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